Les élections de 2024 au Rwanda devraient être un exercice électoral rigoureusement encadré. Le président Paul Kagame avait été déclaré vainqueur des élections de 2017 avec 99 % des voix et il est peu probable que les résultats varient beaucoup au cours de ce cycle. Des observateurs indépendants ont conclu que le processus électoral précédent avait été entaché de nombreuses irrégularités, notamment des actes d’intimidation politique, des pratiques d’enregistrement déloyales et des fraudes présumées le jour du scrutin.
Kagame dirige le Rwanda depuis 1994. Il est arrivé au pouvoir à la suite du génocide d’environ 800 000 Tutsis et Hutus modérés. Il s’agirait du quatrième mandat officiel de M. Kagame, âgé de 66 ans. Une modification controversée de la Constitution en 2015 lui a permis de se soustraire à la limite de deux mandats de sept ans en vigueur et de briguer deux mandats supplémentaires de cinq ans, ce qui porterait à 40 ans la durée de son mandat au pouvoir. Ce contournement de la limitation du nombre de mandats fait partie d’une vague de contournement de la limitation du nombre de mandats en Afrique entamée en 2015 et qui a inversé une période de respect des normes en matière de limitation du nombre de mandats. Concrètement, Kagame est en mesure de rester président à vie.
Le Front patriotique rwandais (FPR) au pouvoir a empêché les candidats sérieux de se présenter en recourant à l’intimidation, aux arrestations et aux actions judiciaires. Actuellement, le seul autre candidat en lice pour l’élection présidentielle de 2024 est Frank Habineza, du Parti vert démocratique du Rwanda. Il a obtenu moins d’un pour cent des suffrages exprimés lors des élections de 2017, et son parti détient 2 des 53 sièges de la chambre basse du Rwanda, la Chambre des députés.
Victoire Ingabire Umuhoza, l’une des plus féroces critiques de Kagame, souhaite aussi se présenter. Cependant, elle est inéligible en raison d’une arrestation antérieure pour « incitation au divisionnisme et conspiration contre le gouvernement », une accusation que la plupart des observateurs et la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples considèrent comme étant motivée par des considérations politiques. Mme Ingabire a passé huit ans en prison, jusqu’à ce qu’elle bénéficie d’une grâce présidentielle en 2018.
Les Rwandais vivant à l’étranger s’abstiennent de tout activisme politique et vivent dans la crainte d’être attaqués ou que leurs proches encore au Rwanda le soient aussi.
Le Rwanda a acquis la réputation de ne pas se contenter d’intimider ses opposants nationaux, mais aussi de menacer ses détracteurs en exil, notamment par des attaques et des exécutions extrajudiciaires. Les Rwandais vivant à l’étranger pratiquent donc l’autocensure, s’abstiennent de tout activisme politique et vivent dans la crainte d’être attaqués, ou que leurs proches encore au Rwanda le soient aussi. Le gouvernement a fait de la « création d’une opinion internationale hostile » au gouvernement rwandais une infraction pénale.
Les médias au Rwanda sont étroitement contrôlés et ceux qui s’engagent dans des reportages indépendants font l’objet de poursuites pénales et d’intimidations. En 2018, les révisions du Code pénal ont criminalisé les caricatures et les écrits qui « humilient » les dirigeants rwandais. Alors que de plus en plus de journalistes rwandais s’exilent et tentent d’écrire depuis l’étranger, le gouvernement bloque de plus en plus l’accès aux services d’information et aux sites web à l’extérieur du pays.
Le pouvoir judiciaire manque d’indépendance dans la pratique. Les hauts fonctionnaires de la justice sont nommés par le président et approuvés par le Sénat dominé par le FPR.
L’armée reste l’une des institutions politiques les plus puissantes du pays et plusieurs chefs militaires ambitieux se disputent la succession de Kagame. C’est ce qui expliquerait la décision de Kagame de remanier la hiérarchie militaire et de mettre à la retraite 83 officiers supérieurs rwandais, dont 12 généraux, à la suite de la vague de coups d’État qui a frappé l’Afrique.
La politique étrangère rwandaise est avant tout axée sur le maintien de l’influence dans l’est de la RDC.
Les sécurocrates exercent une influence sur l’élaboration de la politique étrangère rwandaise. Il s’agit avant tout de maintenir une influence dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), où le gouvernement rwandais entend empêcher les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), nationalistes hutus, de reprendre pied. Le Rwanda est depuis longtemps soupçonné de parrainer les rebelles du M23, une force déstabilisatrice clé dans l’est de la RDC. L’escalade de ce conflit, motivée par les rivalités entre les dirigeants du Rwanda, de la RDC et de l’Ouganda, menace d’entraîner la région des Grands Lacs dans une nouvelle guerre du Congo.
Ces dernières années, l’armée rwandaise a été un élément central de la politique étrangère du pays grâce à son déploiement dans les opérations de paix des Nations unies, pour lesquelles le Rwanda est le plus grand contributeur africain de troupes. Le Rwanda s’est également attiré le soutien de la région et de la communauté internationale en soutenant des opérations de contre-insurrection en République centrafricaine et au Mozambique, en échange d’honoraires et de contrats commerciaux.
Les élections de 2024 au Rwanda ne devraient donc pas réserver de surprises. Pourtant, il y a beaucoup à suivre au Rwanda, depuis les Grands Lacs jusqu’à l’ensemble du continent.