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Analyse de la seconde vague de COVID-19 en Afrique

2020 a donné lieu à une multiplication des cas de COVID-19, qui ont touché plus de 2,7 millions d’Africains et tué plus de 65 000 personnes. La hausse des cas au cours du dernier trimestre de l’année, combinée à l’émergence de variants plus contagieux, place l’Afrique face à de nouveaux défis pour 2021.


  • En moyenne, 28 des 54 pays du continent ont constaté une hausse des cas de COVID-19 de semaine en semaine depuis début octobre. Cette tendance a donné lieu en moyenne à 22 000 cas signalés par jour en décembre, éclipsant ainsi le pic de 18 000 personnes atteint lors de la première vague de juillet. Environ la moitié du nombre total de cas enregistrés sur le continent l’ont été depuis octobre.
  • La plupart des contaminations se constatent en Afrique du Sud et au Maroc, qui disposent des capacités de dépistage les plus importantes en Afrique. Toutefois, les niveaux records observés concernent tout le continent. Des pays tels que la Tunisie, le Botswana, l’Ouganda, l’Angola, l’Érythrée et le Burkina Faso, par exemple, ont été confrontés à une forte progression des contaminations au cours de la seconde vague, bien que le nombre cumulé de cas demeure à un niveau relativement faible.
  • Les mutations du virus de COVID-19 observées en Afrique du Sud et au Royaume-Uni (et potentiellement au Nigeria) au mois de décembre et qui le rendent nettement plus contagieux font naître des inquiétudes quant à la vitesse de propagation de cette seconde vague. En Afrique du Sud, la souche mutante du virus domine la seconde vague. Bien que la virulence de ces nouveaux variants reste à déterminer, il convient de rappeler que la deuxième vague de la pandémie de grippe espagnole survenue voilà un siècle a été plus généralisée et s’est avérée plus meurtrière en Afrique (et dans d’autres parties du monde) que la première.
  • Cette augmentation pourrait être plus particulièrement dangereuse pour les systèmes de santé publique de l’Angola, du Bénin, du Burkina Faso, de la République démocratique du Congo, du Lesotho, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, du Nigeria et du Togo, autant de pays qui ont enregistré le nombre de cas hebdomadaires le plus important au cours de la seconde vague et qui disposaient de systèmes de santé publique aux moyens insuffisants avant la pandémie. Même les pays dotés de systèmes de santé plus solides ou n’ayant pas eu à faire face à une progression des contaminations au cours de la seconde vague se trouvent également confrontés à un risque de saturation alors que le virus progresse vers les zones rurales ou les zones de conflits actifs. En Afrique du Sud, la hausse des hospitalisations a nécessité d’effectuer un « tri » parmi les patients selon le niveau de gravité.

  • L’une des caractéristiques les plus frappantes de la première vague pandémique en Afrique est son degré de mortalité et de morbidité moindre que dans d’autres parties du monde, en raison peut-être de la forte proportion des jeunes sur une grande partie du continent. De nombreuses études suggèrent, toutefois, que la propagation asymptomatique de la maladie a été nettement plus élevée que ce que les chiffres pouvaient laisser envisager. L’émergence de formes modifiées de la maladie dessinent de nouvelles menaces pour des pays où le bilan, quoique moins catastrophique en termes de nombre de morts, se combine à des pertes économiques considérables qui rendent le confinement plus difficile. Selon d’autres études et rapports, une part importante du nombre de décès liés à la COVID-19 a pu être ignorée lors de la première vague dans des pays tels que l’Afrique du Sud, le Soudan et le Nigeria.
  • Géographiquement, des pays d’Afrique du Nord et de l’Afrique australe se distinguent par le taux de contamination constaté lors de cette seconde vague (et par le niveau de dépistage). Ces nations entrent également dans la catégorie des pays servant de points d’entrée sur le continent (c’est-à-dire ayant des contacts internationaux plus importants) et disposent de centres urbains plus larges.
  • Une grande partie des pays ayant enregistré une hausse des cas lors de la seconde vague ont des taux de positivité élevés :

  • Ceci indique que le nombre réel de cas est certainement bien plus élevé que ne le laissent penser les campagnes de dépistage. On peut également en déduire que les pays dotés de systèmes de santé publique insuffisants enregistrent moins de cas qu’il n’en existe réellement. Les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies cherchent à obtenir davantage de tests en sus des vaccins afin de contrôler plus efficacement le virus. Jusqu’à présent, dix pays africains sont à l’origine de 75 % des campagnes de dépistage menées sur le continent.
  • Quoique la seconde vague se propage à un rythme record sur une grande partie du continent, 93 % des cas enregistrés dans ce contexte se concentrent dans 15 pays. Si l’on prend le continent dans sa totalité, les pays associés à des populations vieillissantes, à une exposition internationale plus élevée et à des systèmes de santé plus solides aptes à mener des campagnes de dépistage sont ceux qui enregistrent systématiquement le plus grand nombre de contaminations. Ces trois facteurs se retrouvent dans 55 % des cas constatés lors de la cette seconde vague.
  • En dehors de ces facteurs, la prévalence des cas a bien changé sur le continent. Des niveaux peu élevés de transparence gouvernementale ou de démocratie vont de pair avec des dépistages moins systématiques et un nombre de cas moins élevé, ce qui montre que le nombre de cas est très vraisemblablement sous-estimé dans ces pays. La Tanzanie se démarque ici par la quasi-absence de dépistage et de cas déclarés. Cette opacité fait qu’il est plus difficile de connaître la mesure véritable de cette seconde vague et souligne qu’un nombre élevé de cas signalés est souvent corrélé à de bonnes capacités de dépistage, à une communication claire sur les questions de santé publique et à une transparence dans la publication des résultats.
  • Des changements ont pu être observés dans les schémas d’exposition au cours de la seconde vague. Au-delà du nombre total de cas déclarés, les pays dotés d’importantes communautés rurales en dépit de grandes villes-capitales, comme c’est le cas au Sahel, ont connu une rapidité de propagation parmi les plus élevées lors de cette deuxième vague. Cela suggère que le virus se propage au-delà des pays où les contacts internationaux sont importants. Nombre de ces pays sont également confrontés à des conflits.

  • Des stratégies de santé publique appliquées dans certains pays, comme au Sénégal, au Nigeria, au Ghana et en Afrique du Sud ont permis d’atténuer les effets de la première vague. De la même manière, le Centre africain de contrôle des maladies a pris contact avec plusieurs États membres afin d’établir une stratégie commune sur le continent africain dans la lutte contre la COVID-19, organisant ainsi une supervision, une réponse et une communication conjointes sur l’état de la pandémie. Les perturbations et les ressources considérables nécessaires à la lutte contre la pandémie ont toutefois exacerbé la fragilité de nombreux pays africains. Cette fragilité, conjuguée à une saturation des systèmes de santé publique, qui s’explique par la pandémie et par l’impression ressentie chez la population que le virus n’atteint pas le citoyen lambda pourrait rendre cette deuxième vague plus menaçante.
  • Les professionnels de santé africains ont mis en place de manière coordonnée un programme de vaccination vaste et complexe. Ils appellent à une prise en charge complète de l’initiative COVAX qui vise à accélérer le calendrier de vaccination sur l’ensemble du continent. Sans un programme de vaccination réussi parallèlement au reste du monde, le Centre africain de contrôle des maladies a averti que la COVID-19 pourrait devenir endémique en Afrique, susciter de nouvelles mutations du virus mais aussi ralentir et fragiliser les efforts visant à éradiquer le virus à l’échelle mondiale.

Ressources complémentaires