Vingt-quatre élections nationales doivent se dérouler en Afrique au cours de l’année 2019. Cela reflète une norme établie qui veut que les élections soient désormais la méthode reconnue pour la sélection des dirigeants africains. La qualité de ces élections continue à varier largement, certaines étant de simples rituels de routine permettant aux dirigeants de se maintenir au pouvoir. Néanmoins, toute une série d’élections compétitives auront lieu en Afrique en 2019, notamment dans trois des plus importantes expériences démocratiques en cours sur le continent : le Nigéria, l’Afrique du Sud et la Tunisie.
La différence de calibre des élections africaines s’inscrit dans un processus à plus long terme entamé dans les années 1990 pour bâtir des institutions démocratiques et consolider des systèmes politiques véritablement démocratiques. Cette lutte pour établir des normes de gouvernance a des implications directes en Afrique dans le domaine de la sécurité, où pratiquement tous les conflits sont internes. Plus de la moitié des conflits africains actuels est la conséquence directe d’un contentieux sur la légitimité, notamment des dirigeants qui restent au pouvoir après la limite de deux mandats prévue par la loi.
La tenue et les résultats des élections de 2019, concentrées en Afrique australe et occidentale, détermineront la trajectoire démocratique de l’Afrique. Voici quelques-uns des principaux enjeux à observer :
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Nigéria
Élections générales du 23 février
La première élection présidentielle de l’année en Afrique est sans doute la plus importante. Le pays le plus peuplé du continent, ainsi que sa plus grande économie et son plus grand producteur de pétrole, s’apprête à choisir son dirigeant pour les quatre prochaines années. Le président sortant, Muhammadu Buhari du Congrès du peuple, va affronter son principal rival, Atiku Abubakar du Parti démocratique populaire, ainsi que 30 autres candidats à la présidence lors du premier tour des élections en février.
La sécurité demeurera la principale préoccupation des électeurs. Muhammadu Buhari a remporté les élections en 2015 sur une plateforme qui promettait la fin de l’insurrection du Boko Haram. Même si le nombre des attaques et des morts liés au Boko Haram a diminué depuis son niveau record de 2015, le Boko Haram et un groupe dissident, l’État islamique d’Afrique de l’Ouest (ISWA), restent actifs dans le nord-est du pays. En 2018, ces groupes ont été associés à 483 événements violents et à la mort de 2 297 personnes dans le pays, contribuant au déplacement interne de près de 2 millions de Nigérians.
Outre les menaces des groupes islamistes militants au nord, le Nigeria est confronté à de nombreux problèmes de sécurité : violence grandissante entre éleveurs et agriculteurs, agitation de certains segments de la population chiite minoritaire, tensions séparatistes dans le sud-est, griefs non résolus dans la région du Delta du Niger riche en pétrole et violences criminelles dans les zones urbaines en pleine expansion du Nigeria. Quel que soit le candidat victorieux, il devra concevoir et mettre en place d’autres méthodes dans ces zones sensibles où le gouvernement n’est guère présent et où la confiance dans les services de sécurité est faible.
L’élection présidentielle de 2019, la sixième depuis la fin du régime militaire en 1999, mesurera également si le Nigeria continuera à améliorer progressivement la transparence et la crédibilité du processus électoral. Les élections de 2015 ont rendu possible le premier transfert démocratique du pouvoir présidentiel entre candidats de partis politiques opposés. La participation active de groupes de la société civile à différentes tâches, comme l’inscription des électeurs ou les comptabilisations parallèles des résultats du vote, a grandement favorisé les progrès sur ce plan. De tels progrès reflètent aussi les attentes plus grandes d’une classe moyenne et d’une jeunesse mieux instruite et en rapide expansion. La décision du président Buhari de suspendre le président de la Cour suprême, Walter Nkanu Samuel Onnoghen, trois semaines avant l’élection pour ne pas avoir déclaré ses biens, a suscité beaucoup d’attention.
Même si la violence qui entoure les élections nationales et étatiques demeure préoccupante, d’importantes améliorations ont eu lieu depuis les élections de 2011 au cours desquelles 800 Nigérians avaient trouvé la mort à la suite d’actes violents liés aux résultats des élections. La manière de gérer les élections de 2019 démontrera l’ampleur des progrès réalisés. Un processus considéré comme honnête et transparent conférera au prochain dirigeant nigérian la légitimité nécessaire pour relever les importants défis auxquels le Nigeria est confronté.
Sénégal
Élection présidentielle du 24 février
Au Sénégal, le président Macky Sall, qui sollicite un nouveau mandat, affrontera quatre autres candidats. Il s’agit d’un moment important pour le pays, pôle de stabilité en Afrique de l’Ouest. Grâce à une société civile et une identité nationale solides, une armée professionnelle et un gouvernement réceptif aux préoccupations de la population, le Sénégal dispose de bases solides qui lui ont permis de réaliser des progrès démocratiques notables depuis la première passation de pouvoir entre les partis en 2000. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Sénégal est l’un des rares pays africains à ne jamais avoir connu de coup d’État. Les élections de 2019 sont l’occasion pour le Sénégal de poursuivre la consolidation de ses normes démocratiques.
Cet engagement à respecter les processus démocratiques a été renforcé lors des manifestations populaires de 2012 quand l’ex-président Abdoulaye Wade tenta, de manière controversée, de rester en fonction pour un troisième mandat. L’engagement envers les limites de durée du mandat a été confirmé au cours d’un referendum en 2016 soutenu par le président Sall qui a réduit la durée du mandat présidentiel de 7 à 5 ans.
L’image positive du Sénégal en termes de démocratie a été quelque peu ternie en 2018 par la condamnation du principal candidat de l’opposition, Khalifa Sall, l’ancien maire de Dakar, à 5 ans de prison pour corruption. Un autre concurrent potentiel, Karim Wade, fils de l’ancien président, a été reconnu coupable de corruption. Il s’est enfui au Qatar en 2016 après avoir été gracié par le président Sall. En raison de ces accusations, ces adversaires n’ont pas pu se présenter à l’élection présidentielle, apportant ainsi de l’eau au moulin des opposants du président qui déclarent que ces accusations sont motivées par des considérations politiques. Ces poursuites judiciaires ont poussé des milliers de personnes à protester contre le ministère de l’Intérieur et la Cour constitutionnelle, jugés partiaux. L’ampleur du soutien dont jouit Macky Sall dans les élections de cette année permettra de mesurer la manière dont la population juge l’action du président, et s’il bénéficie d’un soutien pour la poursuite de son programme de réformes.
Burkina Faso
Référendum constitutionnel du 24 mars (reporté)
Le référendum constitutionnel du Burkina Faso, qui porte principalement sur la limitation de l’exercice de la présidence à deux mandats, est une étape importante du processus d’institutionnalisation nécessaire pour promouvoir la démocratie. Il mérite, à ce titre, qu’on y prête attention.
Le référendum est l’aboutissement des réformes entreprises par le président Roch Marc Christian Kaboré, élu en 2015 après que le dirigeant autocratique Blaise Compaoré a été chassé du pouvoir en 2014, à l’issue de 27 ans en fonctions. Même si certains se sont plaint de la lenteur des changements, le référendum démontre pourtant la poursuite des efforts de réformes. Les transitions démocratiques s’essoufflent généralement dans les mois et les années qui suivent le départ d’un dirigeant autoritaire. Que le Burkina Faso ait maintenu la dynamique de réformes au cours des années suivantes est remarquable, tout comme le fait que c’est le président en exercice qui est à l’initiative de la mise en place d’un système de contrôles sur le pouvoir exécutif.
D’autres progrès sont nécessaires dans d’autres domaines, notamment la protection de personnalités de la société civile comme Safiatou Lopez. Celle-ci est en attente de jugement pour des actes généralement perçus comme étant motivés par des considérations politiques, en l’occurrence des critiques à l’égard du président Kaboré. Néanmoins, le référendum doit être reconnu comme une étape importante du combat acharné mené pour parvenir à de véritables changements démocratiques.
Celui-ci a lieu alors que le Burkina Faso fait face à la menace croissante posée par les groupes islamistes au nord et à l’est du pays. Le Burkina Faso a été confronté à au moins 136 incidents violents impliquant des groupes islamistes en 2018— quatre fois plus qu’en 2017. En réponse à cette menace grandissante, le président Kaboré a annoncé l’instauration de l’état d’urgence dans 6 des 13 provinces du pays le 31 décembre 2018,. La légitimité accrue qu’il tirera probablement du résultat du référendum devrait lui permettre de rallier les citoyens et de lui donner le soutien nécessaire pour combattre ces groupes islamistes militants, plus particulièrement l’État islamique dans le Grand Sahara. À cela, il faudra ajouter des mesures économiques et politiques plus efficaces pour soutenir les communautés marginalisées, et renforcer les faibles capacités étatiques du Burkina Faso visant à contrer la propagation des groupes extrémistes violents.
Les Comores
Élections présidentielles et régionales du 24 mars
Les élections présidentielles et régionales interviennent à un moment de crise dans ce petit pays insulaire de l’océan Indien d’une population de 800 000 habitants. En juillet 2018, Azali Assoumani, le président des Comores, a remporté une victoire à l’issue d’un référendum controversé et boycotté par les parties de l’opposition, qui a augmenté le nombre de mandats présidentiels à deux quinquennats. Ceci diffère fortement de la pratique précédente qui, selon le principe du roulement, faisait tourner la présidence après un mandat de 5 ans, entre les trois principales îles des Comores : Grande Comore, Anjouan et Mohéli. Le président Assoumani a aussi suspendu la Cour constitutionnelle avant le référendum, une décision que les partis d’opposition ont déclaré illégale.
Les Comores ont connu 20 coups d’État ou tentatives de prise du pouvoir depuis leur indépendance de la France en 1975. Néanmoins, le pays a réalisé des progrès considérables dans la régularisation de son système démocratique de partage du pouvoir depuis l’adoption du principe de roulement de la présidence en 2001. La crise actuelle influe négativement sur cette dynamique.
Des dizaines de dirigeants de l’opposition ont été emprisonnés ou ont fui le pays pour avoir protesté contre le référendum de 2018. Le président Assoumani, qui a nommé tous les juges de la Cour suprême, est accusé d’employer des tactiques de plus en plus autoritaires. Les élections de mars constituent une étape importante, qui déterminera si les Comores peuvent se replacer dans la trajectoire démocratique ou si elles risquent de revenir à l’instabilité qui a caractérisé la politique comorienne depuis son indépendance.
Algérie
Élection présidentielle du 18 avril (reporté au 12 décembre)
L’élection présidentielle en Algérie, dont le processus est strictement contrôlé, génère une controverse imprévue alors que le Président Abdelaziz Bouteflika, 81 ans et au pouvoir depuis 1999, brigue un cinquième mandat. Des milliers de manifestants, y compris des femmes et des jeunes, sont descendus dans les rues d’Alger et d’autres villes pour demander sa démission. Ces manifestations reflètent le désir de beaucoup d’Algériens pour la modernisation et une réforme politique qui permettrait davantage de participation citoyenne dans le processus politique algérien.
Bouteflika, qui a remporté les quatre derniers scrutins avec une moyenne de 83 % des voix, apparait rarement en public depuis qu’il a subi un AVC en 2013. L’armée est depuis longtemps immiscée dans la politique et elle soutient le FLN de Bouteflika, comme le fait d’ailleurs l’élite économique du pays. De plus, une purge en 2018 d’un nombre importants d’officiers supérieurs juges déloyaux a permis l’armée de consolider son pouvoir à l’approche des élections.
Afrique du Sud
Élections générales du 8 mai
Les élections parlementaires et générales d’Afrique du Sud constituent une autre pierre angulaire pour le continent, d’autant plus que de celle-ci sortira également le nom du nouveau président. En raison du poids économique important du pays et de ses capacités militaires conséquentes, les élections en Afrique du Sud auront des conséquences pour le reste du continent.
À bien des égards, il s’agit d’une élection à l’intérieur d’une autre élection. Le Congrès national africain (ANC) au pouvoir reste le parti politique dominant du pays. La question à laquelle les électeurs devront répondre lors du scrutin est la suivante : après une série d’affaires de corruption, une criminalité urbaine en hausse et la perception que l’ANC est déconnecté de la réalité des Sud-Africains ordinaires, l’ANC inspire-t-il suffisamment confiance à la majorité de la population ? Lors des élections municipales de 2016, l’ANC a connu sa pire défaite électorale depuis la fin de l’apartheid. Il a ainsi perdu le contrôle de nombreuses villes, dont les capitales politique et économique, Pretoria et Johannesburg, la capitale législative, Le Cap, ainsi que la ville industrielle de Port Elizabeth.
Depuis lors, l’ANC a pris des mesures importantes pour rectifier le tir avec le remplacement, lors de la Conférence nationale de l’ANC en décembre 2017, de l’ancien chef du parti et président Jacob Zuma par Cyril Ramaphosa. Ce dernier a agi de manière décisive afin de tenir le parti à l’écart des abus de pouvoir associés à Jacob Zuma en mettant en œuvre une série de réformes destinées à instaurer davantage de transparence dans les pratiques du parti et du gouvernement. En instituant ces mesures, l’Afrique du Sud a démontré que son système de pouvoirs et contre-pouvoirs était suffisamment fort pour contrôler tout dirigeant populiste qui souhaiterait tester les limites de l’état de droit.
Néanmoins, de nombreux membres de l’ANC qui ont largement profité sous le népotisme de Jacob Zuma, résistent encore aux réformes de Cyril Ramaphosa. Ces élections constitueront un référendum sur la direction actuelle du parti. Si Cyril Ramaphosa remporte l’élection avec une forte majorité, il disposera des moyens nécessaires pour poursuivre de nouvelles réformes. Dans le cas contraire, il n’aura d’autre choix que de faire davantage de concessions aux partisans de Zuma dans l’ANC.
Un autre scénario à suivre est la transformation en cours du mouvement de libération. Ayant été le fer de lance en Afrique du Sud de l’opposition à l’apartheid et l’artisan de la transition de celui-ci, l’ANC jouit d’une grande loyauté chez de nombreux Sud-Africains. Toutefois, comme dans tous les autres mouvements de libération africains, cette loyauté a créé chez les dirigeants du parti le sentiment que tout leur est dû, les décourageant de poursuivre des réformes tout en leur laissant une grande latitude pour abuser du pouvoir. Les élections de 2019 constituent un moment important qui permettra de répondre à la question de la capacité de l’ANC à entreprendre des réformes fondamentales ou si les réformes véritables doivent attendre l’arrivée au pouvoir d’un parti d’opposition.
Les élections d’Afrique du Sud ont d’importantes conséquences régionales sur le plan de la sécurité. Sous Cyril Ramaphosa, l’Afrique du Sud a commencé à réaffirmer son leadership au sein de la Communauté de développement d’Afrique australe et de l’Union africaine sur le règlement des conflits et le respect des principes démocratiques dans les crises régionales. Ces politiques, de même que sa position de porte-drapeau des droits de l’homme ont, été associées à l’Afrique du Sud depuis la présidence de Nelson Mandela, mais ont été abandonnées sous Jakob Zuma. Les alliés de l’ancien président se sont opposés à ce que Cyril Ramaphosa réaffirme ces initiatives en matière de politique étrangère, soulignant les conséquences au niveau régional des élections sud-africaines.
Malawi
Élections générales du 21 mai
Les élections générales du Malawi (président, assemblée générale et responsables de l’administration locale) se préparent à faire l’objet de vives contestations alors que le président Peter Mutharika du Parti progressif démocratique s’apprête à briguer un deuxième mandat. Il fait face à une forte opposition d’un nombre important de candidats, dont son vice-président, Saulos Chilima, Lazarus Chakwera du Parti du congrès du Malawi et l’ancienne présidente Joyce Banda du Parti populaire. Les basculements dans les coalitions des partis d’oppositions qui cherchent à s’unir pour vaincre Peter Mutharika créent un environnement électoral très fluide.
Dans la mesure où les principaux partis politiques du Malawi bénéficient tous d’un soutien populaire significatif, le vainqueur est susceptible de rallier seulement une pluralité des votes, comme cela a été le cas en 2014. Cela montre l’importance de la réforme du 50 % + 1 pour choisir le président. Les partis auront alors davantage intérêt à forger des coalitions plus larges et les vainqueurs bénéficieront de la légitimité acquise auprès d’une majorité de citoyens.
L’élection de 2014 a constitué un jalon important avec la prise du pouvoir par un parti d’opposition après une transition pacifique. L’élection a été conforme à la réputation de stabilité du Malawi. Elle était basée sur le respect des limites de mandat en place depuis 2003. Cependant, les accusations de corruption, de népotisme et de fraudes électorales ont contribué à une atmosphère volatile dans la période précédant les élections de mai. La manière dont la commission électorale du Malawi gérera le processus électoral de 2019 constituera un instrument de mesure des progrès institutionnels réalisés dans l’un des pays les plus stables, historiquement parlant, de l’Afrique australe.
Mauritanie
Élection présidentielle du 22 juin
Une autre transition digne d’intérêt sur le continent aura lieu en Mauritanie, lorsque ce pays d’Afrique de l’Ouest sélectionnera un autre dirigeant pour remplacer le président en exercice, Mohamed Ould Abdel Aziz, qui quitte ses fonctions après deux mandats, comme l’exige la constitution mauritanienne. Il respectera la constitution bien que de nombreux membres de son parti l’encouragent à briguer un troisième mandat. Cela marque un tournant par rapport à l’entrée sur la scène politique d’Ould Abdel Aziz, qui a dirigé les coups d’État de 2005 et 2008. Il a été ensuite élu dans des scrutins non compétitifs en 2009 et 2014.
Comme l’Union pour la république, le parti dirigeant d’Ould Abdel Aziz, détient une majorité dominante au parlement, les observateurs estiment que celui-ci pourrait continuer à exercer un pouvoir considérable dans les coulisses après le vote. Ould Abdel Aziz soutient la candidature de Mohamed Ould Ghazouani, membre du parti au pouvoir et ministre de la Défense, à l’élection présidentielle de 2019. En outre, la constitution permet au président âgé de 62 ans de se représenter en 2024. Néanmoins, la volonté d’Ould Abdel Aziz de se conformer au jeune processus démocratique mauritanien est extraordinaire, car bien d’autres dirigeants africains ces dernières années se sont empressés de contourner les limites de mandat.
La Mauritanie a beaucoup de progrès à faire dans le domaine des relations civilo-militaires, étant donné son passé de chefs militaires forts. Les mesures de protection des libertés civiles et de la presse ne commencent qu’à se pérénniser. En 2018, l’arrestation et la détention pendant 5 mois d’un éminent militant anti-esclavagiste, Biram Dah Abeid, montrent les limites du système politique mauritanien. Il convient de noter cependant que Dah Abeid a été élu au parlement pendant sa détention et a annoncé son intention de briguer la présidence en 2019.
Tunisie
Élection législative du 6 octobre
Élection présidentielle du 15 septembre, 13 Octobre
L’une des élections les plus attendues de l’année aura lieu à la fin de 2019 lorsque la Tunisie organisera ses troisièmes élections générales depuis la chute en 2011 de Zine El Abidine Ben Ali, son leader autocratique de longue date. Les élections constitueront une autre étape importante dans la transition démocratique du seul pays d’Afrique du Nord qui a toujours maintenu la dynamique engagée en faveur de la réforme à la suite du mouvement de contestation du Printemps arabe. Le fait marquant en Tunisie est que tous les partis, malgré des visions politiques différentes, consentent à travailler ensemble au sein d’une structure démocratique. Cette structure inclut le parti islamiste Ennahda, fournissant ainsi un modèle de compatibilité entre les partis islamistes et la démocratie.
La campagne de 2019 tiendra compte des nouvelles coalitions en place depuis les dernières élections nationales de 2014. Même si Ennahda conserve un large soutien populaire, son ancien partenaire au sein de la coalition, le parti laïciste Nidaa Tounes, a été déchiré par des divisions depuis la désignation de Hafedh Essebi, le fils du président Beji Caid Essebi âgé de 92 ans, en tant que chef du parti. Cette situation a poussé certains membres sous la houlette du premier ministre Youssef Chahed à créer un nouveau parti, la Coalition nationale. Comme aucun parti n’est majoritaire, la nécessité d’uncompromis continuera de caractériser la politique tunisienne autour d’un certain nombre de priorités comme le chômage, l’inflation, la sécurité et les questions identitaires, en particulier le rôle de la religion et des femmes dans la vie publique.
L’expérience démocratique tunisienne n’a pas été sans violence. Il y a eu plusieurs assassinats de personnalités de premier plan. Par ailleurs, le risque de violence politique n’a pas complétement disparu. Par conséquent, les élections de 2019 constitueront un test important sur le recours à de méthodes non violentes pour résoudre les différends politiques en Tunisie.
La Tunisie est toujours confrontée aux risques de sécurité posés par le retour des combattants de l’EIIL d’Irak et de Syrie. On estime qu’environ 7 000 à 8 000 Tunisiens ont rejoint l’EIIL au moment de son apogée en 2014-2015. Les inquiétudes suscitées par le retour de ces combattants et l’instabilité qui pourrait s’ensuivre, notamment l’arrivée éventuelle d’un groupe affilié à l’EIIL, persistent aujourd’hui. La Tunisie a évité le pire jusqu’à présent, les événements violents liés aux groupes islamistes restant limités ces dernières années. En 2018, la Tunisie a connu 36 événements de ce genre et un nombre de morts encore plus restreint. Alors qu’en 2015, le nombre de victimes de la violence extrémiste en Tunisie s’élevait à 154 personnes, décédées lors des attaques perpétrées par l’EIIL dans un complexe touristique à Sousse et au musée du Bardo.
D’importantes disparités socioéconomiques et la perception de marginalisation dans certaines parties de la Tunisie ont entraîné une agitation et des manifestations permanentes, notamment chez les jeunes. Par ailleurs, ces sentiments d’injustice systématique créent un environnement social propice au recrutement par les groupes militants. La réponse à ces disparités sociales dans le contexte de l’austérité économique requise par le prêt de 2,8 milliards de dollars du Fonds monétaire international sera au cœur de la campagne de 2019.
Mozambique
Élections générales du 15 octobre
Les élections présidentielle, législatives et provinciales devraient se dérouler au Mozambique dans un environnement politique complexe. Sur le fond du cessez-le-feu de 2016, les négociations de paix entre le parti FRELIMO au pouvoir et le mouvement rebelle et parti d’opposition RENAMO ont pour objectif de parvenir à une solution négociée destinée à mettre fin au conflit de faible intensité qui a resurgi en 2013. Les élections ont également lieu dans un climat d’exclusion politique selon les partis d’opposition, en particulier le RENAMO qui participera à sa première élection sans son chef historique, Afonso Dhlakama, décédé en 2018. Le FRELIMO contrôle la présidence et domine le parlement depuis la fin de la guerre civile brutale en 1992. Cette situation a engendré de forts ressentiments et une violence périodique depuis 2013 en raison de l’absence de véritable participation.
Outre ces ressentiments qui couvent depuis longtemps, le gouvernement ne s’est toujours pas remis des dommages causés à la réputation internationale du Mozambique causé par un scandale de détournements de de fonds publics d’un montant de 2 milliards de dollars et du défaut de paiement qui s’en est suivi. Par ailleurs, le gouvernement cherche à développer les gisements de gaz naturel situés dans la région nord du pays, qui souffre de plus en plus d’instabilité. Par conséquent, le FRELIMO a tout intérêt à accroître sa légitimité au cours du processus électoral de 2019, d’autant plus que lors des élections municipales de 2018, le RENAMO qui participait pour la première fois depuis 10 ans au scrutin a réalisé des gains.
Le président Filipe Nyusi brigue un deuxième et dernier mandat. La conclusion d’un accord de paix avec le RENAMO et l’intégration de ses derniers combattants dans les forces armées lui permettra de stabiliser les derniers bastions du RENAMO situés dans le nord et le centre du pays. Le Mozambique est aussi confronté à une violence islamiste qui s’enracine dans le nord, qui bénéficie d’un soutien accru en raison des réactions musclées et arbitraires des forces de sécurité du Mozambique. En bref, le manque de transparence, les abus de pouvoir et un sentiment de « tout m’est dû » ont empêché l’application d’un système robuste de pouvoirs et contre-pouvoirs au Mozambique.
Les élections de 2019 permettront de vérifier si le gouvernement est déterminé à mettre en place un processus démocratique plus inclusif (et stable). Ainsi, le FRELIMO doit relever le défi des autres mouvements de libération africains qui ont lutté pour devenir des organes de gouvernement soucieux des besoins de tous les citoyens. La réponse à ces questions contribuera considérablement à déterminer le niveau de solidarité ressenti par les Mozambicains face à tous les nouveaux défis qui se présentent dans les domaines de la politique, de la sécurité et du développement tout en renouvelant les engagements internationaux du gouvernement.
Botswana
Élections générales du 31 octobre
Les prochaines élections générales dans l’une des démocraties les plus solides d’Afrique et, sans aucun doute, la plus stable du continent, auront lieu en octobre. La stabilité du Botswana est étroitement liée à son processus de succession établie par Festus Mogae en 2006 à la fin de son deuxième mandat. Le président Mokgweetsi Masisi se présentera aux élections d’octobre sous les couleurs du Parti démocratique du Botswana (BDP) actuellement au pouvoir.
Le président Masisi a succédé à Ian Khama, comme chef du parti en avril 2018, car Ian Khama arrivait à la fin de son deuxième mandat après avoir exercé cette charge pendant 10 ans. Mettant en relief le dilemme éternel de nombreux dirigeants lorsqu’il s’agit de se retirer, Ian Khama avait envisagé de prolonger son mandat. Toutefois, les fortes traditions démocratiques du Botswana ont prévalu et Ian Khama a fini par abandonner son projet, assurant ainsi le maintien de la tradition de succession.
Le Botswana est une démocratie exceptionnelle qui n’a jamais connu de passation du pouvoir d’un parti à un autre. Le BDP détient la majorité au parlement depuis les premières élections qui ont suivi l’indépendance en 1969. Le parti a, toutefois, appliqué différents moyens de contrôle qui lui ont permis de conserver la confiance et le soutien de la population en général. Citons, entre autres, une presse libre, un secteur de sécurité apolitique, des institutions financières indépendantes et un organisme d’enquête autonome. Le Botswana figure régulièrement parmi les pays africains les plus transparents dans l’indice annuel de perception de la corruption de Transparency International.
Les dernières élections sont devenues plus compétitives. Ainsi, en 2014, le BDP a seulement remporté 35 des 57 sièges de l’assemblée nationale. Alors que les partis d’opposition continuent à se constituer leurs bases d’électeurs, le transfert du pouvoir à un autre parti devient une possibilité réelle dans un avenir proche.
Guinée-Bissau
Election présidentielle du 24 novembre
L’élection présidentielle en Guinée-Bissau est prévue pour le 24 novembre, après quatre ans de différends autour de la nomination d’un premier ministre pouvant diriger le gouvernement. Le parti au pouvoir en Guinée-Bissau, le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), est aux prises avec des rivalités internes depuis que le président actuel, José Mário Vaz, a démis de ses fonctions l’ancien premier ministre et chef du PAIGC, Domingos Simões Pereira, en 2015. La crise politique limite la capacité du gouvernement à fournir des services de base aux citoyens et à faire face au mécontentement économique généralisé, caractérisé par des manifestations pour l’obtention de ces services. Des écoles sont restées fermées dans tout le pays pendant des mois en raison d’une grève des enseignants.
L’engagement de la CEDEAO dans trois séries de pourparlers de haut niveau a conduit à des élections législatives non-violentes en mars 2019. Les élections législatives étaient censées marquer une avancée majeure dans la crise, mais les luttes intestines entre le PAIGC et Vaz ont continué à freiner la formation d’un nouveau gouvernement. Finalement, en juin 2019, après deux autres missions de médiation menées par la CEDEAO et sous la menace de sanctions, Aristides Gomes a été nommé premier ministre par consensus, alors même que le mandat présidentiel de Vaz touchait à son terme. Dans le cadre de cet accord, la CEDEAO a déclaré que M. Vaz pourrait rester président jusqu’aux élections présidentielles du 24 novembre. Cependant, quelques semaines seulement avant les élections, Vaz a limogé Gomes et nommé Faustino Imbali au poste de premier ministre, renouvelant une impasse politique pendant laquelle la Guinée-Bissau a connu huit premiers ministres depuis la prise de fonction de Vaz en 2014. La CEDEAO a jugé le limogeage de Gomes illégal et continue de le reconnaître comme le premier ministre légitime.
Les électeurs choisiront entre Vaz, candidat à sa réélection sur un billet indépendant, et les anciens premiers ministres Carlos Gomes Jr. et Domingos Simões Pereira.
Namibie
Élections générales de novembre
L’Organisation populaire du Sud-Ouest africain (SWAPO) domine la politique namibienne depuis son indépendance de l’Afrique du Sud en 1990. Cette situation se poursuit actuellement puisque la SWAPO contrôle 77 des 96 sièges de l’Assemblée nationale. De même, Hage Geingob, le président en exercice, a été largement élu en 2014 avec un score écrasant de 87 % des suffrages populaires. Il souhaite briguer un deuxième mandat bien que 15 candidats se présentent déjà à l’élection.
La Namibie n’ayant pas connu de passation de pouvoir entre partis, il est légitime de se poser des questions sur la solidité de son système de pouvoirs et contre-pouvoirs. Néanmoins, la Namibie a entrepris de renforcer ses institutions démocratiques au fil des ans. Cette maturation du système politique se concrétise dans l’adhésion des présidents à la limitation du nombre de mandats. C’est Hifikepunye Pohamba, le deuxième président de la Namibie, qui a montré l’exemple en quittant le pouvoir en 2015. Le renforcement de la société civile, l’indépendance croissante de la presse, les mécanismes de surveillance du gouvernement et le secteur privé démontrent une plus grande institutionnalisation du processus démocratique. De cette manière, la Namibie propose un modèle positif de parti issu d’un mouvement de libération qui, par ses mesures sérieuses, amorce une authentique transition vers la démocratie.
La stabilité politique de la Namibie en fait un pilier de l’Afrique australe en matière de gouvernance et de sécurité—une tendance qui devrait se poursuivre après les élections de 2019.
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