Ghana : 7 décembre



Les élections présidentielles ghanéennes verront l’arrivée d’un nouveau dirigeant, le président Nana Akufo-Addo quittant ses fonctions à l’issue d’un second mandat limité par la Constitution. Cette cinquième succession présidentielle au Ghana depuis le retour au multipartisme démocratique en 1992 renforce la réputation du pays d’avoir institutionnalisé des transitions présidentielles prévisibles et fondées sur des règles. Trois de ces transitions précédentes ont eu lieu entre des partis politiques rivaux, ce qui souligne l’engagement des Ghanéens à respecter les résultats électoraux et le partage du pouvoir.

John Mahama. (Photo: Département d’État américain)

Ces transferts de pouvoir ont eu lieu entre les deux principaux partis politiques du Ghana, le New Patriotic Party (NPP) d’Akufo-Addo et le National Democratic Congress (NDC). Le candidat à la présidence du NDC est John Mahama, président du Ghana de 2012 à 2017. Il a perdu des élections très disputées face à Akufo-Addo en 2016 et en 2020 et a renforcé ses références démocratiques en acceptant gracieusement sa très courte défaite en tant que président sortant en 2016 et en facilitant le transfert de pouvoir en douceur.

Dr. Mahamudu Bawumia (Photo: Rwhaun)

Le porte-drapeau du NPP sera le vice-président Mahamudu Bawumia. L’ancien gouverneur adjoint de la Banque centrale est connu comme un technocrate. Premier musulman à diriger le NPP, dominé par le Sud, M. Bawumia se présente comme un bâtisseur de ponts entre les différents électorats du Ghana.

Compte tenu de l’étroitesse des élections récentes et de la parité au Parlement — chaque parti présentant 137 représentants — cette élection devrait également être très compétitive. Les résultats des élections à deux tours au Ghana (50 % plus un) ont été largement acceptés par l’électorat ghanéen en raison du leadership dont ont fait preuve les candidats rivaux et de la confiance dans l’impartialité des institutions ghanéennes.

La commission électorale a une réputation de professionnalisme, d’indépendance et d’intégrité à l’intérieur et à l’extérieur du Ghana. Elle s’est d’ailleurs efforcée de la préserver par la transparence et une communication cohérente avec toutes les parties. La Commission a adopté la réforme de l’inscription continue sur les listes électorales depuis l’élection de 2020 afin d’augmenter la participation.

La Commission électorale est réputée pour son professionnalisme, son indépendance et son intégrité.

La démocratie ghanéenne bénéficie d’une société civile vigilante et bien organisée. Les acteurs de la société civile ont été à l’avant-garde des réformes électorales, en élargissant la participation des citoyens et en renforçant la confiance dans le processus. La société civile a notamment organisé des débats télévisés entre les candidats à l’élection présidentielle afin d’informer les électeurs sur les positions respectives des candidats sur les questions politiques importantes auxquelles le pays est confronté. Toute allégation de corruption fait également l’objet d’une grande attention médiatique.

L’inspecteur général de police (IGP) a également joué un rôle central dans la garantie de l’indépendance du processus électoral. Lors élections partielles de 2023 à Assin North, les tensions initiales ont notamment été apaisées après que l’IGP a rencontré les chefs de partis locaux, ce qui a permis d’instaurer la confiance dans les dispositifs de sécurité. Le siège contesté a finalement été remporté par la NDC.

L’armée ghanéenne jouit également d’une réputation de professionnalisme et de neutralité durement acquise. Sur la base des leçons tirées des cycles électoraux précédents, l’armée est reléguée au second plan par rapport à la police pour assurer la sécurité des élections, tout en étant prête à apporter son soutien en cas de besoin.

Polling officials mobilizing during Ghana’s 2016 elections.

Mobilisation du personnel électoral lors des élections de 2016 au Ghana. (Photo: Masjaliza Hamzah)

Les institutions démocratiques du Ghana ne sont pas exemptes de défis. L’année électorale a été marquée par des rumeurs selon lesquelles Akufo-Addo essaierait de remplacer l’IGP, accusations démenties par le NPP. La police a également été critiquée pour la force avec laquelle elle réagit parfois aux manifestations. La Cour suprême a statué en 2023 que le président avait illégalement limogé l’auditeur général en 2020 dans une affaire portée par des réformateurs de la société civile. En outre, une minorité de médias contrôlés par des hommes politiques adoptent des positions partisanes dans la couverture de l’actualité, ce qui favorise la polarisation.

Les élections de 2024 se déroulent dans un contexte de forts vents économiques contraires pour le Ghana. En raison de la pandémie du COVID, de la perturbation des réseaux d’approvisionnement en céréales et autres en raison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et d’une discipline monétaire et fiscale insuffisante, les Ghanéens ont dû faire face à une inflation rapide. La dette qui en résulte a nécessité un renflouement d’urgence par le FMI à hauteur de 3 milliards de dollars, ce qui a mis le NPP sur la défensive.

Vote counting at a polling station during Ghana's 2016 elections.

Dépouillement des votes dans un bureau de vote lors des élections de 2016 au Ghana. (Photo : Hasjaliza Hamzah)

Alors que le rythme et la létalité des organisations extrémistes violentes (OEV) s’intensifient au Sahel, le Ghana est également confronté à une menace croissante de violence à sa frontière nord, en provenance du Burkina Faso. Le gouvernement et les responsables de la sécurité devront donc s’engager de manière proactive auprès des communautés locales afin de contrer les messages des OEV visant à amplifier les griefs et à susciter la méfiance à l’égard du gouvernement.

Les Ghanéens doivent donc tenir compte de la sécurité régionale et des priorités nationales lors des élections de 2024. Un débat sain et l’articulation de visions concurrentes pour un pays sont essentiels à de véritables élections et à l’autocorrection inhérente aux démocraties. Les Ghanéens devront toutefois garder le contrôle du récit de leurs élections, de peur que des polémiques polarisantes ne sapent les piliers mêmes des institutions démocratiques que le pays a laborieusement obtenues.