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La conférence de l’ANC et le combat pour l’avenir de l’Afrique du Sud

Il reste beaucoup à faire avant de se prononcer sur la future trajectoire de l’ANC et de l’Afrique du Sud. Voici quatre points à surveiller de près au cours de la Conférence nationale.


Réforme ou statu quo: Cyril Ramaphosa (à gauche) a été élu pour succéder à Jacob Zuma à la tête de l'ANC.

Réforme ou statu quo: Cyril Ramaphosa (à gauche) a été élu pour succéder à Jacob Zuma à la tête de l’ANC. Nkosazana Dlamini-Zuma, ancien président de la Commission de l’Union africaine, était considéré comme représentant la continuation de l’héritage de Jacob Zuma. (Photos: GovernmentZA, Babak Fakhamzadeh, GovernmentZA.)

Cyril Ramaphosa, vice-président d’Afrique du Sud, a été élu le 18 décembre lors de la conférence nationale pour succéder au président Jacob Zuma et chef sortant de l’African National Congress (ANC).  Il s’est agi d’une des élections les plus disputées de l’histoire de l’ANC, une période secouée par des mois de contestations juridiques et d’allégations de fraude et d’intimidation. Soutenu par l’aile réformiste du parti, Cyril Ramaphosa est un ancien syndicaliste. Il fut d’autre part le bras droit de Nelson Mandela en tant que négociateur en chef de l’ANC lors des pourparlers qui ont mis fin à l’apartheid.  Il est aussi un des architectes de la constitution d’Afrique du Sud et a été à l’avant-garde des efforts déployés par l’Afrique du Sud pour résoudre les conflits du Burundi, Lesotho, Soudan du Sud et le processus israélo-palestinien. Il était opposé à Nkosazana Dlamini-Zuma, l’ancienne épouse de Jacob Zuma, un poids lourd du parti et ancienne présidente de la Commission de l’Union africaine. Elle est perçue comme représentant l’héritage de Jacob Zuma.

La Conférence nationale a lieu à un moment où l’Afrique du Sud est confrontée à des défis uniques engendrés par un flux continu d’allégations de corruption et d’abus de fonction formulées contre le président Zuma et des hauts responsables gouvernementaux et du parti. Un total de 783 chefs d’inculpation ont été portés contre lui devant les tribunaux et une décision judiciaire récente a rejeté sa demande de clôturer l’enquête sur la corruption à haut niveau impliquant ses associés. Des institutions indépendantes importantes ont été soumises à des pressions croissantes de l’exécutif. Certaines fléchirent tandis que d’autres s’efforcèrent de maintenir leur indépendance.

Pour de nombreux Sud-Africains, par conséquent, la Conférence nationale se trouve à un point crucial entre deux choix possibles : la réforme suivie d’un renouveau de l’ANC plus une trajectoire démocratique pour l’Afrique du Sud ou l’affaiblissement continu de la responsabilité de l’exécutif et de l’ANC. Même si un nouveau dirigeant a maintenant été sélectionné pour le parti, il reste de nombreuses décisions à prendre concernant les trajectoires futures de l’ANC et du pays. Voici quatre points à surveiller de près au cours de la Conférence nationale.

Quel est l’objectif de la Conférence nationale et pourquoi est-elle importante ?

Tenue tous les cinq ans, la Conférence nationale élit les dirigeants des principaux organes du parti, dont le Comité exécutif national (NEC) et ces « six principaux » dirigeants, à savoir le président et le vice-président, le responsable national, le  secrétaire général, le secrétaire général adjoint et le trésorier national. Les postes ont maintenant été pourvus, reflétant une répartition égale et marquée entre les alliés des deux principaux candidats. En voici la liste :

  • Président : Cyril Ramaphosa
  • Vice-président : David Mabuza (allié de Nkosazana Dlamini-Zuma)
  • Responsable national : Gwede Mantashe (allié de Cyril Ramaphosa)
  • Secrétaire général : David Mabuza (allié de Nkosazana Dlamini-Zuma)
  • Secrétaire général adjoint : Jesse Duarte (allié de Nkosazana Dlamini-Zuma)
  • Trésorier général : Paul Mashatile (allié de Cyril Ramaphosa)

Outre l’élection de ses nouveaux dirigeants, la Conférence nationale énonce l’orientation stratégique en matière de politique, d’organisation, de questions d’ordre statutaire concernant le parti et la supervision du gouvernement. Il s’agit de la 54e conférence nationale de l’ANC depuis sa fondation en 1910 et s’inscrit dans un contexte de désillusion croissante à l’égard du parti concernant la hausse de la corruption, la « mainmise de l’État » et l’aggravation des inégalités de revenu.  Il existe également des divisions profondes au sein du parti sur son orientation future.  Les partenaires de l’ANC, le puissant Congrès des syndicats sud-africains (COSATU) et le Parti communiste sud-africain (SACP), ont menacé de quitter si le parti s’abstenait de corriger le cap. De même, des figures emblématiques de la lutte anti-apartheid, communément appelées fidèles d’entre les fidèles, ont réprimandé leur parti pour avoir perdu son sens moral, un sentiment partagé par les réformateurs du parti, la société civile et les responsables religieux.

Les seules autres conférences du parti comparables à celle-ci en termes d’importance des enjeux sont la 52e Conférence nationale de 2007 et la 38e Conférence nationale de 1949.  La première élisit Jacob Zuma et ses partisans aux principaux postes de direction et fut suivie rapidement de l’éviction de Thabo Mbeki de la présidence de l’État. la dernière procéda à l’éviction de la direction modérée du parti à l’instigation des délégués de la jeunesse, Nelson Mandela, Oliver Tambo et Walter Sisulu qui se lancèrent ensuite dans la lutte armée.  La 54e Conférence n’en est pas moins importante. Au centre, se situe une lutte intense pour la direction et les priorités futures du parti.

Des figures emblématiques de la lutte anti-apartheid, communément appelées fidèles d’entre les fidèles, ont réprimandé leur parti pour avoir perdu son sens moral, un sentiment partagé par les réformateurs du parti, la société civile et les responsables religieux.

Orientations stratégiques

La Conférence nationale fut lancée en juillet lorsque l’ANC tint son Congrès national d’orientation, le point culminant d’un processus d’un mois au cours duquel il fut débattu des structures du parti et il fut procédé au peaufinage de neuf documents de travail sur le renouveau organisationnel, « les communications et la bataille des idées », la stratégie et la tactique, la législature et la gouvernance, la paix et la stabilité et la politique étrangère, entre autres.

En 2015, le Conseil général national de l’ANC transforma la section en « unité de base du parti », qui aurait pour rôle de servir de contrepoids à l’influence des structures plus élevées.

En octobre, les nominations aux six principaux postes de dirigeants du NEC furent lancées dans chacune des 3 800 sections locales du parti. En 2015, le Conseil général national de l’ANC transforma la section en « unité de base du parti », qui aurait pour rôle de servir de contrepoids à l’influence des structures plus élevées dans l’élection des responsables du parti et le pilotage de la stratégie de l’organisation. Lors de cette Conférence nationale, par conséquent, les sections locales constituent 90 % des délégués votants, les 10 % restants étant composés des responsables provinciaux, des jeunes, des femmes et des anciens combattants. Une autre décision importante de 2015 a été l’interdiction de la pratique controversée et propice à la corruption de la création de listes (un colistier et des candidats préférés pour les six principaux postes de dirigeant). En conséquence, la sélection du NEC et les discussions politiques à la Conférence nationale sont susceptibles d’être beaucoup plus ouvertes que lors des précédentes conférences.

La décentralisation du processus de sélection des délégués tient compte des enseignements de la 52e Conférence nationale, où les loyalistes de Zuma s’arrogèrent les six principaux postes de responsable et plus de 70 % du NEC. Ce qui revenait à nier le rôle de modération joué historiquement par le parti sur l’exécutif et à créer un précédent dangereux que les réformateurs du parti étaient déterminés à empêcher en 2017. Cette fois-ci, toutes les sections ont participé aux nominations aux différents postes pour assurer que la volonté populaire prévale. Par conséquent, en rupture avec le passé, les nominations provinciales – qui ont lieu après les nominations des sections – doivent respecter les préférences des sections.

Maintenant que les six premiers ont été élus, que faire ensuite?

The real work begins after the selection of the Top Six. The next order of business is the election of members of the 80-member NEC, the party’s highest decision-making body in between conferences. Because the Top Six is split evenly, Ramaphosa and his allies will be constrained in their ability to pursue accountability, reform, and anti-corruption measures—themes they vigorously championed in their campaign. The NEC would, therefore, hold the balance of power since ANC rules and culture disallow the president from forcing through proposals. Zuma, during his tenure, flouted this on several occasions. By far, the most controversial was his sacking of the former Minister of Finance, Pravin Gordhan, in a massive cabinet reshuffle without consulting the party executive. That decision immediately triggered calls for him to resign, with the loudest ones coming from some of his colleagues in the outgoing Top Six. If reformers garner sufficient numbers in the NEC, Ramaphosa’s ticket will be in a better position to deliver on its promises. If not, then progress toward hoped-for reforms is likely to be stymied. As a result, the election of the NEC is even fiercer than the race for the Top Six.

Grâce à la répartition égale des six principaux postes, le Comité exécutif national détiendra les clés du pouvoir.

Une fois le NEC en place, il débattra et adoptera les neuf documents de travail. La composition de ses membres jouera un rôle clé dans la formulation des politiques qui émergeront du processus. Produit tous les cinq ans, le Document de stratégie et tactiques décrit comment la situation internationale ou intérieure facilite ou empêche la réalisation des priorités stratégiques de l’Afrique du Sud. L’autre document de planification expose les priorités politiques dans les affaires africaines et internationales, y compris la participation de l’Afrique du Sud aux missions de maintien de la paix internationales, de même que les problèmes de sécurité et de défense. Une fois débattus et adoptés, les neuf documents constitueront la politique de base de l’ANC jusqu’à la prochaine Conférence nationale en 2022.

Soutenu par l'aile réformiste du parti, Cyril Ramaphosa est un ancien syndicaliste et le bras droit de Nelson Mandela en tant que négociateur en chef de l'ANC dans les pourparlers qui ont mis fin à l'apartheid.

Cyril Ramaphosa était le bras droit de Nelson Mandela en tant que négociateur en chef de l’ANC dans les négociations qui ont mis fin à l’apartheid. (Photo: GovernmentZA.)

Une équipe mettra ensuite en train le processus de collaboration avec les ministères et les organismes ministériels pour assurer l’harmonisation, la surveillance et l’évaluation de la mise en œuvre des politiques. Le nouveau NEC élira aussi un Comité national de travail. Cet organe s’occupera du fonctionnement au quotidien de l’ANC et assurera que les provinces, les régions, les sections et toutes les autres structures de l’ANC, tels que les groupes parlementaires et les équipes de surveillance des politiques du gouvernement, exécutent les décisions de l’ANC.   La composition de cet organe, qui est dirigé par le président de l’ANC, est également importante, car il sert d’autre principal centre de pouvoir dans le parti. Les élections pour faire partie de ce comité seront, par conséquent, l’objet de luttes de longue haleine. Le NEC et le le Comité national de travail exercent une plus grande pression sur les six principaux dirigeants que tout autre organe du parti. Leur composition, par conséquent, est déterminante pour l’équilibre des pouvoirs entre les réformateurs et ceux qui ont tout intérêt à maintenir la trajectoire actuelle.

Au-delà de la Conférence

Une fois la Conférence nationale terminée, le nouveau président de l’ANC devrait donner le ton pour l’orientation du parti et du pays.  Cyril Ramaphosa sera le porte-drapeau du parti lors des élections nationales de 2019. Jusqu’à cette date, il travaillera avec le lekgotla du NEC (réunion d’examen) et le lekgotla du cabinet pour traduire les résolutions politiques adoptées par la Conférence en politiques gouvernementales. Ces deux processus critiques commenceront en janvier 2018. La nouvelle direction devrait ensuite renouveler les structures de l’ANC (y compris les postes non élus) pour veiller à ce que l’organisation intègre ses politiques à celles du gouvernement. En fonction du résultat de la Conférence nationale, la nouvelle équipe aura pour tâche de re-mobiliser ses partenaires (COSATU et SACP), de même que les structures plus vastes de la société. Le vœu de Cyril Ramaphosa de lutter contre la mainmise de l’État, qu’il a déclaré être « la plus grande menace à une gouvernance efficace et au développement économique », pourrait permettre au parti d’améliorer ses perspectives électorales et de restaurer sa position morale.

Expert du CESA


Ressources complémentaires