La sélection du président en Algérie s’annonce comme un événement électoral très encadré. Depuis des décennies, l’armée algérienne est l’acteur politique dominant dans ce pays d’Afrique du Nord stratégiquement important, assurant le maintien au pouvoir du Front de libération nationale (FLN). Le président Abdelmadjid Tebboune, un ancien premier ministre d’Abdelaziz Bouteflika qui fut longtemps au pouvoir, représente la perpétuation de cette structure de pouvoir. Un nouveau mandat représenterait son deuxième et dernier mandat prévu par la Constitution.
Dans ce pays de 45 millions d’habitants, le pouvoir reste étroitement consolidé au sein de l’exécutif. Le président nomme un tiers de la chambre haute de la législature et peut poser son veto à toute loi, une majorité des trois quarts étant nécessaire pour passer outre. Par conséquent, seule la loi soutenue par le président peut être mise en œuvre. En tant que président du Conseil supérieur de la magistrature, Tebboune nomme et révoque les juges. La présidence contrôle également tous les organismes de réglementation, y compris ceux chargés de superviser les dépenses publiques. L’exécutif contrôle donc effectivement les trois branches du gouvernement ainsi que la bureaucratie de l’État.
Le président nomme également tous les membres de la commission électorale, l’Autorité nationale indépendante pour les élections, qui est considérée comme favorable au parti au pouvoir.
L’environnement électoral est caractérisé par une suppression active des médias indépendants. Malgré une nouvelle loi sur la réforme des médias adoptée en 2023, d’éminents journalistes sont toujours emprisonnés pour avoir critiqué le gouvernement, sous l’accusation d’incitation aux manifestations et d’atteinte à l’unité nationale. Au cours des dernières années, cette situation a favorisé un climat de peur, de surveillance et d’autocensure qui a contribué à la fermeture de médias indépendants, notamment Liberté et Radio M.
L’armée algérienne a été l’acteur politique dominant pendant des décennies. Le président Tebboune représente la perpétuation de cette structure de pouvoir.
Malgré ces pressions, la demande de démocratie en Algérie reste forte. Des manifestations pacifiques de grande ampleur, qui durent depuis des mois et réclament des réformes politiques fondamentales telles que la liberté d’expression et de réunion, ont été rejointes par un groupe représentatif de laïcs, d’islamistes, de professionnels et de divers groupes ethniques, connu sous le nom de « manifestations du Hirak » de 2019. Si elles ont réussi à forcer Bouteflika, malade, à se retirer, l’armée a pu faciliter la transition vers Tebboune.
Avec l’arrivée du COVID, les manifestations ont été annulées. Alors que l’attention se déplaçait, le gouvernement a arrêté des dirigeants de l’opposition politique et de la société civile soupçonnés d’être à l’origine du mouvement de protestation. Ainsi, Mohamed Benhalima, un ancien officier de l’armée qui avait fui le pays en 2019 après avoir participé aux manifestations du Hirak, a ensuite été extradé d’Espagne vers l’Algérie. Benhalima avait dénoncé publiquement la corruption au sein de l’armée et a été condamné à 12 ans de prison pour une première série de trois chefs d’accusation. Il pourrait également être condamné à mort par un tribunal militaire pour « espionnage et désertion. »
En réaction à la gestion hermétique de l’environnement politique, de nombreux Algériens ont boycotté les élections présidentielles de décembre 2019, le référendum de 2020 et les élections législatives de 2021. En déclarant au lendemain des élections législatives—dont le taux de participation avait atteint leur niveau le plus bas, a 30 %—que le taux de participation n’est pas aussi important que les résultats, Tebboune a récapitulé le ton politique.
L’Algérie a été, en 1991, l’un des premiers pays d’Afrique du Nord à adopter le multipartisme avec la tenue d’élections nationales compétitives remportées par le Front islamique du salut (FIS). Mais, ne voulant pas tolérer ce résultat, l’armée a empêché le FIS de prendre ses fonctions, ce qui a déclenché la brutale guerre civile algérienne qui a fait, selon les estimations, entre 100 000 et 200 000 morts et a conduit à l’entrée en fonction du l’avènement du gouvernement Bouteflika en 1999.
L’Algérie est le deuxième producteur de pétrole d’Afrique, les hydrocarbures générant 60 % des revenus du gouvernement. Elle maintient trois routes principales pour transporter le pétrole et le gaz naturel vers l’Europe. Par ailleurs, l’Algérie dépend de la Russie pour plus de 70 % de ses importations d’armes.
Ces courants géostratégiques croisés et les demandes répétées pour une participation politique plus populaire mettent en évidence les tensions et le dynamisme actuels en Algérie, même s’ils ne sont qu’apparents en surface.