Rapport d'analyse N° 7 : Évaluation des attitudes de la prochaine génération de professionnels du secteur de la sécurité en Afrique

Revue de la documentation

Par Kwesi Aning et Joseph Siegle

19 août 2019


L’engouement initial au niveau intellectuel pour les forces armées africaines des années 1960 aux années 1980, principalement centré sur leur passé colonial, les transitions et leur propension aux coups d’État, s’est vu considérablement réduit à la sphère des opérations de maintien de la paix nationales et internationales. Par conséquent, les analyses récentes sur le fonctionnement de ces organes, sur leur évolution au fil du temps et sur la manière dont les développements internes et externes en sont affectés font défaut.

Les forces armées africaines sont actuellement dans une phase de transition. D’un modèle de l’ère de l’indépendance, elles se transforment en un système plus adapté aux conflits et aux menaces à la sécurité d’aujourd’hui. Pourtant, peu d’études examinent ces transitions et leur impact sur le caractère et la vision du monde des forces armées africaines. Celles-ci représentent et incarnent, parmi toutes les institutions du secteur public, les rêves et les notions de ce que l’État moderne devrait et pourrait être.

En même temps, les militaires africains en particulier se sont trop souvent engagés de manière rapprochée et intrusive dans la politique. Par conséquent, les politiciens africains ont souvent une relation complexe avec leurs forces armées. Dans d’autres contextes, les forces armées ont joué un rôle central dans la survie du régime et la consolidation de l’autocratie. Lorsque leaders politiques utilisent les forces de sécurité comme un outil de répression, la population les considère comme faisant partie du problème de la sécurité. Les perceptions du public à l’égard de l’armée sont cependant complexes. En matière de corruption, les sondages révèlent systématiquement un niveau de confiance plus élevé pour les forces armées africaines (responsables de la sécurité extérieure) que pour les forces de police africaines (responsables de la sécurité intérieure).

Depuis la fin de la guerre froide, les forces armées africaines sont de plus en plus appelées à s’engager de manière préventive, à contribuer à la résolution des crises affectant la sécurité sur le continent africain et ailleurs dans le monde, ainsi qu’à protéger et à soutenir la progression vers des formes de gouvernement plus démocratiques. Les forces armées africaines sont également en première ligne des efforts internationaux pour lutter contre les menaces transnationales telles que le terrorisme, le trafic de drogue et parfois les pandémies. Étant donné les différents stades de transition, il est probable que la perception d’eux-même qu’ont les acteurs africains du secteur de la sécurité évolue également. Une meilleure compréhension de ces changements d’attitude permettra de mieux impliquer ces personnel et ces institutions afin d’améliorer leur efficacité.

Cette recherche s’appuie sur plusieurs recherches académiques remarquables conduites depuis la fin de la guerre froide. « Les armées africaines et la rébellion : L’économie politique de la menace et l’efficacité au combat (African Militaries and Rebellion : the Political Economy of Threat and Combat Effectiveness) » de Jeffrey Herbst (2004) analyse le lien entre les forces armées africaines et leur aptitude à réagir aux rébellions. Une étude du groupe Eurasia, réalisée en 2010, intitulée « Un jour dans la  vie d’un soldat africain (A day in the life of an African soldier) » et tirée d’expériences de l’Algérie, de la République démocratique du Congo, du Kenya, du Nigeria et de l’Afrique du Sud, brosse un tableau de la vie à l’intérieur de ces armées. Elle examine également les raisons qui justifient une carrière dans l’armée, les principales frustrations et préoccupations, les opportunités de revenus supplémentaires, la bureaucratie et la culture de l’armée, les conditions sociales et les relations civilo-militaires. Le document « Fragilité politique en Afrique : Les coups d’État militaires sont-ils un phénomène sans fin ? (Political Fragility in Africa : Are Military Coups d’Etat a Never-Ending Phenomenon ?) » par Habiba Ben Barka et Mthuli Ncube (2012) met l’accent sur l’articulation entre la fragilité de l’État et les coups d’État.

Le bulletin « Armées africaines : Chaînon manquant des transitions démocratiques » de Mathurin Houngnikpo (2012) explique comment les forces armées africaines s’adaptent et résistent parfois au contrôle et à la surveillance des civils. Le livre « Le soldat et l’État en mutation (The Soldier and the Changing State) » de Zoltan Barany (2013) souligne de même l’importance des attitudes et des valeurs des dirigeants militaires à l’égard des principes démocratiques en tant que baromètre des relations des militaires avec les dirigeants civils et le public. L’ouvrage « Comprendre les armées africaines (Understanding African Armies) » de David Chuter et Florence Gaub (2016) reconnaît la diversité et la complexité des armées africaines contemporaines, soulignant qu’elles ont souvent évolué par tâtonnements et englobent un large éventail d’approches et de missions. Ces ouvrages (voir les références pour une liste plus complète des ouvrages consultés) ont défini l’approche utilisée dans cette recherche, la formulation des questions du sondage et l’évaluation plus générale des normes et des valeurs des professionnels du secteur de la sécurité en Afrique.


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