En Afrique, les élections de 2025 se révèleront un test de crédibilité pour la défense des normes démocratiques

Le progrès démocratique exigera des décideurs politiques et des journalistes qu’ils reconnaissent et récompensent les processus authentiques de participation démocratique au sein de la vaste gamme d’élections africaines de 2025.


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Malawians at a political convention in Lilongwe in August 2024. (Photo: AFP/ Amos Gumulira)

Des Malawiens lors d’une convention politique à Lilongwe en août 2024. (Photo : AFP/Amos Gumulira)

Après son « année des élections » en 2024, pendant laquelle 19 pays africains avaient prévu d’organiser des élections pour choisir leur chef d’État, la liste des élections africaines de 2025 est plus modeste, avec 10 scrutins attendus.

La crédibilité sera un thème clé des élections de cette année, la moitié des scrutins prévus s’annonçant comme des processus hautement orchestrés dont le résultat prévisible est la victoire du président sortant. C’est d’ailleurs un thème récurrent de ces dernières années. Sur les élections prévues l’année dernière, cinq n’ont même pas eu lieu, en raison du sentiment d’impunité qu’éprouvent les dirigeants en exercice à l’égard des institutions démocratiques et de l’État de droit.

La crédibilité sera un thème clé des élections de cette année, la moitié des scrutins prévus s’annonçant comme des processus hautement orchestrés.

La crédibilité limitée de certains de ces processus électoraux n’est pas un phénomène isolé. Elle fait plutôt partie d’un effort concerté de la part de certains dirigeants en exercice ou de partis au pouvoir pour se soustraire davantage à la volonté publique — et à la redevabilité envers la population. Pour ce faire, ils ont recours à une série de tactiques de plus en plus astucieuses, notamment le contournement de la limitation des mandats, la prolongation des mandats présidentiels, l’affaiblissement des cours constitutionnelles et l’usurpation de l’indépendance des organes de gestion des élections, entre autres moyens d’érosion et des freins et contrepoids démocratiques.

La majorité des élections de cette année se dérouleront dans des pays francophones et sept des dix élections auront lieu en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, l’épicentre des opérations d’influence russes visant à saper la démocratie sur le continent.

Les décideurs, les journalistes et les analystes devront impérativement adopter un point de vue suffisamment sophistiqué pour interpréter ces processus électoraux.

Les décideurs, les journalistes et les analystes devront impérativement adopter un point de vue suffisamment sophistiqué pour interpréter ces processus électoraux. Ces analyses devront faire la distinction entre les élections véritablement concurrentielles où les citoyens peuvent s’exprimer librement et les exercices électoraux qui ont les apparences d’une élection, mais où la participation réelle — et donc les résultats — sont étroitement contrôlés. En l’absence de telles différenciations, les présidents en exercice ne seront guère incités à se soumettre à davantage qu’un simple passage en force. Le niveau des normes démocratiques est en jeu sur le continent .

Dans les pays où les élections sont compétitives, le processus donnera l’occasion au public de valider son soutien à la direction du pays, ainsi que l’opportunité d’une autocorrection et d’un renouveau démocratiques.

Puisque toutes les élections prévues en 2025, à l’exception de deux d’entre elles, se déroulent au cours du dernier trimestre de l’année, la fin de l’année électorale sera donc bien remplie. La longue période de préparation sera l’occasion d’examiner de plus près les enjeux de chaque élection et leurs implications pour le développement démocratique.

Voici les principaux points à surveiller.

PaysType d'élection(s)Date
TogoSénatoriale15 février
GabonPrésidentielle et législative12 avril
MalawiPrésidentielle et législative16 septembre
SeychellesPrésidentielle et législative27 septembre
GuinéePrésidentielle et législativeSeptembre-octobre
CamerounPrésidentielleOctobre
Côte d'IvoirePrésidentielleOctobre
TanzaniePrésidentielle et législativeOctobre
Guinée-BissauPrésidentielleOctobre-novembre
République centrafricainePrésidentielle et législativeDécembre

Par ailleurs, cinq pays organiseront des élections législatives cette année : les Comores (12 janvier), la Guinée-Bissau (février), le Burundi (5 juin), la Guinée équatoriale (novembre), l’Égypte (2025) et la Tunisie (2025).

Togo
Parlementaire, 15 février

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À toutes fins utiles, les élections présidentielles de 2025 au Togo ont de fait eu lieu en mars 2024 lorsque les parlementaires de l’Assemblée nationale dominée par le parti au pouvoir, l’Union pour la République (UNIR), ont voté par 87 voix contre 0 l’adoption d’un changement constitutionnel qui élimine le droit des citoyens à élire directement  le dirigeant du pays.

Résultat, une voie incontestée a été créée permettant au président Faure Gnassingbé de prolonger son emprise de 20 ans sur le pouvoir et de perpétuer la dynastie familiale de 58 ans sur ce pays côtier d’Afrique de l’Ouest de 9,3 millions d’habitants.

À toutes fins utiles, les élections présidentielles de 2025 au Togo ont eu lieu en mars 2024, lorsque les parlementaires ont supprimé le droit des citoyens à élire directement le dirigeant du pays.

La constitution révisée crée un puissant nouveau poste à la tête de de l’exécutif, celui de président du Conseil des ministres (PCM). Élu par l’Assemblée nationale, cet individu, sera, comme un Premier ministre qui dispose cependant de de tous les pouvoirs de prise de décision, et de l’autorité civile et militaire du gouvernement. Le PCM sera issu du parti ayant obtenu le plus grand nombre de sièges à l’Assemblée nationale. Des élections législatives unilatérales, organisées à la hâte le mois suivant la révision constitutionnelle, ont donné à l’UNIR 108 des 113 sièges de l’Assemblée nationale, ce qui devrait permettre à Gnassingbé d’être le premier PCM.

Les élections de février 2025 concerneront les postes de sénateurs qui créeront une nouvelle chambre haute au sein du parlement du Togo. Deux tiers de ces sièges seront élus par les représentants des autorités locales et un tiers sera nommé directement par le PCM.

Le mandat du PCM sera de 6 ans — contre 5 ans pour le président aujourd’hui — mais il sera renouvelable indéfiniment. Ceci est significatif dans la mesure où l’adoption d’une limite de deux mandats présidentiels avait, pendant des années été un point central du débat politique au Togo, notamment dans le cadre des efforts de l’opposition pour établir une lime à la durée limitée de la dynastie des Gnassingbé. La question de la limitation du nombre de mandats avait suscité des manifestations massives dans tout le pays jusqu’à ce que la disposition relative à la limitation du nombre de mandats soit incluse dans la Constitution de 2019.

A police Armored Personnel Carrier is parked in front of a campaign billboard for President Faure Gnassingbe, candidate of the ruling Union for the Republic (UNIR) party. (Photo: AFP/Pius Utomi Ekpei)

Un véhicule blindé de transport de troupes de la police est stationné devant un panneau de campagne du président Faure Gnassingbé, candidat du parti au pouvoir, l’Union pour la République (UNIR). (Photo : AFP/Pius Utomi Ekpei)

Paradoxalement, la suppression du droit des citoyens au suffrage universel effectuée en mars 2024 (et de la limite de deux mandats) n’a pas été décidée par référendum, mais par l’action législative du parti au pouvoir. Le texte des modifications n’avait même pas été rendu public avant le vote.

Les efforts de l’opposition pour mobiliser les protestations contre les chicaneries constitutionnelles de l’UNIR ont été bloqués par le gouvernement. Même l’Église catholique, qui joue un rôle essentiel dans la société togolaise, a été empêchée d’observer les élections législatives d’avril 2024.

L’UNIR a pu imposer ces changements grâce à son quasi-monopole sur l’Assemblée nationale obtenu à la faveur d’irrégularités généralisées lors des élections précédentes, ce qui avait entraîné un boycott de l’opposition. Ce décompte controversé des voix s’était produit lors de l’élection présidentielle de 2020, quand l’opposition avait largement été considérée comme ayant obtenu une pluralité de voix. En 2015, l’opposition avait obtenu plus de 40 % du vote officiel.

Les rassemblements politiques sont interdits au Togo depuis 2022.

L’UNIR vise à utiliser ce tour de passe-passe bureaucratique pour institutionnaliser sa domination politique en l’absence de mandat électoral. En lui fournissant un mécanisme qui lui permet de rester au pouvoir à vie, elle vise également à protéger M. Gnassingbé contre toute contestation ultérieure de ses multiples contournements de la limitation des mandats.

Afin d’éloigner encore davantage la participation populaire au processus politiques, les rassemblements politiques sont interdits au Togo depuis 2022.

Les deux principaux partis d’opposition ont indiqué qu’ils boycotteraient les élections sénatoriales. L’Alliance nationale pour le Changement (ANC), l’un des principaux partis d’opposition, a annoncé qu’elle ne participerait pas aux élections, les qualifiant de « mascarade » et critiquant les précédentes élections législatives et régionales pour avoir été entachées de fraudes et d’irrégularités. Ce sentiment a été repris par la coalition de l’opposition, la Dynamique pour la Majorité du Peuple (DMP), qui a décrit les élections sénatoriales comme faisant partie d’un « coup d’État constitutionnel ».

La police et l’armée togolaises sont considérées comme étroitement liées au parti au pouvoir, l’UNIR. L’armée a contribué à ce que Faure Gnassignbé succède à son père, Gnassingbé Eyadéma, à la mort de ce dernier en 2005. La réponse des forces de sécurité aux manifestations de 2005 a fait des centaines de morts et la répression policière violente des manifestations politiques s’est poursuivie sous le régime de Faure Gnassingbé. L’armée togolaise se distingue par le fait que 70 % de ses membres sont issus de l’ethnie Kabye de Gnassingbé, alors que cette tribu ne représente que 13 % de la population.

A man walks an elder to a polling station at the Agbalepedogan public primary school in Lomé. (Photo: AFP/Emile Kouton)

Un homme accompagne un homme âgé à un bureau de vote à l’école primaire publique d’Agbalepedogan à Lomé. (Photo : AFP/Emile Kouton)

Le modèle de parti dominant enraciné au Togo a déjà coûté très cher à la population. Le taux de pauvreté est de 45 % et le revenu réel par habitant est inférieur à 900 dollars par an, ce qui fait du Togo l’un des pays les plus pauvres de la région. Avec une dette publique de 68 % du produit intérieur brut et des investissements étrangers directs limités, l’emploi et le développement restent médiocres, ce qui exacerbe les inégalités.

L’accent que l’armée met sur la politique a détourné son attention de sa mission principale, c’est à dire la protection des civils, une question de plus en plus préoccupante compte tenu de l’aggravation de l’insurrection islamiste militante au Burkina Faso voisin, qui déborde de plus en plus de la frontière et menace de déclencher une plus grande instabilité dans le nord du Togo.

Les « élections » de 2025 sont donc l’aboutissement d’une stratégie de plusieurs années visant à affaiblir les institutions démocratiques naissantes du Togo. Ce faisant, l’UNIR supprime également les moyens légaux d’exercer les droits fondamentaux de la libre expression, de réunion et de suffrage. Bien que cela puisse sembler être une victoire politique pour l’UNIR, ces actions risquent de mettre le pays sur la voie d’une plus grande instabilité.


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Gabon
Élection présidentielle, 12 avril
Élections législatives, août

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L’élection présidentielle au Gabon s’annonce comme un exercice hautement orchestré visant à conférer une certaine légitimité au régime militaire du général de brigade Brice Oligui Nguema, qui a pris le pouvoir par un coup d’État le 30 août 2023.

Le Gabon est en passe de remplacer une forme de gouvernance autocratique par une autre.

Oligui a suivi une séquence d’actions soigneusement chorégraphiée pour se frayer un chemin sans encombre vers la présidence de ce pays riche en ressources de 2,5 millions d’habitants situé dans la région vitale du bassin du Congo. Il s’est notamment déclaré président de transition le 4 septembre 2023, a nommé des loyalistes aux deux tiers des postes du Sénat et de l’Assemblée nationale, a désigné les neuf membres de la Cour constitutionnelle et a organisé un dialogue national étroitement scénarisé à la mi-2024, auquel 200 partis politiques n’ont pas pu participer puisqu’ils en avait été  bannis et dans lequel l’armée a joué un rôle de premier plan.

Cette procédure a abouti à la réécriture de la constitution pour permettre aux militaires de briguer des fonctions politiques, supprimer le rôle du Premier ministre, porter les mandats présidentiels à sept ans et abolir le système électoral à deux tours (abaissant ainsi le seuil de soutien populaire nécessaire). Chacun de ces changements consolide davantage l’autorité au sein de l’exécutif du Gabon, déjà très centralisé, tout en offrant à Oligui la possibilité d’étendre son emprise sur le pouvoir. Ces changements ont ensuite été validés lors d’un référendum constitutionnel superficiel en novembre 2024.

La garde républicaine du Gabon prenant le pouvoir en 2023.

La garde républicaine du Gabon prend le pouvoir en 2023. (Photo : capture d’écran de « Pressure Mounts on Gabon Junta to Relinquish Power After Coup »)

Oligui semble reproduire le manuel de transition du général Mahamat Déby du Tchad, qui a ignoré le processus de succession prévu par la Constitution pour s’emparer du pouvoir en avril 2021, se déclarer président de la transition, mettre en scène un dialogue national et tenir un référendum constitutionnel vicié qui lui a ouvert la voie pour déclarer sa victoire lors d’une élection présidentielle hautement prévisible en mai 2024.

Oligui a cultivé l’image d’un réformateur en jouant sur la répulsion populaire à l’égard de la prodigalité et de la répression du gouvernement d’Ali Bongo et de la dynastie familiale Bongo qui a gouverné le Gabon pendant 56 ans. Cela occulte le fait qu’Oligui est un confident de longue date de la famille Bongo. Il est le cousin d’Ali Bongo et a été l’aide de camp d’Omar Bongo jusqu’à sa mort en 2009. Il a aussi été chef des services de renseignement de la garde républicaine avant d’être nommé par Ali Bongo à la tête de cette même garde en 2020. Les effectifs et le budget de la garde républicaine ont augmenté de manière significative sous Oligui, ce qui lui a fourni la plate-forme à partir de laquelle il a lancé son putsch. Oligui aurait également accumulé une fortune considérable grâce à ses liens étroits avec les Bongos.

Oligui a cultivé l’image d’un réformateur, mais il est depuis longtemps un confident de la famille Bongo.

À bien des égards, Oligui est donc, une continuation plutôt qu’un départ de la dynastie Bongo. Sa prise de pouvoir extraconstitutionnelle est également une mise en garde contre les risques d’une armée politisée qui fait si bien partie intégrante du maintien au pouvoir d’un régime autocratique que les obstacles qui l’empêcherait de franchir l’étape finale de prendre elle-même le pouvoir deviennent de plus en plus superflus.

Le coup d’État et la transition gérée qui s’en est suivie n’ont pas tenu compte de l’existence d’une opposition civile bien organisée qui avait vigoureusement contesté les récentes élections au Gabon, en dépit de l’inégalité des règles du jeu. Une coalition d’opposition, Alternance 2023, dirigée par l’ancien professeur d’université, Albert Ondo Ossa, avait présenté un programme de réformes pour le Gabon lors des élections de 2023. Ce programme visait à remédier à l’inégalité liée au favoritisme qui définit le pays et a entraîné un taux de chômage des jeunes estimé à 40 %, malgré la richesse pétrolière du Gabon et son revenu par habitant de 9 000 dollars (l’un des plus élevés d’Afrique).

An election official burns ballots after the counting has finished at a voting station in Libreville on November 16, 2024. (Photo: AFP/Nao Mukadi)

Un agent électoral brûle les bulletins de vote après la fin du dépouillement dans un bureau de vote à Libreville, le 16 novembre 2024. (Photo : AFP/Nao Mukadi)

M. Ossa est généralement considéré comme ayant remporté les élections de 2023 malgré des irrégularités généralisées, l’absence d’observateurs internationaux, l’arrestation d’observateurs électoraux locaux et l’interdiction d’accès à Internet pendant le dernier mois de la campagne. Mais selon les résultats officiels, M. Ossa aurait obtenu 31 % des voix contre 64 % pour Ali Bongo. L’incrédulité de la victoire revendiquée par Bongo a servi de toile de fond au coup d’État d’Oligui. Cependant, au lieu de demander une révision indépendante du décompte des voix afin de reconnaître le vainqueur légitime, Oligui s’est attribué le rôle de président de transition.

L’existence d’une opposition civile organisée a été négligée lors du coup d’État et de la transition dirigée qui a suivi.

Les dirigeants de l’opposition ont ensuite contesté l’autorité d’Oligui à réécrire la constitution qui lui permettra d’accéder à la présidence en 2025.

La question de savoir dans quelle mesure les partis d’opposition pourront participer aux élections de 2025 sera déterminante. Compte tenu de l’héritage de la fraude électorale au Gabon et de la transition étroitement structurée qui a suivi le coup d’État, les perspectives d’un processus libre et équitable sont faibles. Parmi les changements adoptés par la junte d’Oligui pour affirmer son contrôle sur la transition, on peut citer le transfert de la responsabilité de la supervision des élections de la commission électorale au ministère de l’intérieur.

Afin d’étouffer toute dissidence, les médias d’État qualifient d’antipatriotiques et d’atteinte à l’unité nationale toute critique selon laquelle l’armée exploite le processus de transition à des fins politiques. Oligui a également utilisé le recrutement militaire pour renforcer son soutien, annonçant en décembre 2024 que des milliers de jeunes seraient recrutés dans les forces armées.

Afin d’étouffer toute dissidence, les médias d’État qualifient d’antipatriotiques toutes les critiques selon lesquelles l’armée exploite le processus de transition à des fins politiques.

Écouter les préférences des voix étouffées de la société civile qui ont été les champions de la réforme démocratique au Gabon au fil des ans pourrait être l’aspect le plus éclairant d’un processus électoral par ailleurs prévisible qui est en passe de remplacer une forme de gouvernance autocratique par une autre.


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Malawi flagMalawi
Élection présidentielle, 16 septembre

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L’économie est le principal enjeu de l’élection présidentielle au Malawi. Le Malawi a été particulièrement touché par la grave sécheresse provoquée par El Niño qui a frappé l’Afrique australe en 2024. Le Malawi étant un pays enclavé dont 80 % de la population vit dans des zones rurales, la sécheresse a eu pour effet aggravant de faire grimper le chômage. Ces difficultés ont été exacerbées par une inflation des prix des denrées alimentaires de plus de 20 %. En conséquence, un quart des 23 millions de citoyens du Malawi est confronté à une insécurité alimentaire aiguë.

Les difficultés économiques du Malawi ont un impact direct sur la campagne du président Lazarus Chakwera, qui, en tant que chef du Parti du Congrès du Malawi, brigue un second mandat. Deux anciens présidents se présentent contre Chakwera : Peter Mutharika, 84 ans (du Parti démocratique progressiste), que Chakwera a battu lors de la présidentielle de 2020, et Joyce Banda, 74 ans (du Parti populaire), qui a été présidente de 2012 à 2014. Bien que chaque candidat puisse se prévaloir de son expérience en matière de gestion, chacun est lié à des périodes antérieures de troubles économiques et à des allégations de corruption.

Les principaux enjeux des élections de 2025 au Malawi seront la capacité des institutions civiques et des tribunaux du pays à garantir un processus équitable.

Puisque le candidat gagnant doit obtenir plus de 50 % des voix, il est fort probable que l’élection fasse l’objet d’un second tour. Pour atteindre ce seuil, il faudra probablement former des coalitions avec d’autres partis. Cela pourrait renforcer l’effet de levier des petits partis, tels que le Mouvement uni de transformation (UTM) et le Front démocratique uni, afin de détourner l’attention de la campagne des personnalités et de la politique des partis établis et de l’orienter vers de nouvelles propositions visant à relever les graves défis économiques du Malawi. L’UTM se remet encore de la mort de son fondateur, le vice-président Saulos Chilima, dans un accident d’avion en juin 2024. Chilima bénéficiait d’un soutien particulièrement fort de la part de la jeunesse du Malawi.

Il est particulièrement pertinent de déplacer le débat vers des questions de fond, étant donné les dimensions structurelles de nombreux défis du Malawi, qui dépassent le cadre d’une seule administration. Le premier d’entre eux est la corruption. Le Malawi, classé 115e sur 180 pays par Transparency International dans son indice de la perception de la corruption, est loin d’être parmi les pires pays africains à cet égard. Cependant, l’omniprésence du favoritisme a un impact direct sur les services publics et la création d’emplois, ainsi que sur la confiance du public. Avec un revenu annuel par habitant de 463 dollars, cette mauvaise répartition des ressources est particulièrement préjudiciable.

L’omniprésence du favoritisme a un impact direct sur les services publics, la création d’emplois et la confiance du public.

Le Bureau anticorruption du Malawi (ACB) est opérationnel depuis 1998, a ces dernières années a gagné en indépendance par rapport aux influences politiques. Au cours des trois années de mandat de la directrice générale Martha Chizuma, un nombre record de 119 affaires ont fait l’objet d’une enquête, notamment à l’encontre de personnalités politiques de premier plan, souvent dans le cadre d’affaires de corruption et de fraude en matière de passation de marchés. Cependant, certains hauts fonctionnaires visés étants trop proches du pouvoir, Chizuma a dû faire face à de nombreux obstacles institutionnels avant d’être forcée à démissionner en 2024, après que l’ACB a été privée de fonds. L’un des thèmes centraux de la campagne, qui intéressera les citoyens malawites, sera donc la manière dont l’ACB et les autres organismes de lutte contre la corruption peuvent être renforcés.

Un autre thème prioritaire de la campagne est la diversification durable de l’économie. Compte tenu de sa forte dépendance sur la pluie dans agriculture pour ses moyens de subsistance, le Malawi est particulièrement sensible aux variations météorologiques. Le Malawi abrite l’une des populations les plus jeunes d’Afrique, avec un âge médian de 17,8 ans. La population du Malawi a presque doublé au cours des 20 dernières années. Si l’on ne crée pas suffisamment d’emplois, le Malawi est vulnérable à l’augmentation de la petite criminalité et de la criminalité organisée.

Les pressions démographiques qui s’exercent sur le Malawi se traduisent par des exploitations agricoles de plus en plus petites et par un recul de 21 % de ses forêts depuis 2022. La disparition des forêts contribue à son tour au déclin de la fertilité des sols, de la biodiversité et de la rétention d’eau. Comme 89 % des Malawiens n’ont pas d’électricité, la demande de charbon de bois comme source d’énergie exerce une pression supplémentaire sur ces ressources foncières. La perte du couvert forestier rend le pays de plus en plus vulnérable aux ravages des cyclones — comme l’ont montré les récentes tempêtes Idai et Freddy — et à la prévalence croissante de ces phénomènes météorologiques intenses.

Malawi Electoral Commission staff, accredited civil society organisations, members of the public, and members of the Malawi Defense Forces military band march in Lilongwe to mark the official beginning of the electoral period ahead of the 2025 Malawi General Elections. (Photo: AFP/Amos Gumulira)

Le personnel de la Commission électorale du Malawi, des organisations de la société civile accréditées, des membres du public et des membres de la fanfare des Forces de défense du Malawi défilent à Lilongwe pour marquer le début officiel de la période électorale en vue des élections générales de 2025 au Malawi. (Photo : AFP/Amos Gumulira)

Les tensions de la campagne électorale ont déjà suscité des critiques quant à l’impartialité de la commission électorale du Malawi et aux efforts déployés pour inscrire de nouveaux électeurs. Toutefois, la Cour constitutionnelle du Malawi a une réputation d’indépendance, avec son rejet, qui a fait jurisprudence, des résultats de l’élection présidentielle de 2019 qui avaient donné la victoire au président sortant Mutharika. Ce rejet avait conduit à un nouveau scrutin, que la coalition de Chakwera avait remporté.

L’armée malawienne est également réputée pour son professionnalisme et son indépendance.

Le Malawi bénéficie également d’une identité civique dynamique et d’une société civile résiliente qui exige constamment des niveaux plus élevés de transparence, le respect de l’État de droit et la redevabilité des politiciens. Le Malawi dispose en outre de médias indépendants actifs, et qui ont bénéficié d’un le soutien té renforcé sous l’administration Chakwera. À titre d’exemple, en 2024, la Commission des droits humains du Malawi a statué en faveur des demandes d’accès à l’information du gouvernement, et l’Autorité de régulation des communications du Malawi a attribué davantage de fréquences radio, améliorant ainsi la diversité de la radiodiffusion.

L’armée malawienne est également réputée pour son professionnalisme et son indépendance, y compris lorsque le gouvernement Mutharika a fait pression sur elle pour qu’elle réprime les manifestants lors de la crise électorale de 2019. Les agences de sécurité du Malawi, en particulier la police et l’armée du Malawi, collaborent également à la mise en œuvre d’un plan national intégré de sécurité des élections.

Les principaux enjeux des élections de 2025 au Malawi seront donc la capacité des institutions civiques et des tribunaux du pays à garantir un processus équitable et l’efficacité des coalitions réformistes à s’unir et à forger une voie pour relever les défis urgents du Malawi.


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Flag of SeychellesSeychelles
Élection présidentielle et législative, 27 september

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Le président Wavel Ramkalawan, du parti Linyon Demokratik Seselwa (LDS), briguera un second mandat lors des élections de 2025 dans cet archipel de 115 îles situé dans l’océan Indien occidental. La victoire de M. Ramkalawan, un ancien prêtre anglican, aux élections de 2020 (lors de sa sixième tentative à la présidence) a marqué un tournant pour ce pays de 122 000 habitants. Le parti United Seychelles et son prédécesseur, le Front progressiste populaire des Seychelles, dominaient les institutions politiques des Seychelles depuis le coup d’État d’Albert René en 1977 (un an après l’indépendance du Royaume Uni). Alors que le multipartisme a été introduit au début des années 1990, le United Seychelles avaient conservé la majorité à l’Assemblée nationale jusqu’en 2016 et à la présidence jusqu’en 2020.

President Wavel Ramkalawan (R) looks during his inauguration on October 26, 2020. (Photo: AFP/Rassin Vannier)

Le président Wavel Ramkalawan (à droite) lors de son investiture le 26 octobre 2020. (Photo : AFP/Rassin Vannier)

M. Ramkalawan sera confronté au Dr Patrick Herminie, porte-drapeau de l’organisation United Seychelles. Herminie a été président de l’Assemblée nationale de 2007 à 2016. Il était auparavant directeur général des soins de santé primaires au ministère de la Santé.

Les deux candidats s’attacheront à réduire le taux de pauvreté de 23 % et à développer la classe moyenne dans un pays où le revenu par habitant dépasse 17 000 dollars, soit le plus élevé d’Afrique.

Après la mort de René en 2019, les Seychelles continuent de se débattre avec les répercussions de sa longue mainmise sur le pouvoir. Les crimes commis sous l’ère René, notamment le favoritisme et la torture, ont été rendus publics dans le cadre d’un processus de vérité et de réconciliation lancé en 2018 et qui a abouti à la publication d’un rapport final en 2023. Le rapport avait exigé des réparations pour les victimes, y compris des excuses et des compensations financières.

En 2021, les enquêtes sur l’ère René avaient abouti à des arrestations pour des allégations de blanchiment d’argent d’une valeur de 50 millions de dollars, impliquant un homme d’affaires seychellois et le gouvernement des Émirats arabes unis. Les perquisitions effectuées dans le cadre de cette affaire avaient permis de découvrir une cache d’armes, ce qui avait entraîné d’autres arrestations, notamment celle d’un ancien officier supérieur des forces de défense des Seychelles et de Sarah Zarqhani René, l’épouse de l’ancien président. Ces affaires continuent de suivre leur cours dans le système judiciaire et constituent une toile de fond supplémentaire pour les élections de 2025.

Les deux candidats s’attacheront à réduire le taux de pauvreté de 23 % du pays.

Elles reflètent également les efforts en cours pour démanteler le copinage qui s’est développé au sein des institutions de l’État pendant la longue période durant laquelle le pays était gouverné par un parti unique. Il s’agit notamment d’élever les normes de transparence. L’Assemblée nationale a adopté une loi anticorruption en 2016 qui a permis de créer la Commission anticorruption des Seychelles (ACCS). La loi a été modifiée en 2019 afin d’augmenter le nombre de membres de la commission de l’ACCS et de renforcer ses pouvoirs d’enquête et les dispositions relatives à l’application de la loi. Les Seychelles ont été retirées de la liste des paradis fiscaux étrangers de l’Union européenne en 2021, et le pays se classe désormais au 20e rang sur 180 pays dans l’indice de perception de la corruption de Transparency International, le plus élevé de tous les pays africains, et une amélioration de huit places par rapport à 2018.

Les Seychelles ont également fait des progrès dans la mise en place de médias indépendants. Il existe plusieurs journaux en plus du quotidien d’État. Une chaîne de télévision privée et deux stations de radio diffusent des programmes aux côtés de la chaîne de radio d’État. Afin d’atténuer la polarisation politique ou communautaire, le pays interdit aux partis politiques et aux organisations religieuses de diffuser des émissions radio sur les chaînes publiques. Afin d’offrir des garanties supplémentaires aux médias indépendants, l’Assemblée nationale a dépénalisé la diffamation en 2021, citant les réformes entreprises, et a renforcé la formation des journalistes. Les Seychelles occupent la première place en Afrique dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Varieties of Democracy.

Voters queue at a polling station on the main Island of the Seychelles, on October 24, 2020, during the presidential and legislative elections. (Photo: AFP/Rassin Vannier)

Des électeurs font la queue dans un bureau de vote sur l’île principale des Seychelles, le 24 octobre 2020, lors des élections présidentielles et législatives. (Photo : AFP/Rassin Vannier)

Les autorités civiles exercent un contrôle efficace sur une force de sécurité peu nombreuse, mais bien formée et professionnelle. Les forces de défense des Seychelles (FDS) sont composées d’une force de garde-côtes de 300 personnes, dont une escadre aérienne de 80 personnes. En juin 2022, l’Assemblée nationale a accordé aux FDS le droit de faire respecter la loi nationale, supprimant ainsi la séparation entre la police et l’armée. Cette loi a fait l’objet d’une requête auprès de la Cour constitutionnelle par des groupes de défense des droits humains en raison de la menace qu’elle fait peser sur l’État de droit et la régularité des procédures. Cette requête demeure en cours d’examen.

La priorité de la FDS est de lutter contre la piraterie, les réseaux de trafic illicite et la pêche non autorisée dans la zone économique exclusive des Seychelles, qui s’étend sur un million de km2. Les Seychelles sont un acteur régional important dans la lutte contre la piraterie au large de l’Afrique de l’Est. Depuis 2009, elles ont organisé plus de 17 procès contre 142 pirates présumés.

Les Seychelles jouent un rôle essentiel dans le maintien des voies maritimes ouvertes et la protection de l’environnement marin. Ce rôle les place au cœur des intérêts géostratégiques concurrents de la Chine et de l’Inde.

Compte tenu de leur situation dans l’océan Indien occidental, les Seychelles jouent un rôle essentiel dans le maintien de voies maritimes ouvertes et dans la protection de l’environnement marin. Cette situation les place également au cœur des intérêts géostratégiques concurrents de la Chine et de l’Inde. L’Inde avait négocié un accord avec le précédent gouvernement en vue d’établir une base navale sur l’île seychelloise de l’Assomption. Le gouvernement Ramkalawan a suspendu cet accord pour éviter d’être entraîné dans des rivalités géostratégiques et pour en examiner les incidences potentielles sur l’environnement. La Chine, quant à elle, a intensifié ses relations diplomatiques avec chacune des nations insulaires de la région : les Comores, Madagascar, les Maldives, l’île Maurice et les Seychelles.

Le dynamisme économique des Seychelles reste étroitement lié à la stabilité de l’économie bleue (maritime). Environ 45 % du produit intérieur brut du pays est lié au tourisme. Elle est donc vulnérable aux chocs extérieurs comme la pandémie du COVID qui a réduit les voyages internationaux. Le secteur de la pêche est un deuxième pilier de l’économie qui dépend fortement du maintien de la santé et de la biodiversité de l’écosystème maritime. Les Seychelles se concentrent également sur l’atténuation des risques climatiques qui peuvent déclencher des cyclones dévastateurs, des pluies de mousson, des inondations, des glissements de terrain et l’élévation du niveau de la mer.

Alors que les Seychelles se préparent à une élection très disputée en 2025, la manière dont le pays poursuivra son effort de transparence, étendra les avantages à tous les citoyens et gérera l’évolution des menaces à la sécurité sera un élément clé à surveiller.


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Cameroun
Élection présidentielle, octobre

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À première vue, l’élection présidentielle de 2025 au Cameroun semble être une continuation du système politique invariable en place depuis l’arrivée au pouvoir du président Paul Biya en 1982. M. Biya, qui est le deuxième plus ancien dirigeant d’Afrique (après Teodoro Obiang en Guinée équatoriale), se présente aux élections d’octobre pour son huitième mandat présidentiel. La prolongation du mandat de M. Biya est d’autant plus remarquable que les mandats présidentiels au Cameroun sont de 7 ans. Le mandat extraordinairement long de M. Biya a été rendu possible par un amendement constitutionnel conçu par son parti en 2008, abolissant la limite de deux mandats présidentiels.

Le parti de Biya, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), est au pouvoir dans ce pays de 29 millions d’habitants depuis l’indépendance en 1960, reflétant le système de parti dominant en place malgré l’introduction d’élections multipartites en 1992.

A young child hanging posters of Cameroonian President Paul Biya on a wall in Yaoundé. (Photo: AFP)

Un enfant accroche des affiches du président camerounais Biya sur un mur à Yaoundé (Photo : AFP)

Biya et le RDPC ont maintenu leur mainmise sur la politique camerounaise en contrôlant toutes les institutions gouvernementales, y compris la commission électorale et le pouvoir judiciaire. Cette situation a donné lieu à ce que les observateurs indépendants considèreFnt comme une série d’élections frauduleuses, ce qui a conduit les partis d’opposition à boycotter les élections législatives et municipales de 2020. Le candidat de l’opposition, Maurice Kamto, et plus de 200 de ses partisans ont été arrêtés pour avoir protesté contre les élections présidentielles controversées de 2018. Alors que M. Kamto a été libéré au bout de dix mois, 41 de ses partisans restent derrière les barreaux après avoir été condamnés à sept ans de prison. En 2020, le gouvernement a interdit les manifestations.

Le cycle électoral de 2025 devrait toutefois constituer un point d’inflexion dans cette trajectoire. Aujourd’hui âgé de 91 ans, M. Biya est plus vieux chef d’État du monde. En mauvaise santé, il a été absent de la scène publique pendant de longues périodes au cours de l’année écoulée. En coulisses, cette situation a déclenché une bataille de succession nerveuse au sein du RDPC. En cas de décès ou de démission de M. Biya, la constitution camerounaise prévoit en effet que les responsabilités du chef de l’État soientt transférées au président du Sénat, Marcel Niat Njifenji. Ce dernier serait tenu d’organiser des élections dans un délai de 20 à 120 jours, mais il lui serait interdit de s’y présenter lui-même ou de modifier la constitution ou la composition du gouvernement. Membre de longue date du RDPC, M. Njifenji occupe le poste de président du Sénat depuis sa création en 2013 et ne devrait pas être chargé de superviser des changements radicaux de politique.

L’unité de l’opposition est essentielle dans le système majoritaire à un tour du Cameroun, qui favorise le candidat sortant.

Ce cycle électoral pourrait également être différent dans la mesure où 30 partis de l’opposition camerounaise, connue pour être fracturée, ont accepté de se regrouper autour de la coalition de l’Alliance politique pour le changement (APC) de Maurice Kamto qui s’est lancé dans une campagne visant à étendre les services de santé et d’éducation et à réduire les inégalités criantes de la société camerounaise. M. Kamto a officiellement recueilli 14 % des voix lors de l’élection présidentielle contestée de 2018. L’unité de l’opposition est essentielle dans le système majoritaire à un tour du Cameroun qui favorise le président sortant.

Ce cycle électoral a également été marqué par les efforts de sensibilisation des citoyens menés par le Dr Enow Abrams Egbe, président de l’institution chargée de superviser les élections, Elections Cameroun. Il a activement impliqué le public dans la sensibilisation des citoyens au processus électoral,  mené une campagne d’inscription des électeurs qui a permis à plus de 750 000 citoyens de se rendre aux urnes et est considéré comme ayant augmenté de manière significative l’inscription des femmes et des jeunes. Cette démarche s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par la société civile, dont certains ont été organisés par l’Église catholique, pour insuffler à la jeunesse camerounaise une ferveur pour l’engagement civique.

Les règles du jeu électoral restent très inégales.

Le terrain de jeu électoral reste cependant très inégal et susceptible à l’influence du RDPC. L’interdiction par le gouvernement des deux principales coalitions d’opposition, dont l’APC, les déclarant « illégales » et de constituer des « mouvements clandestins », en est une illustration. M. Kamto pourrait être confronté à d’autres obstacles : aujourd’hui, son parti, qui a boycotté les dernières élections législatives, ne dispose pas de sièges au sein l’Assemblée nationale. Or, en disposer est une condition préalable pour un candidat à la présidence. Le RDPC au pouvoir tente d’exploiter ce vice de forme en reportant les élections législatives à 2026, alors qu’elles sont normalement sensées se dérouler en même temps que l’élection présidentielle.

Les mois précédant l’élection ont également été marqués par une augmentation des arrestations arbitraires, des actes d’intimidation et des procès devant les tribunaux militaires à l’encontre des membres des partis d’opposition, des journalistes et des dirigeants de la société civile. Ces mesures s’inscrivent dans le cadre d’une répression plus large à l’encontre des journalistes jugés critiques à l’égard du gouvernement. Les licences des médias ont ainsi été suspendus et des journalistes violemment attaques et arrêtés pour avoir dénoncé la corruption ou la mauvaise gestion du gouvernement.

Alors que le Cameroun a longtemps été dominé par un parti unique, le recours à des tactiques répressives s’est accru ces dernières années, démentant la riche diversité socioculturelle et linguistique du pays, ainsi que son héritage d’inclusivité. Les mesures sévères prises pour restreindre les droits des communautés anglophones dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (qui représentent de 15 à 20 % de la population) depuis 2016 en sont la preuve la plus flagrante. Le conflit qui en a résulté, au cours duquel des violations des droits humains auraient été commises par les deux parties, a fait plus de 3 000 morts, près de 700 000 personnes déplacées et entraîné l’interruption de la scolarisation d’environ 600 000 enfants. L’insécurité et l’aliénation croissantes de ces régions anglophones y feront certainement baisser la participation électorale, contribuant ainsi à leur sous-représentation politique.

Electoral officials count votes after the general and municipal elections in Yaounde.

Des agents électoraux comptent les votes après les élections générales et municipales à Yaoundé. (Photo : AFP)

Les élections camerounaises auront également des répercussions sur la sécurité régionale, car le Cameroun, tout comme le Nigeria et le Tchad, est confronté depuis plus de dix ans à la menace de groupes islamistes militants (notamment Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest). Cette menace, concentrée dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, s’est intensifiée, le pays ayant connu l’année dernière une augmentation de 50 % du nombre de morts  (plus de 800 aujourd’hui) liées à ces groupes cette année. La mesure dans laquelle les élections présidentielles au Cameroun contribueront à légitimer les résultats et à unifier la population aura un impact direct sur la capacité du gouvernement à gagner le soutien de la population et à poursuivre une stratégie de stabilisation holistique face à cette menace.

Le Cameroun est également au cœur du défi sécuritaire régional que représente la protection des forêts tropicales du bassin du Congo. L’exploitation illégale de ces forêts, souvent liée à des groupes criminels transnationaux organisés, coûte au pays des milliards de dollars en revenus perdus, compromet des milliers de moyens de subsistance et menace le puits de carbone terrestre le plus important au monde ainsi qu’un élément essentiel des cycles de transpiration hydrique en Afrique. Le leadership du gouvernement camerounais sera essentiel pour mettre en place les mécanismes nationaux et régionaux de sécurité et de surveillance financière nécessaires pour contrôler cette exploitation.

L’élection présidentielle camerounaise fera probablement l’objet d’une ingérence extérieure.

L’élection présidentielle au Cameroun fera probablement l’objet d’une ingérence extérieure. Le siège d’Afrique Média, l’organe de presse parrainé par la Russie qui promeut des récits prorusses dans toute l’Afrique, se trouve à Douala. Des réseaux d’information liés à la Russie ont soutenu le mandat prolongé de Biya, et le Cameroun a été une cible prioritaire des campagnes russes anti-occidentales, anti-ONU et antidémocratiques.

Alors que le Cameroun s’achemine, après quatre décennies de règne de Biya, vers une transition inévitable, le thème central de l’élection de 2025 sera de savoir si les forces réformistes au sein et en dehors du RDPC peuvent obtenir une traction suffisante pour construire une coalition qui s’attaquera aux tensions politiques intérieures et aux menaces locales à la sécurité tout en réalisant l’énorme potentiel du pays.


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Flag of TanzaniaTanzanie
Élection présidentielle et législative, octobre

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Quatre ans après sa mort, l’ancien président John Magufuli continue de jeter une ombre sur les élections de 2025 en Tanzanie et sur les perspectives de reprise de la démocratie dans le pays. Surnommé « le bulldozer » pour ses tactiques intransigeantes et dures, M. Magufuli avait remodelé le paysage politique tanzanien. D’un système modéré à parti dominant largement admiré pour son respect des libertés civiles fondamentales, la politique s’est transformée sous Magufuli en un culte répressif de la personnalité. Il avait en effet les partis d’opposition et ignoré l’État de droit dans l’intérêt de la mise en œuvre de son programme et de la poursuite de la domination du parti au pouvoir, le Chama Cha Mapinduzi (CCM). La violence politique, auparavant rare, s’était normalisée, notamment lors de la tentative d’assassinat de 2017 du dirigeant de l’opposition Tundu Lissu,  qui l’avait laissé criblé de 17 balles.

Le CCM et son précurseur sont au pouvoir depuis l’indépendance de la Tanzanie en 1961.

L’accession au pouvoir de la présidente Samia Suluhu Hassan à la suite du décès de Magufuli (que l’on pense dû au COVID) a donné l’occasion à ce pays de 67 millions d’habitants de se ressourcer et de revenir à la culture politique de la Tanzanie, historiquement plus modérée.

Elle a introduit des réformes visant à rétablir les droits civiques, notamment en levant les interdictions qui pesaient sur les médias, en libérant les dirigeants de l’opposition emprisonnés et en créant un environnement plus ouvert au dialogue et à l’engagement politiques. En janvier 2023, elle a levé l’interdiction imposée par Magufuli aux rassemblements des partis d’opposition.

Un groupe de travail sur la réforme politique, soutenu par le gouvernement, a recommandé en 2022 la création d’une nouvelle Commission électorale nationale, indépendante (CENI) et non partisane, et la possibilité de contester les résultats des élections devant Haute Cour.

Citizens look for their names on voters lists before casting their vote during a Tanzanian local election. (Photo: AFP)

Des citoyens cherchant leur nom sur les listes électorales avant de voter lors d’une élection locale en Tanzanie. (Photo : AFP)

Dans le cadre de son programme des 4 R (réconciliation, résilience, réformes et reconstruction), Samia a rencontré Tundu Lissu, qui est rentré en Tanzanie après choisi l’exil cinq ans durant. Samia, quant à elle, a remplacé les principaux partisans de la ligne dure de M. Magufuli, notamment le chef de la sécurité nationale, qui avait supervisé la répression brutale des libertés civiles menée par l’ancien président. S’écartant des clivages politiques, elle était présente auprès de l’aile féminine du parti d’opposition Chama cha Demokrasia na Maendeleo (Chadema) pour célébrer la Journée internationale de la femme en 2023.

Ces actions lui avaient valu de nombreux éloges dans le pays et à l’étranger, renouvelant les possibilités d’accroître les investissements internationaux et la collaboration avec son pays.

L’ouverture a également permis aux partis d’opposition de commencer à reconstruire leurs structures organisationnelles et de renouer publiquement avec les citoyens. En raison des restrictions draconiennes, de la partialité des processus électoraux et de l’usage de la violence par Magufuli, la plupart des partis d’opposition avaient boycotté les élections législatives de 2020, laissant l’opposition avec une représentation officielle réduite. Bien qu’il existe 19 partis politiques d’opposition enregistrés, les deux partis les plus populaires sont le Chadema, dirigé par Tundu Lissu, et l’Alliance pour le changement et la transparence (Chama cha Wazalendo, ACT-Wazalendo), dirigée par Zitto Kabwe.

De nombreux observateurs ont été consternés par le retour de certaines des tactiques de Magufuli notamment les enlèvement, l’intimidation et l’assassinat des critiques du CCM au cours de l’année écoulée.

Compte tenu de ce dégel dans la vie politique du pays, de nombreux observateurs ont été consternés par le retour de certaines des tactiques de Magufuli, notamment les enlèvements, l’intimidation et l’assassinat de critiques du CCM au cours de l’année écoulée.

En août 2024, 500 partisans du Chadema ont été arrêtés avant un rassemblement qu’ils avaient organisé pour la Journée internationale de la jeunesse. Parmi eux figuraient le président de l’époque du Chadema, Freeman Mbowe, son vice-président, Tundu Lissu et son secrétaire général, John Manyika. Ces arrestations ont également ravivé les inquiétudes concernant la politisation du secteur de la sécurité.

En septembre, un membre du secrétariat du parti Chadema, Ali Mohamed Kibao, a été enlevé puis retrouvé mort et présentant des signes de violence physique et des brûlures à l’acide sur le visage — un acte que Samia a rapidement condamné. Ce cas semble néanmoins s’inscrire dans une tendance, puisque la Société de la Loi de Tanganyika a publié une liste de 83 personnes qui ont été enlevées ou qui ont disparu mystérieusement récemment.

Les partis d’opposition ont protesté contre la disqualification de milliers de leurs candidats lors des élections locales de novembre 2024, au cours desquelles les candidats du CCM ont remporté 99 % des sièges d’après les décomptes officiels, un résultat invraisemblable. À titre de comparaison, les partis d’opposition avaient recueilli 45 % des voix lors des élections législatives de 2015 en Tanzanie.

Tanzanian police officers surround a group of young voters following their arrest during the Tanzanian local election in November 2024. (Photo: AFP/Ericky Boniphace)

Des policiers tanzaniens entourent un groupe de jeunes électeurs après leur arrestation lors des élections locales de novembre 2024 en Tanzanie. (Photo : AFP/Ericky Boniphace)

ACT-Wazalendo a déposé 51 recours pour contester les résultats des élections locales de 2024, invoquant des irrégularités dans la rédaction des règlements, l’inscription des électeurs et la désignation des candidats.

Les médias ont également fait l’objet de pressions accrues. Trois plates-formes d’information en ligne —The Citizen, Mwananchi et Mwanaspoti — ont été suspendues pendant 30 jours pour avoir publié des caricatures considérées comme critiques à l’égard de Samia.

Entre-temps, les réformes électorales proposées, y compris la reconstitution de la CENI, sont restées au point mort, laissant l’administration des élections sous le contrôle du CCM.

Ces revirements coïncident avec la politique interne du CCM qui a vu la résurgence des partisans de la ligne dure de Magufuli à des postes de direction au sein du parti. Confrontée à des défis internes et elle-même « étrangère » parmi les factions du CCM, Samia a manifestement ressenti le besoin de consolider sa base en s’accommodant du camp Magufuli, plutôt que de se débarrasser de ces influences.

Le combat pour la direction du CCM témoigne de désaccords profonds sur la place du parti dans la société tanzanienne. Le CCM et son précurseur, l’Union nationale africaine tanzanienne, sont au pouvoir depuis l’indépendance de la Tanzanie en 1961. À l’instar d’autres partis de libération en Afrique, certains membres du CCM se sentent autorisés à gouverner indéfiniment et, enhardis par le mandat de Magufuli, sont prêts à recourir à toutes les tactiques nécessaires pour maintenir leur hégémonie absolue.

Le combat pour la direction du CCM témoigne de désaccords profonds sur la place du parti dans la société tanzanienne.

D’autres membres du parti estiment que le CCM peut rivaliser par des moyens démocratiques et se présenter sur la base d’une plate-forme de projets d’infrastructure, d’une croissance économique forte et d’une responsabilité fiscale. Compte tenu de sa longue histoire et de ses avantages organisationnels, cette faction estime que le CCM peut s’accommoder de réformes démocratiques, ce qui renforcerait la légitimité interne du parti et élargirait les perspectives d’investissements et de partenariats internationaux. Il s’agit notamment des anciens du parti qui se sont alignés sur la vision de Julius Nyerere et qui continuent d’être très influents. Ils constituent la conscience du CCM et font pression pour un consensus qui s’éloigne de l’inclinaison draconienne de Magufuli. Samia offre également à la CCM une histoire passionnante, celle de la première femme élue à la présidence de la Tanzanie.

Les élections de 2025 seront le point de mire de cet exercice d’équilibre à plusieurs niveaux. En surface, la question se posera de savoir dans quelle mesure l’opposition pourra contester l’élection et quelle sera la crédibilité du résultat. En filigrane, toutefois, se pose la question de savoir comment Samia naviguera entre les différentes factions du CCM. Les résultats collectifs de cette exercice équilibriste façonneront la trajectoire de la démocratie tanzanienne et définiront ce à quoi ressemblera le retour à une politique « normale » dans l’ère post-Magufuli du pays.


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Flag of Côte d'IvoireCôte d’Ivoire
Élection présidentielle, octobre

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Les élections en Côte d’Ivoire s’annoncent comme l’une des plus transparentes et des plus importantes pour le continent en 2025. Outre le président Alassane Ouattara, de nombreux candidats de renom sont susceptibles de se disputer la présidence de ce pays de 32 millions d’habitants, moteur économique de l’Afrique de l’Ouest. Avec plusieurs candidats susceptibles de remporter la victoire, le résultat est loin d’être prévisible, ce qui est un indicateur positif de la compétitivité du scrutin.

Le nombre de candidats sérieux est une indication de l’ouverture et de la compétitivité croissantes du système politique ivoirien.

La position relativement favorable de la Côte d’Ivoire à l’approche des élections de 2025 est remarquable, compte tenu de son passé de violence électorale. Les violences qui ont suivi la crise électorale de 2010 ont effet provoqué près de 3 000 morts après que le président de l’époque, Laurent Gbagbo, a refusé de reconnaître sa défaite. Cela avait entraîné une descente dans un conflit armé jusqu’à ce que le vainqueur légitime, Alassane Ouattara, prenne le pouvoir en 2011. Une guerre civile avait sévi entre 2002 et 2007, déclenchée par le refus du chef du gouvernement militaire de transition, Robert Guéï, de se retirer après avoir perdu les élections de 2000 face à Laurent Gbagbo. Ce conflit a alimenté les divisions ethniques opposant le sud au nord du pays.

La rivalité entre Ouattara et Gbagbo a longtemps dominé la politique ivoirienne, semblant maintenir le pays dans l’impasse — et dans la crainte d’un retour à la polarisation violente du début des années 2000. Les efforts déployés par les deux parties pour engager un dialogue constructif ont facilité le retour de M. Gbagbo, 79 ans, en Côte d’Ivoire en 2021, à la suite de son acquittement par la Cour pénale internationale par laquelle il avait été accuse d’avoir  participé à des crimes contre l’humanité liés à la crise politique de 2010-2011. Dans un esprit de réconciliation, Ouattara a accordé à Gbagbo tous les avantages d’un ancien président.

Bien que la plupart des partis n’aient pas encore désigné leurs candidats, le champ d’action est rempli de personnages politiques de premier plan considérés comme des prétendants sérieux.

Tout porte à croire que M. Ouattara, 83 ans, briguera un quatrième mandat. Lors de l’élection de 2020, il avait initialement décidé de céder sa place au Premier ministre de l’époque, Amadou Coulibaly, pour représenter le parti au pouvoir, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Cependant, après la mort soudaine de Coulibaly à l’approche des élections, Ouattara avait repris le flambeau. Un arrêt de la Cour constitutionnelle a soutenu son affirmation selon laquelle la révision constitutionnelle de 2016 avait remis à zéro le compteur de la limitation des mandats, lui permettant de se présenter pour deux mandats supplémentaires.

Ivorians queue outside of a polling station in order yo cast their ballot in Port Bouet during local elections in Abidjan. (Photo: AFP)

Des Ivoiriens font la queue devant un bureau de vote pour voter à Port Bouet lors des élections locales à Abidjan. (Photo : AFP)

Si M. Ouattara choisit de ne pas briguer un nouveau mandat, le RHDP pourrait présenter une cohorte de candidats plus jeunes, dont le président de l’Assemblée nationale, Adama Bictogo, ou Cissé Bacongo, gouverneur du district autonome d’Abidjan et ancien ministre de l’Éducation.

L’ancien Premier ministre ivoirien Pascal Affi N’Guessan est pressenti pour être le candidat du Front populaire ivoirien (FPI) à l’élection présidentielle. M. N’Guessan s’était déjà présenté à la présidence en 2015 et en 2020.

Tidjane Thiam, ancien ministre des Finances et ancien directeur général de la banque suisse Crédit Suisse, est un candidat probable du Parti démocratique de Côte d’Ivoire — Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA).

Simone Gbagbo, ancienne première dame de Côte d’Ivoire et ex-épouse de l’ancien président Laurent Gbagbo, a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle de 2025 sous la bannière de son parti, le Mouvement des générations capables (MGC). Comme son ex-mari, Simone Gbagbo a été acquittée par la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité et a ensuite été graciée dans le cadre d’une déclaration d’amnistie de Ouattara en 2018.

La situation des médias s’est également améliorée ces dernières années, même si les journalistes font encore l’objet d’intimidations.

Laurent Gbagbo, le président de 2000 à 2011, a également déclaré son intention de se représenter sous la bannière du Parti des peuples africains — Côte d’Ivoire (PPA-CI). Il n’est cependant pas autorisé à concourir en raison de sa condamnation à une peine de prison pour avoir pillé la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) lors de la crise postélectorale de 2011. Bien que gracié par le président Ouattara en 2022, M. Gbagbo n’a pas été amnistié, ce qui l’empêche de figurer sur les listes électorales.

Guillaume Soro, un ancien premier ministre de Ouattara, a également annoncé son intention de se présenter à l’élection de 2025, bien qu’il soit en exil depuis 2019, en raison de sa condamnation par contumace en Côte d’Ivoire pour « atteinte à la sûreté de l’État » et « recel de détournement de fonds publics ».

Le nombre de candidats sérieux est une indication de l’ouverture et de la compétitivité croissantes du système politique ivoirien. La politique tumultueuse du pays au cours des cycles précédents et les nombreuses personnalités fortes laissent cependant présager de nombreuses intrigues et gros titres tout au long de l’année.

Les récentes élections législatives se sont largement déroulées de manière transparente et crédible. Lors des élections législatives de mars 2021, le RHDP a perdu 28 sièges, ramenant son total à 139 sur les 251 que compte la chambre. Lors des élections municipales et régionales de septembre 2023, le RHDP a remporté 123 des 201 municipalités et 25 des 31 régions. Alors que le PPA-CI de Laurent Gbagbo affirme que les votes ont été truqués, le problème majeur semble être la perte d’influence du PPA-CI, qui, depuis 2011, a boycotté toutes les élections .

De même, la Commission électorale indépendante a supervisé une campagne d’inscription des électeurs robuste et simplifiée à la fin de l’année 2024, qui a permis d’ajouter 4,5 millions de nouveaux électeurs aux listes électorales. La campagne a été prolongée d’une semaine à la demande des partis d’opposition afin de permettre à un plus grand nombre de citoyens de s’enregistrer.

Electoral commission officials check the voter's roll as they count votes at a polling station in Abidjan on October 31, 2020. (Photo: AFP/Issouf Sanogo)

Des membres de la commission électorale vérifient les listes électorales et comptent les votes dans un bureau de vote à Abidjan, le 31 octobre 2020. (Photo : AFP/Issouf Sanogo)

Les conditions pour les médias se sont également améliorées ces dernières années, bien que les journalistes fassent encore l’objet d’intimidations au cours de leurs enquêtes. Les journalistes craignent également qu’un projet de loi sur les communications électroniques, en cours d’examen par le Parlement, ne soit utilisé à mauvais escient pour entraver leur travail.

En étroite collaboration avec la société civile, la Haute Autorité pour la bonne gouvernance (HABG) du gouvernement ivoirien a également déployé des efforts soutenus pour lutter contre la corruption au cours de la dernière décennie. Cela s’est traduit par une amélioration constante de la place de la Côte d’Ivoire dans l’indice de perception de la corruption de Transparency International, qui se situe aujourd’hui à 87 sur 180 pays, soit dans le premier tiers des pays africains.

Pour faire face à la menace croissante des groupes extrémistes violents qui traversent la frontière depuis le Burkina Faso et le Mali, le gouvernement ivoirien a lancé son Programme spécial du Nord en 2022. Alliant une présence sécuritaire accrue dans les régions frontalières du nord avec des investissements dans les infrastructures et des programmes sociaux ciblant les jeunes chômeurs, ce programme a contribué à atténuer l’activité des islamistes militants en Côte d’Ivoire. Citant la modernisation de ses forces armées et reflétant la confiance en soi croissante du pays, le président Ouattara a annoncé publiquement, au début de 2025, le retrait négocié de 600 militaires français qui étaient stationnés depuis longtemps en Côte d’Ivoire.

Les efforts déployés par la Côte d’Ivoire pour renforcer ses institutions démocratiques au cours de la dernière décennie ont généré des avantages tangibles pour les citoyens ivoiriens. L’économie a connu une croissance moyenne de 5 % par an au cours de cette période, portant le revenu réel par habitant à plus de 2 700 dollars, soit une augmentation de 80 % depuis 2011.

De plus en plus, la Russie tente de semer la discorde en parrainant des personnalités locales influentes qui jouissent d’une plus grande crédibilité auprès des populations locales.

Les influences extérieures seront peut-être le principal obstacle aux élections ivoiriennes de 2025. Afin d’asseoir son influence sur des régimes autocratiques non redevables, la Russie a systématiquement tenté de saper les processus démocratiques sur le continent. Les campagnes agressives de manipulation de l’information visant à semer la méfiance à l’égard du gouvernement et la désillusion envers la démocratie en sont un élément clé. La Côte d’Ivoire est dans le collimateur de ces efforts, car c’est un pays francophone d’Afrique de l’Ouest, favorable à la démocratie, en faisant une cible privilégiée des efforts d’influence de la Russie.

De plus en plus, la Russie tente de semer la discorde en parrainant des personnalités locales influentes qui jouissent d’une plus grande crédibilité auprès des populations locales. Parfois, cela se fait par l’intermédiaire d’un parti politique qui peut tirer profit des sentiments antigouvernementaux, un angle que certains membres du parti PPA-CI de Laurent Gbagbo semblent employer. Parmi la constellation d’organisations de façade russes ou parrainées par la Russie en Côte d’Ivoire figurent Solidarité panafricaniste Côte d’Ivoire, Alternative Citoyenne Ivoirienne, Jeunesse panafricaine Côte d’Ivoire, Mouvement Citoyen Panafricain Sursaut Africain, et Total Support for Vladimir Putin in Africa.

Ayant observé l’impact des campagnes de manipulation de l’information menées par la Russie ailleurs en Afrique de l’Ouest, le gouvernement ivoirien et les groupes de la société civile se sont organisés pour contrer ces récits intentionnellement déstabilisants en sensibilisant le public et en améliorant leur capacité à dénoncer ces tactiques.

L’élection présidentielle de 2025 en Côte d’Ivoire bénéficie d’années de travail encore en cours pour créer des institutions démocratiques solides. L’évolution de ces institutions au cours de l’année sera une question centrale à suivre. Pour que le processus réussisse, il faudra que les candidats en lice fassent preuve de leadership en exposant leur vision de l’avenir du pays sans tomber dans le piège des récits polarisants qui visent à remettre en cause les nombreux progrès réalisés par le pays au cours de la dernière décennie.


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Flag of Guinea-BissauGuinée-Bissau
Élection présidentielle, novembre-décembre

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En 2025, le paysage  électoral de la Guinée-Bissau demeure marqué par l’agitation et l’incertitude — un lieu familier pour ce pays côtier d’Afrique de l’Ouest de 2 millions d’habitants qui a longtemps patiné d’une crise à l’autre.

La Guinée-Bissau devait se rendre aux urnes en décembre 2024, mais le 4 novembre, le président Umaro Sissoco Embaló a reporté les élections. Les justifications, opaques, de ce report sont contestées par l’opposition comme étant inconstitutionnelles, ce qui perpétue une grande incertitude quant à la date des élections législatives et présidentielles.

Le président Umaro Sissoco Embaló. (Photo : DakarActu TV)

Certains observateurs affirment que le mandat électoral d’Embaló se termine le 27 février 2025 et que des élections doivent être organisées avant cette date. Embaló soutient que son mandat se termine en septembre et que les élections présidentielles peuvent donc avoir lieu en novembre. Il semble qu’Embaló cherche à faire en sorte que les élections législatives se tiennent avant les élections présidentielles, dans l’espoir de regagner une majorité qui pourrait l’aider à s’imposer lors d’une élection présidentielle plus tard dans l’année.

Des visions concurrentes du rôle de l’exécutif dans le système semi-présidentiel bissau-guinéen sont au cœur du dysfonctionnement de la gouvernance en Guinée-. En effet, dans ce système, le président est le chef de l’État alors que le premier ministre, choisi par le parlement, est le chef du gouvernement. C’est ce dernier qui choisit les ministres et fixe l’ordre du jour. Ce système a été adopté dans la Constitution de 1993 pour renforcer la séparation des pouvoirs entre l’exécutif, le parlement et le judiciaire. Ces mesures avaient fait suite  au règne de 19 ans du président João Bernardo Vieira qui avait concentré l’autorité au sein de l’exécutif et facilité ainsi les abus de pouvoir et l’impunité.

Le président du Parlement Domingos Simões Pereira et sa Plataforma Aliança Inclusiva-Terra Ranka (PAI-TR) — une coalition de petits partis s’associant au pilier du parti de libération, le Partido Africano da Independência da Guiné e Cabo Verde (PAIGC) — ont proposé des réformes constitutionnelles lors des élections législatives de juin 2023 afin de clarifier la nature des pouvoirs appartenant au président et au Premier ministre et de limiter les rivalités entre les deux rôles. Embaló, issu de l’ancien système présidentiel centré sur l’État et proche de l’armée, espérait au contraire obtenir une majorité parlementaire pour faire passer sa vision revancharde du pouvoir présidentiel dans une nouvelle constitution.

Le PAI-TR a remporté la victoire avec une majorité de 54-48 au Parlement. La coalition bénéficie également du soutien de 12 autres députés issus de partis alignés. Le résultat a effectivement limité la vision extensive de l’autorité présidentielle d’Embaló.

Embaló a réagi à ce revers parlementaire en créant un cabinet fantôme de « conseillers du président », composé d’anciens ministres et de responsables de la sécurité ayant des liens étroits avec l’armée et la police. Embaló a également tenté de nier l’autorité législative en dissolvant le Parlement à deux reprises (y compris en décembre 2023) en alléguant des tentatives de coup d’État, et en limogeant le Premier ministre élu par le Parlement, Geraldo Martins. L’opposition a été empêchée d’organiser des rassemblements, tandis que les partis alignés derrière celui d’Embaló ont été libres de se réunir.

Les actions d’Embaló ont perpétué la paralysie du gouvernement.

Ces actions ont perpétué la paralysie du gouvernement. Bien que le Parlement ait officiellement repris ses travaux en septembre 2024, les députés ont été empêchés d’entrer dans l’Assemblée nationale, la maintenant donc fermée — un résultat que M. Pereira a qualifié de coup d’État constitutionnel.

Le report des élections présidentielles de 2024 par Embaló s’inscrit dans un schéma où ce dernier se débarrasse des processus institutionnels établis dans le but de créer des mécanismes alternatifs qui prolongent son mandat et lui permettent d’interpréter l’autorité exécutive de manière expansive.

La confusion qui règne lors des élections s’inscrit dans une longue période d’instabilité en Guinée-Bissau.

La Guinée-Bissau a connu quatre coups d’État et plus d’une douzaine de tentatives de coup d’État, tout en subissant 23 ans de gouvernement direct ou militaire depuis son indépendance du Portugal en 1973. De même, des coups de feu et des rumeurs de tentatives de coup d’État ont été signalés dans la capitale du pays, Bissau, depuis le report des élections de 2024 par Embaló en novembre.

Un ancien général de brigade de l’armée, Embaló s’était présenté à la tête du Movimento para Alternância Democrática, Grupo dos 15 (Madem G15) — un parti dissident du PAIGC — lors des élections présidentielles de 2019. Il avait obtenu 53,5 % des voix contre 46,5 % pour Pereira dans des résultats contestés.

En Guinée-Bissau, l’autorité gouvernementale est souvent synonyme de contrôle du patronage. Cela va du trafic de stupéfiants à l’exploitation forestière illégale, en passant par le contrôle des marchés publics et le détournement des recettes fiscales. La Guinée-Bissau est depuis longtemps considérée comme la principale plaque tournante du trafic de cocaïne en Afrique de l’Ouest pour les cartels de la drogue d’Amérique latine. Il semblerait que la contrebande de stupéfiants ait augmenté sous Embaló, la dernière grande saisie de drogue datant de 2024. La Guinée-Bissau est classée 158e sur 180 pays dans le monde selon l’indice de perception de la corruption de Transparency International.

Cet héritage de favoritisme est profondément lié aux services de sécurité.

Cet héritage de favoritisme est profondément lié aux services de sécurité. L’armée et la police ont toujours été utilisées par les dirigeants politiques pour protéger leurs intérêts politiques. Cette politisation a, à son tour, incité les dirigeants militaires à utiliser leurs positions officielles pour poursuivre leurs intérêts financiers et, parfois, à monter des coups d’État contre leurs maîtres politiques — un autre facteur de la volatilité de la Guinée-Bissau.

L’instabilité persistante de la Guinée-Bissau a eu un impact sur la qualité de vie de ses citoyens. Environ deux tiers de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et, avec un taux de mortalité infantile de 50 décès pour 1 000 naissances vivantes, le pays est à la traîne du continent pour de nombreuses mesures de développement. L’amélioration des services de santé et d’éducation a été un élément clé de la plate-forme de campagne victorieuse du PAI-TR lors des élections législatives de 2023 et sera probablement aussi au centre des élections présidentielles de 2025.

L’élection de 2025 a donc des implications significatives non seulement pour les priorités politiques de la Guinée-Bissau, mais aussi pour son modèle de gouvernement et son système d’équilibre des pouvoirs.

People wait outside a polling station in Bissau early on November 24, 2019, as part of the presidential election in Guinea-Bissau.

Des personnes attendant à l’extérieur d’un bureau de vote à Bissau tôt le 24 novembre 2019, lors de l’élection présidentielle en Guinée-Bissau. (Photo : AFP)

Malgré sa longue tradition d’instabilité politique, la Guinée-Bissau a également connu des élections et des alternances relativement compétitives. Cela est dû, en partie, à la composition professionnelle de la Commission électorale nationale (CEN). Le secrétariat exécutif de la CEN est composé de magistrats nommés par le Conseil supérieur de la magistrature et élus par les deux tiers du Parlement pour un mandat de quatre ans. Les dissolutions du Parlement ont toutefois empêché de pourvoir les postes vacants au sein du secrétariat exécutif, ce qui a renforcé l’incertitude quant aux préparatifs des élections. Une situation similaire empêche la Cour suprême d’atteindre le quorum nécessaire pour valider les candidatures.

La société civile bissau-guinéenne est une colle qui aide le pays à surmonter les nombreuses tempêtes politiques auxquelles il est confronté, y compris les attaques violentes contre les journalistes  critiques du gouvernement. Malgré les nombreux revers, les acteurs de la société civile continuent de faire pression pour obtenir des réformes qui institutionnaliseraient une plus grande transparence et une meilleure surveillance des fonds publics et de l’élaboration des politiques publiques afin qu’ils servent les intérêts des citoyens.

Le rôle actif de la société civile dans les élections de 2025 sera déterminant pour la crédibilité des résultats.

La Guinée-Bissau a également bénéficié au fil des ans d’engagements régionaux et internationaux. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, dirigée par le Sénégal, la Communauté des pays lusophones, l’Union européenne, le Portugal, la France et le Fonds monétaire international se sont tous engagés à aider la Guinée-Bissau à se stabiliser. Entre autres initiatives, cela s’est traduit par le déploiement d’opérations de paix prolongées, un soutien financier et la participation à des négociations avec des tiers.

Au-delà de la question de savoir si et quand les élections législative et présidentielle auront lieu, la grande histoire électorale de la Guinée-Bissau en 2025 sera de savoir comment créer et maintenir une dynamique en faveur d’un système de gouvernement stable et des garde-fous institutionnels contre les abus de pouvoir de l’exécutif.


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République centrafricaine
Élection présidentielle et législative, décembre

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Le référendum constitutionnel de 2023 en République centrafricaine (RCA) a donné un aperçu de ce que l’on peut attendre de l’élection présidentielle de 2025. À mi-chemin de son deuxième et dernier mandat présidentiel, selon les limites imposées par la constitution, le président Faustin-Archange Touadéra a entamé une révision constitutionnelle pour supprimer cette limite  et contourner cette rambarde contre la concentration du pouvoir. Les efforts visant à contourner la limitation des mandats s’inscrivent presque toujours dans un contexte d’autres mesures visant à affaiblir l’État de droit. Dans le cas de Touadéra, il s’agissait notamment de faire de la Cour constitutionnelle une institution contrôlée par le gouvernement, de permettre au président de nommer des juges supplémentaires à la Cour suprême et de supprimer le rôle de l’Assemblée nationale dans le contrôle des contrats miniers. Les mandats présidentiels passeraient également de 5 à 7 ans.

Les efforts visant à contourner la limitation du nombre de mandats s’inscrivent presque toujours dans le cadre d’autres mesures visant à affaiblir l’État de droit.

Lorsque la présidente de la Cour constitutionnelle, Danièle Darlan, a jugé que le projet de référendum constitutionnel était illégal, Touadéra l’a remplacée. La campagne autour du référendum qui a suivi a été unilatérale, les critiques du coup de force — y compris les politiciens, les médias et les acteurs civils — ayant été intimidés, détenus et empêchés de se rassembler. Touadéra et ses sponsors russes, quant à eux, ont dominé les médias et les réseaux sociaux en faveur du référendum. Cela a produit le résultat escompté, en fournissant à Touadéra une feuille de vigne, derrière laquelle il se présenterait à nouveau en 2025.

Le référendum avait lui aussi suivi le modèle des tactiques d’intimidation déjà utilisées lors des élections présidentielles de 2020.

Le paysage politique de la RCA n’a fait que se détériorer depuis, avec peu de prétention à l’équité. Des dirigeants de l’opposition, tels que le député Dominique Yandocka, ont été emprisonnés en dépit de leur immunité parlementaire. Des militants des droits civils, comme Crépin Mboli Goumba, ont été arrêtés pour diffamation et outrage à magistrat. (Mboli Goumba a ensuite été détenu au tristement célèbre Office central de répression du banditisme pour avoir fourni des documents sur la corruption, impliquant quatre juges et le ministre de la Justice). Les partis d’opposition sont interdits de rassemblement et discrédités par des campagnes de désinformation organisées qui les accusent de soutenir des groupes armés rebelles. Les critiques font également l’objet d’une surveillance, d’intimidations en ligne et de violences physiques de la part des milices de jeunes associées au parti au pouvoir, le Mouvement des cœurs unis (MCU). L’un de ces groupes, Les requins, effectue des patrouilles armées et passe à tabac les personnes soupçonnées d’être des partisans de l’opposition. Son fondateur Héritier Doneng a été nommé ministre de la Promotion de la jeunesse et des sports en 2024.

Faustin Archange Touadéra (C) greets his supporters at an electoral rally, escorted by the presidential guard and Russian mercenaries, in 2020. (Photo: AFP/Alexis Huguet)

Faustin Archange Touadéra (au centre) salue ses partisans lors d’un meeting électoral, escorté par la garde présidentielle et des mercenaires russes. (Photo : AFP/Alexis Huguet)

L’intimidation des partis d’opposition s’est également accompagnée d’un rétrécissement de l’espace médiatique. Les journalistes et les médias qui soulèvent des préoccupations concernant l’insécurité permanente ou l’influence indue de la Russie (dont les mercenaires servent de garde présidentielle à Touadéra tandis qu’un Russe occupe le poste de conseiller à la sécurité nationale) font l’objet de menaces, d’arrestations ou de fermetures. En conséquence, la plupart des médias s’abstiennent désormais de publier toute critique, que ce soit à l’égard du gouvernement ou de son partenariat avec la Russie. À l’image des opérations russes de manipulation d’information menées ailleurs en Afrique, la Galaxie panafricaine sponsorisée par la Russie mène des campagnes agressives sur les médias sociaux afin d’intimider les critiques du gouvernement centrafricain et de les empêcher d’exprimer leurs opinions. Cela inclut la diffusion en ligne d’informations privées sur les critiques. Les forces russes surveilleraient également les mouvements des critiques à l’aide de drones.

Voters wait as a electoral commission official checks a voter's roll at the polling station in Bangui. (Photo: AFP/Camille Laffont)

Des électeurs attendent qu’un fonctionnaire de la commission électorale vérifie les listes électorales dans un bureau de vote à Bangui. (Photo : AFP/Camille Laffont)

La Russie a profité de sa prise de contrôle effective du gouvernement Touadéra pour s’emparer des ressources naturelles de la RCA, notamment des concessions d’or, de diamants et  forestières. Cela a conduit à l’annexion effective du territoire autour de ces concessions, avec des attaques contre les orpailleurs artisanaux et l’expulsion des communautés locales de leurs villages. Parmi les incidents recensés figurent l’attaque de la mine d’or de Ndassima en 2021, où les forces de Wagner ont tué des mineurs pour prendre le contrôle du site. Des attaques similaires ont eu lieu dans l’Aïgbado et à Yanga au début de l’année 2022, faisant au moins 70 morts. Les survivants sont confrontés à un danger permanent, des disparitions et des meurtres ayant été signalés sur les nouveaux sites d’exploitation minière. Avec le projet russe d’établissement d’une base militaire permanente dans le pays, la RCA offre aux autres pays africains des leçons sur le risque de perte de souveraineté associé à l’extension de l’ingérence politique de la Russie.

Le recul démocratique de la RCA — et les possibilités réduites d’autocorrection démocratique qui en découlent — a des conséquences directes sur le bien-être des citoyens. La RCA est classée 149e sur 180 pays dans l’indice de perception de la corruption de Transparency International, et on estime que 95,5 % de sa production d’or est exportée en contrebande. Ce niveau de corruption limite considérablement les revenus qui pourraient être investis dans des initiatives de développement, tout en alimentant les réseaux de trafiquants criminels qui perpétuent l’instabilité de la RCA.

Malgré les risques et les nombreux obstacles à un processus électoral libre et équitable, les partis d’opposition continuent de proposer des voies alternatives.

La situation sécuritaire en RCA reste volatile, en particulier dans le nord-ouest et l’est du pays, où les groupes armés se disputent le contrôle des ressources naturelles et des taxes sur les routes principales. La menace croissante posée par ces groupes a entraîné une augmentation de 83 % du nombre de victimes civiles au cours de l’année écoulée. Le soutien de la Russie et des Émirats aux forces de soutien rapide des rebelles du Soudan voisin, via la RCA, ajoute une couche régionale d’instabilité au déclin de la gouvernance redevable en RCA.

Malgré les risques et les nombreux obstacles à un processus électoral libre et équitable, les partis d’opposition continuent de proposer des voies alternatives pour la RCA. Il s’agit notamment des membres du parti au pouvoir qui ont été mis à l’écart et qui se positionnent comme une alternative, comme Henri-Marie Dondra, un ancien premier ministre et ministre des Finances. Ces efforts de réforme méritent une plus grande attention régionale et internationale si l’on veut briser le cycle croissant de l’impunité. À défaut, la trajectoire politique de la RCA aura des répercussions plus larges sur l’instabilité, le trafic illicite et l’influence des acteurs extérieurs dans la région.


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Guinea flagGuinée
Élection présidentielle et législative, 2025

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La junte militaire dirigée par celui qui n’était que colonel Mamadi Doumbouya a annoncé son intention d’organiser des élections présidentielles et législatives reportées en 2025. Cette décision intervient après que l’armée n’a pas réussi à organiser les élections promises en décembre 2024 et que la junte n’a fait preuve que de peu d’engagement en faveur d’une transition vers un gouvernement démocratique.

La feuille de route de la junte guinéenne pour la transition a toujours manqué de transparence, de respect des délais et d’engagements budgétaires adéquats.

La junte a saisi le pouvoir des mains du premier président démocratiquement élu de Guinée, Alpha Condé, en septembre 2021.

On s’attend à ce que Doumbouya se présente à la présidence lors des élections prévues, bien que la junte ait déclaré à plusieurs reprises que tous les membres de l’autorité militaire de transition ne pourraient pas faire partie d’un nouveau gouvernement.

Pour ouvrir la voie à la candidature de Doumbouya, la junte devrait organiser un référendum constitutionnel en mai 2025 qui fixerait les conditions de l’élection. Les membres de la junte se réfèrent désormais à Doumbouya comme président de la République, et non plus comme président de la transition, comme c’était le cas auparavant.

Le changement de tactique de la junte en faveur de la tenue d’élections semble viser à suivre le modèle élaboré par le général Mahamat Déby au Tchad, qui a supervisé un dialogue national hautement orchestré, un référendum constitutionnel autorisant les dirigeants de la junte à se présenter aux élections, puis des élections superficielles en 2024.

La feuille de route de transition en dix points négociée par la junte guinéenne avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a toujours manqué de transparence, de respect des délais et d’engagements budgétaires adéquats. Cela a conduit de nombreux dirigeants de la société civile à remettre en question l’engagement de la junte en faveur de la transition.

Le chef de la junte guinéenne, Mamadi Doumbouya (au centre). (Photo : Aboubacarkhoraa)

Ce point de vue est renforcé par la militarisation croissante du gouvernement guinéen. En 2022, Doumbouya a remplacé les 34 préfets civils du pays par des officiers militaires, retardant ainsi la conversion à la vie civile. En mars 2024, Doumbouya a dissous les 342 conseils municipaux élus du pays, nommant directement leurs 3 000 remplaçants. Entre autres responsabilités, les conseils municipaux sont normalement chargés d’organiser les élections.

Les principaux partis politiques et organisations de la société civile guinéenne, regroupés sous la bannière des Forces vives de Guinée (FVG), ont organisé des manifestations périodiques (même si celles-ci sont interdites depuis 2022) contre le contrôle unilatéral et opaque du processus de transition par la junte. Les dirigeants de l’opposition soutiennent que tout processus d’administration des élections ou d’inscription sur les listes électorales devrait être géré par des organismes indépendants afin de limiter les conflits d’intérêts. Selon eux, toute réforme constitutionnelle devrait pareillement attendre la mise en place d’un gouvernement légitime et démocratiquement élu.

La junte a répondu à ces manifestations par une répression violente qui a fait des dizaines de morts. L’armée a appliqué des tactiques tout aussi sévères en suspendant plus de 50 partis d’opposition et en considérant les autres comme étant « en observation ». En revanche, les rassemblements organisés pour soutenir Doumbouya sont autorisés.

Trois membres de l’opposition guinéenne — Oumar Sylla (également connu sous le nom de Foniké Menguè), Mamadou Billo Bah et Mohamed Cissé — ont été arrêtés au domicile de Menguè à Conakry le 9 juillet 2024 et emmenés dans un centre de détention à Kissa, une île au large de Conakry, où ils auraient été torturés. Si Cissé a finalement été libéré, Menguè et Bah n’ont toujours pas été retrouvés. Ces enlèvements s’inscrivent dans le cadre d’une escalade du harcèlement, des emprisonnements et des procès contre les critiques de la junte, notamment le célèbre rappeur Djanii Alfa. Toujours en 2024, le dirigeant de l’opposition Aliou Bah a été arrêté par des hommes en uniforme et rapidement condamné à deux ans de prison pour « offense » à Doumbouya.

La résistance au régime militaire met en évidence la résilience de la société civile et du mouvement démocratique guinéens.

Les membres du barreau guinéen se sont mis en grève pour protester contre les arrestations arbitraires et les détentions illégales de citoyens guinéens.

L’espace des médias se rétrécit également, ce qui limite l’entrée et la sortie d’informations en Guinée. La junte a imposé un accès limité à l’internet, empêché des chaînes de télévision et des stations de radio d’émettre et a poursuivi la répression contre les médias privés indépendants. Sékou Jamal Pendessa, secrétaire général de l’Union des journalistes professionnels de Guinée, a été condamné en février 2024 à 6 mois de prison pour avoir organisé une manifestation et menacé l’ordre public et la dignité des personnes par le biais des technologies de l’information. En juillet, deux régulateurs des médias, Djene Diaby et Tawel Camara, membres de la Haute Autorité de Communication (13 membres), ont été reconnus coupables de diffamation envers le chef de l’État après avoir affirmé que la junte avait soudoyé les dirigeants de deux médias populaires (interdits depuis) en échange d’une couverture médiatique positive.

Cette résistance au régime militaire témoigne de la résilience de la société civile et du mouvement démocratique guinéens. La Guinée a été l’un des derniers pays africains à organiser des élections multipartites concurrentielles, qui n’ont eu lieu qu’en 2010. Cette étape n’a été franchie qu’après le tristement célèbre massacre de 2009 de plus de 150 manifestants civils et le viol de dizaines de femmes orchestrés par le gouvernement militaire de Moussa Dadis Camara dans le stade de Conakry.

Des citoyens envahissent les rues après que la coalition d’opposition déclarée illégale, le Front national pour la défense de la constitution (FNDC), a appelé à des manifestations contre la junte au pouvoir à Conakry, le 20 octobre 2022. (Photo : AFP)

Le rejet du régime militaire en Guinée par les citoyens est fondé sur un long héritage d’autorité répressive et irresponsable. Les Guinéens ont beaucoup souffert sous le règne dictatorial de 25 ans (1958-1984) d’Ahmed Sékou Touré, suivi par le régime de 24 ans (1984-2008) du général Lansana Conté. Ces épreuves et ces droits acquis de hautes luttes ont gravé dans la psyché guinéenne un profond engagement en faveur de la démocratie.

Sous la junte de Doumbouya, la Guinée souffre d’une aggravation des tensions économiques. L’insécurité alimentaire aiguë a grimpé en flèche, atteignant environ 11 % des 14 millions de Guinéens (contre 2,6 % en 2020). Plus d’un million de Guinéens sont aujourd’hui confrontés à une crise alimentaire. Il s’agit de l’un des pays d’Afrique où l’augmentation de la population confrontée à une insécurité alimentaire aiguë a été la plus forte au cours de l’année écoulée. Les pénuries de carburant sont devenues chroniques et, avec une inflation annuelle de 11 %, l’accès aux produits de base devient de plus en plus difficile.

Le retour à une trajectoire démocratique permettrait au pays de renouer avec l’investissement, le développement et la croissance économique.

Le retour à une trajectoire démocratique permettrait au pays de renouer avec l’investissement, le développement et la croissance économique. Au cours de sa décennie de progrès démocratique, la Guinée avait réalisé un taux de croissance économique annuel moyen par habitant de 2,9 %, corrigé de l’inflation. En comparaison, la croissance économique a été inférieure à 1 % au cours des 25 années précédant 2010.

Le retour à un régime démocratique civil permettrait également à l’armée guinéenne de bénéficier d’un éventail plus large de financements et de formations dans le cadre de la coopération en matière de sécurité, ce qui pourrait s’avérer essentiel dans la mesure où l’insurrection islamiste au Mali se rapproche de plus en plus de la frontière septentrionale de la Guinée.

On peut s’attendre à des interventions russes visant à faire dérailler la transition démocratique guinéenne, étant donné l’implication de longue date de la Russie dans l’exploitation de la bauxite en Guinée, l’influence considérable de la Russie sur les juntes militaires sahéliennes voisines et les efforts délibérés du Kremlin pour saper la démocratie dans d’autres pays d’Afrique.

La réaction des Guinéens face à la tentative de la junte de prolonger son règne s’inscrit dans la continuité du long combat pour la démocratie mené par le pays au cours des décennies qui ont précédé 2010. Tel est le sous-texte des principes du calendrier électoral 2025 de la Guinée. La question clé à surveiller est donc de savoir dans quelle mesure les processus électoraux seront administrés de manière indépendante ou s’il s’agit d’un exercice géré par l’armée qui perpétue le régime militaire sous un nouveau nom.


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Hany Wahila est assistante de recherche au Centre d’études stratégiques de l’Afrique.