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Augmentation et diversification de la menace provenant des groupes islamistes militants

Les groupes islamistes militants d’Afrique ont poursuivi leur activité à un rythme record en 2019, représentant un doublement de l’activité islamiste militante depuis 2013. L’accroissement de l’activité au Sahel et dans le bassin du lac Tchad témoigne de la diversification de la menace en provenance de la Somalie.


Groupes islamistes militants en Afrique

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  • Les groupes islamistes militants d’Afrique ont établi un rythme record d’activité en 2019. 3471 événements violents liés à ces groupes ont été signalés au cours de l’année dernière, soit une augmentation de 14 % comparée aux douze mois précédents. Cette situation reflète un doublement de l’activité des groupes islamistes militants depuis 2013.
  • Les décès signalés liés à l’activité de ces groupes militants ont également augmenté de 7 % au cours de l’année précédente pour atteindre 10460 décès, selon les estimations. Il en résulte une inversion de la tendance à la baisse dans le nombre de décès constaté depuis 2015.
  • La menace des groupes islamistes militants d’Afrique n’est pas monolithique, car elle inclut l’activité d’un ensemble d’environ deux douzaines de groupes en constante mutation et opérant activement dans 14 pays.
  • Même si elles sont largement concentrées dans cinq zones principales, la répartition de l’activité des groupes islamistes militants sur le continent est devenue plus morcelée. Précédemment, la moitié environ de tels événements était imputable à la Somalie. L’activité dans l’ensemble s’est maintenant déplacée et s’est dispersée à travers toute la Somalie, et au bassin du lac Tchad et au Sahel, avec des menaces persistantes mais de moindre ampleur en Afrique du Nord et au Mozambique. Chaque théâtre est confronté à une dynamique unique.

Théâtre de Somalie :

  • On peut noter un déclin significatif de l’activité d’al-Shabaab (près de 14 %) et une diminution encore plus importante du nombre de décès signalés et liés au même al-Shabaab (une baisse de 29 % depuis 2018 et de 40 % depuis 2017).
  • L’activité violente liée à al-Shabaab compte actuellement pour 38 % des événements des groupes islamistes militants en Afrique (comparée à 50 % pendant la plupart de la décennie précédente) et pour 27% environ des décès signalés liés à de tels événements, soit une baisse significative par rapport à la tendance générale de ces dernières années.
  • Même si le déclin de l’activité violente en Somalie se traduit par des améliorations au niveau de la sécurité à Mogadiscio, al-Shabaab continue à exercer une vaste influence dans les régions périphériques.
  • Le déclin de l’activité d’al-Shabaab a été compensé par une augmentation dans trois des quatre autres théâtres du continent.

Théâtre du Sahel :

  • Le Sahel (notamment le Burkina Faso, le Mali et le Niger) a connu la plus rapide augmentation d’activité extrémiste violente de la région en 2019. Les 800 événements observés continuent la tendance au doublement des événements impliquant des groupes islamistes militants observé chaque année depuis 2015
  • 2019 a également vu le lieu de ces attaques violentes passer du Mali au Burkina Faso.
  • Les décès causés par les événements au Sahel sont estimés à environ 2600 (également un doublement par rapport à l’année précédente).
  • Trois groupes, le Front de libération du Macina, l’État islamique au Grand Sahara et Ansaroul Islam sont responsables de la vaste majorité de ces attaques. Tous sont officiellement ou officieusement associés à un consortium de groupes associés à al-Qaïda au Maghreb islamique connu sous le nom de Jama’at Nusrat al Islam wal Muslimin (JNIM).

Théâtre du lac Tchad :

  • Deux groupes, Boko Haram et sa ramification, l’État islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO), sont en grande partie responsables de l’activité des groupes islamistes militants dans le bassin du lac Tchad (chevauchant quatre pays : le Nigeria, le Niger, le Cameroun et le Tchad). 765 événements ont été signalés sur ce théâtre en 2019, soit une augmentation de 35 % par rapport à l’année précédente. Même si Boko Haram est responsable de la majorité des événements violents signalés dans la région et de la plupart des attaques sur les civils, l’activité violente commise par l’EIAO a connu la plus forte croissance de la région au cours de l’année dernière.
  • Les décès signalés et liés à l’activité combinée de Boko Haram et de l’EIAO (environ 3225) ont augmenté de 4% par rapport à 2018. Toute proportion gardée, ce chiffre dépasse celui des décès liés à al-Shabaab (environ) ou au théâtre du Sahel (2600) en 2019.
  • Au sein du bassin du lac Tchad, le Cameroun, le Niger et le Tchad ont tous connu des fortes hausses de l’activité violente liée aux groupes islamistes militants en 2019, alors que la tendance au Nigeria n’a guère changé.

Théâtre d’Afrique du Nord :

  • Les événements violents impliquant l’État islamique (EI) en Afrique du Nord (principalement l’Égypte, la Libye et la Tunisie) sont demeurés inchangés en 2019 avec 347 épisodes signalés par rapport aux 345 de 2018. Les 1060 décès environ liés à ces événements, cependant, représentent une baisse de 9% par rapport à 2018. Le plafonnement de l’activité de l’EI en Afrique du Nord pourrait être le résultat du renforcement des mesures de lutte contre le terrorisme mises en place en Égypte et en Tunisie. Toutefois, l’instabilité persistante en Libye, qui masque l’activité des groupes islamistes militants dans le pays, peut servir de terreau fertile pour une réapparition de la violence extrémiste dans la région.

Théâtre du Mozambique du Nord :

  • Les épisodes violents liés à des groupes islamistes militants ont triplé en 2019 dans le nord du Mozambique. Ainsi, 200 événements violents et 710 décès associés à ceux-ci ont été signalés au cours de l’année. En revanche, il n’y avait pas eu d’activité militante au Mozambique en 2016. Le groupe actif dans la région, qui porte le nom d’Ahlu Sunnah wa Jama’a (ASWJ) ou « al-Shabaab » (sans aucune relation cependant avec le groupe qui sévit en Somalie), a des origines obscures. Il a exploité le sentiment de marginalisation profond des habitants et s’est développé à la suite de la réponse disproportionnée du gouvernement face à la violence. Des auteurs, qui prétendent avoir des liens avec l’EI, ont reconnu être responsables des six attaques qui ont eu lieu au Mozambique cette année. Compte tenu de ces facteurs, les perspectives d’une poursuite de l’escalade sur ce théâtre apparaissent probables.