L’une des élections les plus intrigantes du continent en 2024 aura lieu en Namibie. Le pays élira un nouveau président après la mort du président en exercice Hage Geingob, qui devait se retirer à l’issue du deuxième et dernier mandat constitutionnel.
Le porte-drapeau de la South West Africa People’s Organization (SWAPO) sera la vice-présidente Netumbo Nandi-Ndaitwah, qui, qui sera la première femme candidate du parti à la présidence.
Les résultats compétitifs reflètent l’évolution naturelle d’un système multipartite sain.
Le principal prétendant devrait être Panduleni Itula, qui a obtenu 30 % des voix lors de l’élection de 2019, le résultat le plus élevé de l’opposition lors d’une élection présidentielle. Il dirige le parti Independent Patriots for Change (patriotes indépendants pour le changement). Job Amupanda (le leader du Affirmative Repositioning) et Ally Angula, un candidat indépendant soutenu par trois partis qui ne sont pas représentés au parlement, sont aussi des concurrents importants.
Notamment, trois des six candidats susceptibles de recueillir le plus grand nombre de voix sont des femmes.
Bien que la SWAPO ait remporté toutes les élections présidentielles précédentes, ses marges de victoire ont diminué. En 2019, M. Geingob l’a emporté avec 56 % des voix. Ce chiffre est à comparer aux 76 % qu’il avait obtenus lors de sa première candidature en 2015. Si aucun candidat n’atteint le seuil des 50 % au premier tour, un second sera organisé avec les deux candidats arrivés premiers. Puisque les élections législatives ont également lieu en novembre, la Namibie, pourrait pour la première fois faire face à un gouvernement divisé, avec des partis différents obtenant la présidence et la majorité à l’Assemblée nationale
La SWAPO a également vu son nombre de voix diminuer lors des élections provinciales et législatives, où le parti est passé en dessous de sa majorité des deux tiers, et les partis d’opposition contrôlent désormais les trois centres économiques les plus importants, Windhoek, Walvis Bay et Swakopmund.
Bien que l’on pense généralement que cette tendance reflète la baisse de popularité de la SWAPO et les préoccupations liées à l’augmentation du mécénat, ces résultats plus compétitifs reflètent également l’évolution naturelle d’un système multipartite sain. Les partis d’opposition namibiens, dont beaucoup sont issus de la SWAPO, restent relativement faibles et sous-financés. Néanmoins, ils ont renforcé leurs capacités et leur portée organisationnelles. En outre, la politique évolue, avec une part croissante d’électeurs urbains et de ceux qui sont « nés libres » (c’est-à-dire après l’indépendance en 1990). Leur attitude à l’égard de la SWAPO et de ses mérites en matière de libération est naturellement différente de celle des générations plus anciennes.
Le système multipartite de plus en plus compétitif de la Namibie offre une opportunité d’innovation et d’autocorrection démocratique, en incitant tous les partis à faire preuve d’agilité et de réactivité publique. Ces évolutions peuvent aider la Namibie à éviter la perception d’avoir droit, la sclérose et la corruption qui peuvent devenir endémiques dans les systèmes de partis dominants enracinés.
Les élections en Namibie sont également remarquables pour leur ouverture et leur intégrité. L’environnement électoral favorise la liberté de réunion et d’expression pour tous les partis. Ce processus est supervisé par la Commission électorale de Namibie (ECN) qui, bien qu’imparfaite, est considérée comme impartiale et concentrée sur le bon déroulement des élections. Par le passé, l’ECN avait saisi le tribunal électoral après que les partis d’opposition avaient soulevé des irrégularités.
Le système judiciaire namibien est également généralement considéré comme étant à l’abri de toute influence politique. Ainsi, la Cour suprême s’est saisie déjà d’affaires portées par l’opposition et s’est prononcée contre les positions prises par l’ECN.
La Namibie est l’un des environnements les plus ouverts d’Afrique en matière de respect de la liberté de la presse, ce qui contribue à accroître la transparence et la redevabilité du gouvernement.
La Commission anticorruption de Namibie (ACC) a engagé des poursuites à l’encontre de hauts fonctionnaires, dont six anciens ministres, dans le cadre du scandale dit de « fishrot » (c’est-à-dire « poisson pourri ») concernant l’accès préférentiel aux eaux namibiennes d’une société de pêche islandaise. Les critiques soutiennent cependant que l’ACC pourrait être plus agressive.
La Namibie a innové en matière de sécurité maritime.
Compte tenu de l’importance de la pêche pour l’économie et les moyens de subsistance de ce pays doté d’un littoral de 1 600 km, la Namibie a innové en matière de sécurité maritime. On estime que la Namibie perd chaque année 400 tonnes de poisson à cause de la pêche illicite, non réglementée et non déclarée (INN), principalement au profit de navires de pêche chinois. Dans le cadre de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du Port (PSMA), la Namibie effectue des patrouilles conjointes avec les pays voisins. Afin de renforcer la surveillance et la protection de ses ressources maritimes, la Namibie a coopéré avec un consortium d’organisations du secteur privé, d’universités et d’organisations non gouvernementales. La mise en œuvre des efforts visant à protéger les pêcheries namibiennes sera un thème de campagne important en 2024.
De la gestion de son espace maritime au renforcement de son système multipartite tout en conservant sa réputation de transparence, les enjeux des élections namibiennes de 2024 seront importants. Sur chacun de ces fronts, la Namibie aura l’occasion de continuer à jouer son rôle de faiseur de normes pour le continent.