Évaluation des élections de 2020 en Afrique

Les élections de 2020 en Afrique constitueront un test contre les efforts visant à éroder les limites des mandats présidentiels et les autres freins et contrepoids démocratiques, avec des conséquences directes sur la stabilité du continent.


Une femme votant aux élections de 2016 au Ghana

Une femme votant aux élections de 2016 au Ghana. (Photo: USAID)

Des dirigeants qui cherchent à se soustraire aux limites de mandats, la résilience démocratique face aux conflits armés et les efforts de plus en plus manifestes d’acteurs extérieurs pour en façonner les résultats, tous sont des thèmes récurrents alors que l’Afrique s’apprête à tenir une douzaine d’élections présidentielles ou générales en 2020.

L’année 2020 représente donc une échéance importante pour savoir si les citoyens africains (en particulier les jeunes, de plus en plus actifs et connectés en réseau), les organisations régionales et les partenaires internationaux toléreront les efforts pour éroder les normes démocratiques, ou si un nouvel effort pour faire respecter certaines normes gagnera en efficacité.

Pour souligner les enjeux, une majorité d’élections en Afrique en 2020 se tiendront dans des pays en conflit ou sortant d’un conflit, notamment le Burkina Faso, le Burundi, la République centrafricaine, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, le Niger et la Somalie. Ces pays sont confrontés à des crises provoquées par d’anciennes structures de pouvoir exclusives, des insurrections islamistes militantes et les défis que pose la construction de visions nationales inclusives à partir de politiques polarisées. Par conséquent, le lien étroit entre la gouvernance et la sécurité en Afrique sera d’autant plus évident en 2020.

Les élections africaines de 2020 sont regroupées en Afrique de l’Ouest (avec 6 élections), dans la Corne (Éthiopie et Somalie) et dans les Grands Lacs (Burundi et Tanzanie). Dix des douze scrutins sont prévus pour le second semestre de l’année. Cela suggère que 2020 sera une période dynamique pour les principaux acteurs qui chercheront à faire progresser non seulement leurs intérêts individuels, mais aussi leur vision de l’avenir pour leur pays et les normes de gouvernance pour l’ensemble du continent. Voici quelques-uns des principaux enjeux à surveiller :

Carte - Elections en Afrique en 2020

Tableau - Élections en Afrique en 2020

* En outre, il y aura 8 élections législatives cette année : Comores (19 janvier), Cameroun (9 février), Guinée (1 mars), Tchad (janvier–mars)†, Gabon (4 avril)†, Mali (2 mai), Égypte (novembre) et Liberia (8 décembre).
† Reportée en raison de la COVID-19.

Flag of TogoTogo
Élection présidentielle, 22 février

Les élections présidentielles togolaises seront marquées par les efforts du président Faure Gnassingbé pour rester au pouvoir pour un quatrième mandat et pour prolonger l’emprise que sa famille retient sur la présidence depuis 1967. Faure Gnassingbé a pris ses fonctions en 2005 lors d’une élection contestée suite au décès de son père, Gnassingbé Eyadema, qui avait dirigé ce petit pays d’Afrique de l’Ouest d’une main de fer pendant 38 ans.

Après deux années de manifestations populaires soutenues exigeant que Faure Gnassingbé se retire à la fin de ce mandat, une limite de deux mandats présidentiels a été rétablie dans la Constitution en 2019. (En 2002, Gnassingbé Eyadema avait pu supprimer la limitation des mandats de la constitution d’alors). Cependant, le parti au pouvoir, l’Union de la République, qui détient 59 des 91 sièges au parlement, n’a pas appliqué les nouvelles limites de mandats rétroactivement, ce qui a eu pour effet de remettre à zéro le compteur des mandats et d’ouvrir la porte à la candidature de Faure Gnassingbé pour un quatrième mandat en 2020 et peut-être même un cinquième en 2025.

Le terrain de jeu électoral du Togo est déséquilibré, la Commission électorale, le système judiciaire et les médias d’État étant dirigés par des loyalistes de Faure Gnassingbé. Plus important encore, l’armée est fortement politisée et, depuis des décennies, reste un partenaire étroit avec le parti au pouvoir. Le groupe ethnique Kabye de Faure Gnassingbé représente 70 % de l’armée, bien qu’il ne constitue qu’un quart de la population.

Togolese protesters before police in Lomé in 2017

Des manifestants togolais devant la police à Lomé en 2017. (Photo : VOA/Kayi Lawson)

Les partis d’opposition, quoique notoirement fragmentés du Togo, sont soutenus par une diaspora dynamique, et ont été de plus en plus intransigeants pour exiger la fin du régime dynastique du Togo et une transition vers la démocratie. Ils ont fait preuve d’un niveau d’organisation et d’une résistance sans précédent en coordonnant les manifestations qui ont conduit au rétablissement de la limitation des mandats. Il est toutefois révélateur que la coalition des partis d’opposition du C-14, qui a mené les manifestations, se soit effectivement dissoute une fois la réforme de la limitation des mandats adoptée. Les partis vont donc présenter plusieurs candidats, ouvrant potentiellement la voie à une victoire électorale de Faure Gnassingbé au premier tour.

Mais ce n’est pas gagné d’avance. L’un des candidats, Jean-Pierre Fabre de l’Alliance nationale pour le changement, a recueilli 35 % des voix à l’élection présidentielle de 2015, reflétant une forte base de soutien. En outre, de nombreux membres du C-14 se sont ralliés à l’ancien Premier ministre Agbéyomé Kodjo, qui a été choisi comme candidat des Forces démocratiques, une coalition initiée par Philippe Fanoko Kossi Kpodzro, archevêque émérite de Lomé. Si l’élection devait aller à un second tour et que l’opposition parvenait à unir ses forces, elle aurait de fortes chances de remporter une majorité de voix.

En l’absence de liberté politique et face au malaise économique du Togo, le mécontentement populaire est important, et il explique le soutien massif à une transition démocratique longtemps retardée. La question à surveiller sera de savoir si l’opposition peut suffisamment s’organiser pour offrir un front uni afin de surmonter l’influence de Faure Gnassingbé sur le processus électoral. Il conviendra également de garder un œil sur la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Cet organisme régional a auparavant joué un rôle important dans le maintien des normes démocratiques dans la région (le plus récemment en facilitant le départ de Yahya Jammeh après sa défaite aux urnes en 2017), ce qui a grandement contribué à rehausser la réputation de la CEDEAO. Cependant, la CEDEAO a été particulièrement passive dans sa réponse au déficit démocratique persistant du Togo.
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Flag of BurundiBurundi
Élections présidentielles et législatives, 20 mai

Les élections au Burundi se dérouleront dans l’ombre des élections de 2015, lorsque le président Pierre Nkurunziza, déjà au pouvoir depuis 10 ans, avait défié la limite des deux mandats prévue par la constitution pour briguer un troisième mandat. Sa décision a inversé une période de consolidation de la paix multiethnique, en cours depuis que la signature des accords d’Arusha en 2000 avaient mis fin à la guerre civile burundaise pendant laquelle 400 000 personnes avaient été tuées. La décision de Nkurunziza de prolonger son mandat a déclenché de vastes manifestations qui ont été violemment réprimées. Par la suite, la plupart des membres de l’opposition politique, des dirigeants de la société civile et des médias indépendants ont fui le pays ou ont été emprisonnés, torturés ou assassinés.

La crise politique a également conduit à la fragmentation du secteur de la sécurité. De nombreux officiers, après avoir refusé de participer à la répression, ont également fui le pays ou ont rejoint des groupes d’opposition armés. L’intimidation par la police et la milice des jeunes du Burundi, les Imbonerakure, qui soutiennent le parti au pouvoir, le CNDD-FDD, continue de caractériser l’environnement politique. Les progrès réalisés entre 2000 et 2015 en matière de professionnalisme militaire ont été largement annulés, les forces armées étant de plus en plus polarisées selon des lignes ethniques et politiques.

Burundian soldiers dispersing protesters in Bujumbura

Des soldats burundais dispersant des manifestants à Bujumbura en 2015. (Photo : AP/Jerome Delay)

On estime que 2 000 personnes ont été tuées et que près de 500 000 – sur une population totale de 11 millions – sont devenues des réfugiés ou des déplacés internes depuis 2015. En 2019, une enquête de la Commission d’enquête des Nations unies sur le Burundi a révélé que les huit facteurs de risque communs aux crimes d’atrocité sont tous présents au Burundi.

Dans ce climat tendu, le référendum controversé de 2018 a prolongé les mandats présidentiels de 5 à 7 ans et a ouvert la porte à la candidature de Nkurunziza pour un quatrième mandat en 2020 et un cinquième mandat en 2027. Le CNDD-FDD a cependant choisi son secrétaire général et ministre de l’Intérieur, le général Evariste Ndayishimiye, pour participer aux prochaines élections. Entre-temps, Nkurunziza s’est vu décerner les titres de « Guide suprême éternel » et de « Chef suprême » dans une loi approuvée en janvier 2020. Ce rôle non élu permettra à Nkurunziza de demeurer la force politique dominante au Burundi, mais avec encore moins de contraintes.

En bref, après avoir failli à empêcher la violation des limites de mandat de Nkurunziza en 2015, le Burundi est en proie à une crise politique auto-infligée aux conséquences humanitaires graves et qui ne montre aucun signe d’apaisement. Cette crise, à son tour, pourrait déclencher une instabilité plus généralisée dans la région des Grands Lacs, qui comprend le Rwanda, la République démocratique du Congo, la Tanzanie et l’Ouganda.
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Flag of EthiopiaÉthiopie
Élection parlementaire, 29 août (reportée en raison de la COVID-19)

L’une des élections les plus intrigantes et les plus importantes de l’année aura lieu en Éthiopie, dans le cadre de ce qui s’annonce comme la première élection démocratique compétitive dans ce pays de 100 millions d’habitants. La possibilité d’un tel moment historique a été présentée par le Premier ministre Abiy Ahmed, qui, en prenant les rênes du gouvernement en avril 2018, a ouvert le système politique éthiopien, jusqu’alors étroitement contrôlé. Sous la direction d’Abiy, le gouvernement a libéré des centaines de prisonniers politiques, assoupli les restrictions imposées aux médias indépendants, levé l’interdiction de 264 sites web et chaines de télévision et confirmé Birtukan Mideksa, un ancien chef de l’opposition en exil, à la tête de la Commission électorale nationale d’Éthiopie (NEBE).

La prise de conscience que ni l’État ni la population n’ont entrepris auparavant un processus aussi véritablement compétitif vient tempérer l’enthousiasme suscité par ce scrutin. De nombreuses questions restent donc en suspens quant aux règles électorales et à la manière dont les acteurs politiques et les citoyens s’engageront dans ce processus. Ces questions comprennent les suivantes : Le NEBE nouvellement habilité sera-t-il en mesure d’administrer le scrutin de manière efficace et sera-t-il perçu comme équitable ? Comment les dirigeants politiques réagiront-ils si les résultats électoraux ne correspondent pas à leurs attentes ? Les partis politiques poursuivront-ils leurs recours par les voies légales prévues ? Le secteur de la justice sera-t-il perçu comme un arbitre impartial ? Quelle sera la capacité des forces de sécurité à répondre à toute menace de violence ? Les vainqueurs poursuivront-ils des intérêts nationaux ou locaux après leur prise de fonction ? Les parties réaliseront-elles que le fait de perdre une élection dans une démocratie ne signifie pas que l’on est tombé dans l’oubli, mais plutôt que l’on a connu un revers temporaire et une occasion de continuer à rallier davantage de partisans à sa position ?

A map of the regions and zones of Ethiopia

Carte des régions et des zones de l’Éthiopie. (Image : NordNordWest)

La question de l’ethnicité est présente dans tous les aspects du processus électoral. Depuis que l’Éthiopie a adopté une structure politique de fédéralisme ethnique dans sa Constitution de 1992, les questions fondamentales de l’identité nationale par rapport à l’identité ethnique ont pris une plus grande importance. Les perceptions du pouvoir et des droits fondées sur l’appartenance ethnique se sont développées depuis lors et ont ces dernières années conduit à un nombre croissant de violences de la part des milices ethniques. Des centaines de décès et le déplacement de quelque 2,8 millions de personnes en ont suivi. Maintenant que des élections compétitives se profilent, les forces centrifuges de l’ethnicité vont probablement davantage s’amplifier. À moins d’être motivés à rester dans une vision nationale unifiée, les politiciens régionaux seront fortement incités à faire appel aux tropes nationalistes ethniques afin de mobiliser leurs partisans. Cela risque d’être très diviseur et potentiellement explosif.

Pour éviter cette trajectoire, les dirigeants de tous les partis politiques et de toutes les régions d’Éthiopie devront s’engager dans un récit national et dénoncer la violence, quels que soient les gains à court terme qu’elle semble apporter. Certains efforts pour construire des coalitions interethniques et interrégionales ont commencé. Dans la mesure où ces dernières gagnent en force, les partis et les acteurs politiques seront incités à faire avancer des thèmes fédérateurs. Dans le cas contraire, l’Éthiopie risque de se retrouver avec une série de juridictions fragmentées et sans logique commune. Avec plus de 100 partis politiques, les mécanismes permettant d’articuler des politiques nationales tout en construisant des réseaux de base restent rudimentaires.

Compte tenu de sa longue et célèbre histoire de culture, de traditions et de civilisation partagées, l’Éthiopie entame cette transition sur des bases plus solides que de nombreux autres pays d’Afrique. Comme pour toute transition, avant que de nouvelles normes et institutions puissent être établies, l’exemple donné par les dirigeants aura une influence énorme. Une question clé pour l’Éthiopie dans cette élection historique sera donc de savoir dans quelle mesure ses dirigeants politiques et civiques se montreront à la hauteur de la situation.
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Flag of GuineaGuinée
Élections présidentielles et législatives, 18 octobre
Référendum constitutionnel, 22 mars

La question clé de l’élection présidentielle de 2020 en Guinée est l’effort du président Alpha Condé, âgé de 81 ans, pour obtenir un troisième mandat présidentiel interdit par la constitution actuelle. Candidat de longue date de l’opposition, Condé est devenu le premier président démocratiquement élu de Guinée en 2010, suite à la transition improbable de la Guinée vers la démocratie après des décennies de gouvernement militaire. Mais plutôt que d’ouvrir la voie à une transition pacifique, Condé a proposé un nouveau projet de Constitution qui étend les mandats présidentiels de cinq à six ans. Condé compterait utiliser un tel amendement comme prétexte pour justifier une candidature à un troisième mandat. Un autre changement important prévoit que le président de la Cour constitutionnelle sera choisi directement par le président et non plus élu par ses membres. Cette mesure renforcerait le contrôle de l’exécutif sur la Cour, érodant davantage son impartialité. La tenue du référendum est elle-même controversée puisque l’Assemblée nationale doit normalement la voter pour la valider. Mais cette fois ci, seul le président de l’assemblée y a donné son accord. Le référendum sera couplé aux élections législatives, maintes fois retardées, dont la tenue est prévue 22 mars.

La principale force qui s’oppose à la tentative de Condé de prolonger son mandat est la société civile guinéenne. Les organisations de la société civile ont organisé à plusieurs reprises des manifestations pour s’opposer à tout changement constitutionnel de la limitation de mandats. La police a parfois répondu aux manifestations par la force, ce qui a entraîné la mort d’au moins 36 civils depuis octobre 2019. Le 10 décembre 2019, on estime qu’un million de manifestants sont descendus dans la rue. Depuis lors, des dizaines de milliers de personnes continuent de manifester.

Les organisations de la société civile ont organisé à plusieurs reprises des manifestations pour s’opposer à tout changement constitutionnel de la limitation de mandats.

Les opposants affirment que Condé gouverne de manière de plus en plus autoritaire. Outre les tentatives de répression des manifestations, la victoire électorale de Condé en 2015 a été entachée d’irrégularités généralisées. Les opposants estiment que le résultat a été facilité par le fait que Condé a rempli la Commission électorale nationale de loyalistes. De nombreux Guinéens sont également furieux que Condé n’ait pas réussi à faire juger les militaires responsables du massacre de 150 manifestants et du viol de dizaines de femmes perpétré au stade de en Septembre 2009 sous le régime du chef du coup d’État Moussa Dadis Camara – un événement marquant de l’histoire moderne de la Guinée.

Un autre facteur dans l’élection guinéenne de 2020 sera l’effort explicite de la Russie pour soutenir la candidature de Condé pour un troisième mandat. Dans un discours télévisé prononcé à la veille du nouvel an, l’ambassadeur de Russie en Guinée, Alexander Bregadze, a apporté son soutien au changement constitutionnel en disant aux Guinéens qu’ils seraient « fous » de permettre au « légendaire » Condé de se retirer. La Guinée détient les plus grandes réserves mondiales de bauxite, le minerai utilisé pour produire de l’aluminium. La plus grande entreprise d’aluminium de Russie, Rusal, possède une importante mine de bauxite en Guinée et obtient un quart de sa bauxite du pays.
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Flag of SeychellesSeychelles
Élection présidentielle, septembre

Les Seychelles devraient poursuivre le renforcement constant de leurs institutions démocratiques avec la tenue d’élections présidentielles en septembre. Bien que12 partis politiques soient enregistrés, la course devrait se résumer au président sortant Danny Faure du parti United Seychelles, qui brigue un second mandat, et à Wavel Ramkalawan du parti Linyon Demokratik Seselwa, qui contrôle une majorité à l’Assemblée nationale.

Les élections de cette année devraient bénéficier de la création, en décembre 2018, d’un directeur général des élections permanent chargé de superviser le secrétariat de la commission électorale et ses activités. Ce fonctionnaire sera responsable des préparatifs, du soutien logistique, ainsi que du recrutement et de la formation du personnel électoral. Cet arrangement devrait en outre garantir la séparation des responsabilités entre les tâches de supervision et de mise en œuvre de la Commission électorale.

Les Seychelles ont joué un rôle précieux au sein de l’architecture de paix et de sécurité de l’Afrique en interdisant et poursuivant les crimes transnationaux commis dans l’ouest de l’océan Indien, principalement la piraterie et le trafic de stupéfiants. Les Seychelles devraient continuer à jouer ce rôle, quel que soit le candidat qui remporte la présidence.
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Flag of TanzaniaTanzanie
Élections présidentielles et législatives, 25 octobre

Depuis l’entrée en fonction du président John Magufuli en 2015, l’espace démocratique a diminué plus rapidement en Tanzanie que dans pratiquement tout autre pays africain. Autrefois considérée comme une démocratie naissante, respectueuse des libertés civiles, la Tanzanie a maintenant un gouvernement qui sévit contre les médias indépendants, les partis d’opposition et les défenseurs des droits humains. En février 2016, Magufuli a déclaré qu’il veillerait à ce qu’il n’y ait pas de partis politiques d’opposition d’ici les prochaines élections générales. Ses actions depuis lors semblent viser précisément à atteindre cet objectif.

Les activités politiques telles que les réunions publiques, les rassemblements et les manifestations organisées par les partis d’opposition ont été interdites. Une loi adoptée en janvier 2019 donne à un officier d’état civil nommé par l’État des pouvoirs étendus sur les affaires internes des partis politiques. Les dirigeants de l’opposition affirment que les changements législatifs criminaliseront effectivement l’activité politique. En fait, deux des plus grands partis d’opposition du pays, CHADEMA et ACT-Wazalendo, ont depuis été menacés de radiation. Bien que le parti au pouvoir, le Chama Cha Mapinduzi (CCM), ait détenu le pouvoir depuis l’indépendance en 1961, la Tanzanie risque aujourd’hui de redevenir officiellement à un État à parti unique après 28 ans de politique multipartite. Les conséquences de ce revers, en particulier à Zanzibar où il existe un long héritage de méfiance envers le parti au pouvoir, pourraient être particulièrement déstabilisantes.

La principale préoccupation sera moins de connaître les politiques et les visions des partis respectifs que de savoir si l’exercice sera suffisamment crédible pour être considéré comme une élection.

Les lois draconiennes sur la cybercriminalité, l’intimidation des journalistes et la mise au silence des journaux et blogueurs de l’opposition ont fait chuter la Tanzanie de 40 places dans le classement annuel de la liberté de la presse de Reporters sans frontières. En outre, étant donné la structure politique très centralisée du pays, M. Magufuli nomme directement tous les postes clés du gouvernement, des commissaires de district aux juges.

En bref, alors que Magufuli brigue un second mandat en 2020, la principale préoccupation sera moins de connaître les politiques et les visions des partis respectifs que de savoir si l’exercice sera suffisamment crédible pour être considéré comme une élection. Alors meme que les sondages indépendants montrent que la popularité de Magufuli a chuté précipitamment depuis sa prise de fonction, toute victoire de Magufuli sera fortement entachée et manquera de légitimité. La mesure dans laquelle l’Union africaine et les partenaires internationaux seront prêts à reconnaître un tel résultat en Tanzanie aura, à son tour, des implications pour les normes de gouvernance ailleurs sur le continent.
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Flag of Côte d'IvoireCôte d’Ivoire
Élections présidentielles et législatives, 31 octobre

Le défi de respecter la limite des mandats présidentiels et les tensions non résolues liées à la guerre civile de 2010 en Côte d’Ivoire font des élections de 2020 un point tournant pour le pays. La résolution de ces forces concurrentes déterminera si la Côte d’Ivoire poursuit sur la voie de la réforme politique et de la croissance économique (qui, à 7 % par an, est l’une des plus élevées d’Afrique) ou si elle reviendra à une forme de gouvernance d’exclusion non responsable qui avait déclenché les conflits civils de 2003 et 2010.

President Alassane Ouattara

Le président Alassane Ouattara. (Photo : s_t)

Le président Alassane Ouattara, qui a dirigé le rajeunissement du pays après la guerre, achève son deuxième mandat en 2020. Cependant, le président Ouattara, âgé de 78 ans, estime qu’une nouvelle constitution adoptée en 2016 a remis à zéro la limite des mandats et qu’il pourrait effectivement se présenter pour un troisième mandat. Selon un sondage Afrobaromètre, 86 % des citoyens sont favorables à une limitation à deux mandats en Côte d’Ivoire.

Ouattara a également fait preuve de tendances de plus en plus autoritaires. Depuis le début de l’année 2019, 14 militants et membres de l’opposition ont été arrêtés. Le plus marquant a été le mandat d’arrêt émis contre l’ancien allié proche et leader de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, après que ce dernier ait déclaré son intention de se présenter aux élections de 2020 lors d’une tournée européenne en décembre 2019. Soro a ensuite été contraint de détourner son vol de retour à Abidjan pour éviter d’y être arrêté. Les accusations portées contre lui sont largement considérées comme étant politiquement motivées.

De même, l’opposante Nathalie Yamb du parti Lider a été expulsée de Côte d’Ivoire en décembre 2019 après avoir suggéré que la France exerçait une influence indue sur le gouvernement Ouattara. En octobre 2019, Jacques Mangoua, une figure de proue du Parti démocratique de Côte d’Ivoire – Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA), parti d’opposition, a été arrêté pour possession présumée d’armes à son domicile. Par la suite, il a été condamné à 5 ans de prison. En janvier 2019, Alain Lobognan, un parlementaire proche de Soro, a été arrêté et condamné à un an de prison et à une amende d’environ 520 dollars pour avoir publié un « faux tweet d’information ».

Le processus électoral de 2020 en Côte d’Ivoire sera un test de la capacité du pays à imposer des contraintes à l’exécutif.

Si M. Ouattara cherche à prolonger son mandat, c’est peut-être en partie pour parer à une alliance entre les anciens présidents Henri Konan Bédié, 81 ans, et Laurent Gbagbo, 75 ans, qui représentent l’ordre politique pré-Ouattara et qui se préparent à briguer la présidence en 2020. Les partis des anciens dirigeants ont organisé un grand rassemblement commun à Abidjan en août 2019, malgré leur manque de terrain d’entente. La présidence de Bédié à la fin des années 1990 avait été entachée par des accusations de corruption et l’invocation de la xénophobie sous le couvert de « l’ivoirité ». Gbagbo, quant à lui, reste en Belgique dans l’attente d’un recours devant la Cour pénale internationale pour les crimes contre l’humanité commis pendant la crise électorale de 2010-2011 déclenchée par son refus de se retirer après sa défaite électorale face à Ouattara. La popularité persistante de ces anciens dirigeants révèle que les divisions ethniques et religieuses en Côte d’Ivoire restent puissantes. Bédié et Gbagbo sont originaires du sud, relativement plus prospère et chrétien, qui a traditionnellement détenu le pouvoir dans le pays, à l’exclusion du nord, plus rural et largement musulman.

Ces divisions se répercutent sur le secteur de la sécurité. Malgré un important effort de réforme du secteur de la sécurité, au cours duquel près de 70 000 ex-combattants ont été démobilisés et des milices concurrentes intégrées dans l’armée nationale, les loyautés divisées persistent. Ces tensions se sont manifestées par de violentes mutineries en 2016 et 2017. La perspective d’un retour de la politique polarisante du passé a fait craindre que les réformes des dix dernières années ne soient sapées.

En bref, malgré les progrès louables accomplis depuis 2010, le processus électoral de 2020 en Côte d’Ivoire sera un test de la capacité du pays à imposer des contraintes à l’exécutif, ainsi que de la profondeur des progrès réalisés dans la promotion de la réconciliation, de la consolidation de la paix et de l’identité nationale. L’enjeu est la réputation de la Côte d’Ivoire en tant que point d’ancrage économique et sécuritaire en Afrique de l’Ouest.
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Flag of Burkina FasoBurkina Faso
Élections présidentielles et législatives, 22 novembre

Les élections de 2020 au Burkina Faso seront dominées par les deux thèmes de la sécurité et de la consolidation démocratique. Le Burkina Faso a connu un accroissement rapide d’événements violents impliquant des groupes islamistes militants au cours des dernières années. En 2019, il a connu 437 épisodes violents impliquant des groupes extrémistes, qui ont fait 1 270 morts. Cela représente une multiplication par quatre et dix, respectivement, par rapport à l’année précédente. Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées. En 2014, le Burkina Faso n’avait pas subi de telles attaques. La crainte que la violence ne s’étende et n’engloutisse les zones urbaines inquiète de nombreux Burkinabè. De plus, les tentatives des groupes extrémistes pour attiser les tensions intercommunautaires ont effrité le sentiment d’unité nationale que le Burkina Faso nourrit depuis longtemps. La réponse inefficace et parfois maladroite des forces de sécurité, qui n’avaient jamais été confrontées à une grave menace de sécurité, a fait du leadership dans la lutte contre les groupes militants une préoccupation majeure pour les électeurs.

President Roch Marc Christian Kaboré

Le président Roch Marc Christian Kaboré (Photo: Koch / MSC)

La nécessité d’une réponse plus robuste en matière de sécurité se manifeste alors même que le Burkina Faso tente de mettre en place des institutions démocratiques de base 27 ans du régime de Blaise Compaoré. Les élections de 2020 seront les deuxièmes élections présidentielles et législatives démocratiques après Compaoré. L’administration actuelle a proposé des visant à réduire la concentration du pouvoir dans la présidence et la dissolution des forces d’élite de la Garde présidentielle qui avaient maintenu Compaoré et avaient ensuite tenté un coup d’État. Un référendum constitutionnel pour une limite de deux mandats présidentiels, initialement prévu pour mars 2019, est maintenant attendu en 2020. La lenteur du changement est un autre point de frustration pour l’électorat.

Roch Marc Christian Kaboré a été élu président en 2015 lors d’une élection libre et équitable, bien qu’imparfaite. Il se présente pour un second mandat et sera probablement confronté à un fort contingent de candidats. Compte tenu de la nature encore naissante de la démocratie au Burkina Faso, les partis politiques restent des organisations relativement faibles avec des réseaux nationaux limités. Le contexte fluide, l’environnement sécuritaire instable et l’évolution des institutions politiques suggèrent qu’il y aura probablement de multiples rebondissements jusqu’aux élections de novembre, et que leur issue demeure incertaine.
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Flag of GhanaGhana
Élections présidentielles et législatives, 7 décembre

Les élections présidentielles au Ghana s’annoncent comme le troisième acte de la rivalité politique continue entre le président sortant Nana Akufo-Addo du Nouveau parti patriote (NPP) et l’ancien président John Dramani Mahama du Congrès national démocratique (NDC). Mahama avait gagné lorsque les deux s’étaient fait face en 2012, puis Akufo-Addo avait gagné en 2016. La marge lors des élections de 2012 a été particulièrement serrée, débouchant sur un appel et une décision de la Cour suprême pour en déterminer le vainqueur. L’élection de 2020 devrait être tout aussi serrée et porter sur le maintien du développement économique de ce pays à revenu intermédiaire ( la croissance annuelle moyenne de 6 %), la réforme du secteur financier, le contrôle de la corruption, l’équité et la création d’emplois.

En dépit de campagnes électorales précédentes acharnées, les deux dirigeants politiques se sont distingués en s’adressant aux tribunaux pour régler leurs différends et en acceptant finalement gracieusement la défaite. Ils donc ont créé des précédents admirables quant à la manière dont une autre élection serrée serait gérée. Mais cela ne peut cependant pas être considéré comme acquis. On peut s’attendre à ce que les émotions atteignent à nouveau un niveau de fièvre ; toutes les parties devront faire preuve de retenue et maintenir des mécanismes pour empêcher ces émotions de dégénérer en violence.

Le processus de consolidation démocratique est long… Les progrès ne peuvent pas être considérés comme acquis, de peur de perdre les anciens acquis.

Le Ghana dispose d’un ensemble relativement solide d’institutions entourant ses élections qui devraient renforcer ces tampons. La Commission électorale a acquis la réputation d’être un organe crédible et indépendant, ce qui a aidé les partis en lice à accepter la validité des résultats tout en renforçant leur légitimité. Le Ghana a une société civile active qui a facilité une culture de débat et de dialogue entre les acteurs en compétition. Cela a permis de concentrer les différences entre les parties sur des questions de politique et de vision, plutôt que sur des attaques personnelles. De même, les acteurs de la sécurité (principalement la police, mais avec le soutien de l’armée), travaillant en étroite collaboration avec la Commission électorale, ont acquis une expérience précieuse dans la protection du processus électoral, le faisant de manière professionnelle et apolitique, afin de faciliter la participation et la sécurité des citoyens.

Malgré cet héritage institutionnel, les partis d’opposition ont affirmé que le NPP a érodé l’indépendance de la Commission électorale et des tribunaux. Ces dernières années ont également vu une pression accrue sur la société civile et les médias. En 2019, les bureaux des journalistes d’investigation au Ghana ont été perquisitionnés et ces derniers ont été détenus et assassinés – des faits jusqu’alors inimaginables au Ghana. L’année 2019 a également vu l’adoption de la loi sur le droit à l’information, point culminant d’un effort de deux décennies pour élargir l’accès à l’information des institutions publiques et donc à améliorer leur surveillance.

Les élections de 2020 seront un test pour la résilience des institutions ghanéennes. Elles rappellent également que le processus de consolidation démocratique est long et que les progrès ne peuvent être considérés comme acquis, de peur de perdre les anciens acquis.
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Flag of the Central African RepublicRépublique centrafricaine
Élections présidentielles et législatives, 27 décembre

Depuis 2013, la République centrafricaine (RCA) fait face à un conflit entre factions et intercommunautaire, le rendant en l’un des États les plus fragiles d’Afrique. Des milliers de personnes ont été tuées dans les violences et 1,2 million ont été déplacées de force. Pendant cette période, l’économie s’est contractée d’un tiers, faisant de la RCA l’un des pays les plus pauvres d’Afrique, avec un revenu par habitant inférieur à 300 dollars.

C’est dans ce contexte que le président Faustin-Archange Touadéra brigue un second mandat. Son élection Touadéra en 2016 avait largement été jugée crédible. De plus, l’espace politique pour les groupes d’opposition et les médias s’est élargi depuis sa prise de fonction. L’ancien président François Bozizé est revenu en RCA le 16 décembre 2019 et pourrait être le candidat de son parti, Kwa na Kwa. L’ancien président a toujours de nombreux partisans dans la capitale, Bangui, bien qu’il serait probablement profondément opposé dans les zones tenues par les rebelles.

Travaillant avec un groupe d’institutions de sécurité et de justice faibles, Touadéra compte beaucoup sur la MINUSCA, la mission de maintien de la paix et de stabilisation des Nations unies, pour assurer la sécurité. Dans un effort pour construire un gouvernement inclusif qui puisse apporter la paix, Touadéra a négocié un accord de paix en février 2019 qui a accordé aux chefs rebelles 13 postes ministériels et a introduit des unités spéciales de sécurité mixtes (USMS) associant les forces de sécurité du gouvernement et des rebelles. Cette initiative a suscité la colère et les manifestations de certains citoyens et groupes d’opposition qui estiment que Touadéra récompense les rebelles pour leur comportement déstabilisateur. Bien que les affrontements entre les forces armées et l’ancienne coalition Séleka persistent et que des armes continuent d’infiltrer le pays en provenance du Soudan et du Tchad, la violence a diminué et l’accès humanitaire s’est accru depuis la signature de l’accord. Néanmoins, la discipline et le professionnalisme de l’USMS restent très ténus et sujets à la politisation.

President Touadera with Russian President Vladimir Putin

Le président Touadera avec le président russe Vladimir Poutine. (Photo : Kremlin.ru)

La RCA est également au centre de tensions géostratégiques. La Russie a considérablement accru son engagement en RCA depuis 2018 avec le déploiement de 235 instructeurs de sécurité russes provenant principalement du contractant militaire privé, le groupe Wagner. Wagner est également actif dans l’industrie d’extraction de diamants et d’or dans les zones du nord tenues par les rebelles. Un ressortissant russe, Valery Zakharov, est désormais le conseiller de Touadéra en matière de sécurité nationale, ce qui suscite des inquiétudes quant à la souveraineté compromise de la RCA. La présence russe s’est accompagnée d’une campagne médiatique agressive pour vanter la contribution russe à la sécurité et dénigrer l’ONU et la France, accusant cette dernière de tenter de recoloniser la RCA. Celle-ci a également été l’un des huit pays africains ciblés par la campagne de désinformation russe exposée sur Facebook, où des sites web sponsorisés par la Russie, déguisés en entités locales de la RCA, tenteraient de rallier du soutien à la Russie.
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Flag of NigerNiger
Élections présidentielles et législatives, 27 décembre

Le Niger cherche à faire un grand pas en avant dans son évolution démocratique avec une élection qui déterminera qui succédera au président Mahamadou Issoufou. Ce dernier achève en effet son deuxième mandat de cinq ans, et son départ constituerait un précédent précieux dans les efforts du Niger pour institutionnaliser une limite efficace au pouvoir exécutif. Au cours de son mandat, l’espace pour les acteurs de la société civile et les médias s’est élargi.

Le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme, au pouvoir, a choisi le ministre de l’intérieur Mohamed Bazoum comme son candidat à la présidence. Le chef de l’opposition Hama Amadou est revenu au Niger après 3 ans d’exil en France. Il espère se présenter aux élections de cette année, mais il doit d’abord surmonter certains obstacles juridiques liés à des accusations criminelles passées, qui, selon lui, sont motivées par des raisons politiques. Seini Oumarou, leader du Mouvement national pour le développement social (le parti de l’ancien président Mamadou Tandja), prévoit également de se présenter.

Le Niger entreprend cette transition démocratique tout en combattant une insurrection de plus en plus agressive de groupes islamistes militants. En 2019, le Niger a été confronté à 78 attaques violentes et 271 décès impliquant ces groupes, soit trois fois plus que l’année précédente. Le Niger a subi la pire attaque de son histoire le 9 janvier 2020, lorsque 89 soldats ont été tués à Chinagoder près de la frontière malienne, une attaque revendiquée par l’État islamique dans le Grand Sahara et qui s’est produite quelques semaines seulement après que plus de 70 soldats aient été tués dans une attaque similaire à Inates.

Le leadership en période d’insécurité sera donc la question centrale de cette élection, une question qui pourrait très probablement éclipser le précédent historique de la gestion réussie d’une succession démocratique au Niger.
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Flag of SomaliaSomalie
Élection parlementaire, décembre

Longtemps l’un des États les plus fragiles d’Afrique et face au groupe islamiste militant le plus actif du continent, al Shabaab, les élections parlementaires somaliennes prévues pour la fin de l’année seront un test majeur de son processus démocratique naissant. La question politique primordiale qui façonne le processus est la tension entre le président Mohamed Abdullahi Farmaajo qui envisage d’un État central fort, et les États membres fédéraux (FMS) constitutifs, qui favorisent un système de partage du pouvoir plus décentralisé. Les différences ont effrité la confiance et ont entraîné une baisse des niveaux de coopération entre Mogadiscio et les régions périphériques. Néanmoins, la négociation offre l’occasion d’aborder l’énigme fondamentale de la gouvernance à laquelle la Somalie est confrontée dans une société hautement décentralisée et fondée sur les clans. La clé du succès de tout accord sera de surmonter la culture politique somalienne du « gagnant rafle tout » qui a conduit les gouvernements nationaux successifs à éviter les compromis et les tentatives de construire des coalitions inclusives.

Il existe de sérieux doutes quant à la capacité de la Somalie à organiser des élections cette année. La Somalie doit adopter une nouvelle constitution, inscrire les électeurs, financer le scrutin et créer un cadre juridique sur la manière de gérer les relations entre Mogadiscio et les FMS. Le Parlement envisage une nouvelle loi électorale qui approuverait des scrutins nationaux à une personne, un vote (1P1V) au lieu de l’ancienne formule de partage du pouvoir basée sur les clans. En effet, l’ancien système de partage du pouvoir se caractérisait par l’achat massif de votes, la participation limitée des femmes et l’exclusion des groupes marginalisés et minoritaires. La loi exigerait également que le président élu nomme un premier ministre issu du parti qui remporte le plus grand nombre de sièges au Parlement. Auparavant, le président était libre de choisir un premier ministre de manière indépendante.

La clé du succès de tout accord sera de surmonter la culture politique somalienne du « gagnant rafle tout » qui a conduit les gouvernements nationaux successifs à éviter les compromis et les tentatives de construire des coalitions inclusives.

Les groupes d’opposition sont sceptiques sur un article de la loi électorale proposée qui permettrait de retarder les élections et de maintenir le gouvernement au pouvoir jusqu’à la tenue des élections. Cette méfiance est exacerbée par le fait que la Somalie ne dispose pas d’une commission électorale véritablement indépendante, permettantau gouvernement national une grande latitude pour contrôler le processus. Entre-temps, dans une innovation pour la Somalie, six partis d’opposition ont formé une coalition, le Forum pour les partis nationaux (FNP), afin d’élargir leur audience. Le FNP est dirigé par l’ancien président et dirigeant de l’Union des tribunaux islamiques, qui avait contrôlé Mogadiscio en 2006, Sheikh Sharif Ahmed.

L’insécurité constitue une autre menace sérieuse pour l’élection. Al Shabaab a été lié à plus de 1 300 épisodes de violence en 2019, faisant près de 2 800 morts. Al Shabaab reste bien implanté et contrôle de larges pans du pays, ce qui signifie que l’accès aux électeurs sera limité. Avec un secteur de la sécurité encore faible, la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) continue d’être un acteur indispensable pour assurer la sécurité dans les zones urbaines.

Le processus électoral somalien doit également gérer la compétition d’influence des acteurs du Golfe. Une rivalité de type guerre froide entre les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite qui soutiennent les FMS contre la Turquie et le Qatar alignés avec le gouvernement central se traduit parfois dans les systèmes politiques et économiques fracturés de la Somalie, exacerbant encore les tensions. Les politiciens somaliens, quant à eux, ont habilement cultivé les alliés du Golfe pour gagner des millions de dollars en promettant de les aider à remporter des contrats ou en se positionnant comme des candidats susceptibles de gagner une élection.

En bref, les défis complexes auxquels la Somalie est confrontée tempèrent à juste titre les attentes à l’approche des élections. Dans la mesure où le gouvernement central et le FMS peuvent profiter de l’occasion pour engager un véritable dialogue sur une structure fonctionnelle de partage du pouvoir pour la Somalie, le processus créerait une opportunité de jeter des bases plus solides pour l’État somalien si longtemps fragile.
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Joseph Siegle est directeur de recherche et Candace Cook est assistante de recherche au Centre d’études stratégiques de l’Afrique.