Rapport d'analyse N° 8 : Frontières en évolution : La crise des déplacements de population en Afrique et ses conséquences sur la sécurité

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Par Wendy Williams

13 décembre 2019


Cette analyse a mis en exergue la nature à multiples niveaux de la crise de déplacement de population en Afrique. La grande majorité de ces flux migratoires constitue un symptôme des graves dysfonctionnements en matière de gouvernance (dont certains sont devenus des conflits armés). Si ces fragilités en matière de gouvernance pouvaient être corrigées ou contenues, cela réduirait considérablement l’ampleur des problèmes de déplacements de populations sur le continent et par extension, les difficultés auxquelles la communauté internationale se trouve confrontée.

Des facteurs économiques, démographiques et environnementaux profonds contribuent également à la pression sur les ménages africains. Cela favorise l’augmentation de la migration économique surtout l’afflux massif de migrants se dirigeant vers la côte africaine de la Méditerranée depuis le milieu des années 2010.

La crise des déplacements de population comporte également un élément de sécurité. Cela ne signifie pas que les personnes déplacées constituent une menace par elles-mêmes, mais plutôt que la recrudescence du nombre de personnes en déplacement a créé une opportunité pour les groupes extrémistes criminels et violents dans la bande sahélo-saharienne pour avoir accès à de nouvelles sources de revenus. Le lien entre une gouvernance faible et le militantisme contribue donc à exacerber la migration et l’extrémisme violent.

Compte tenu de la nature multiforme du défi, une série de politiques multidimensionnelles – diplomatique, sécuritaire, de protection des migrants et de développement est nécessaire. Des réductions considérables des niveaux de déplacements sont possibles dans le court terme avec l’instauration de politiques plus affirmées dans les principaux pays africains d’origine. Des stratégies à plus long terme seront nécessaires pour s’attaquer aux facteurs structurels sous-jacents de la migration. Bien que souvent présentés comme un problème africain, les mouvements migratoires de population à grande échelle constituent un défi transcontinental. Des mesures correctives seront nécessaires au sein des pays d’origine, de transit et de destination si l’on veut atténuer les effets d’un tel phénomène. À chaque jonction de ce processus, les acteurs internationaux devront jouer des rôles essentiels.

Diplomatie Assertive

1. Les conflits prolongés sont le principal facteur des déplacements en Afrique et nécessitent un engagement régional et international intensifié pour les endiguer.

Les acteurs africains et internationaux désireux d’inverser la crise des déplacements de population en Afrique doivent reconnaître que les situations de conflit constituent la principale raison des flux migratoires sur le continent. Si ces acteurs externes ne déploient pas d’efforts considérables pour résoudre les conflits, beaucoup de temps, d’efforts et d’argent ne seront investis que sur des solutions temporaires. Le fait que tous les conflits armés sur le continent soient internes indique le rôle important que jouent la gouvernance et le manque de partage du pouvoir dans la crise des déplacements de population en Afrique. Réduire les conflits qui favorisent les déplacements de population nécessitera par conséquent un plus grand engagement diplomatique pour encourager les négociations et faire respecter les résolutions politiques.

La plupart des conflits internes armés en Afrique perdurent généralement—en moyenne plus de 11 ans. Ce qui indique que les belligérants sont souvent incapables de résoudre seuls leurs différends et nécessitent une intervention externe crédible. Les conflits qui perdurent comme au Burundi, en RDC et au Soudan du Sud, prouvent qu’il est beaucoup plus coûteux de laisser ces crises s’étendre que d’intervenir à leur début.

Seuls six pays en conflit représentent plus de 75% de tous les réfugiés, demandeurs d’asile et PDI pour cause de conflits en Afrique (Soudan du Sud, RDC, Somalie, Soudan, Éthiopie et Nigéria). Mettre un terme à ces conflits pourrait donc mener à la résolution de la crise des déplacements de population sur le continent. En d’autres termes, il est difficile de surestimer l’avantage potentiel d’un plus grand engagement diplomatique africain et international et d’une résolution de conflits. Malheureusement, trop souvent, la volonté politique de faire respecter les normes régionales de gouvernance et de règlement de conflit telles qu’énoncées, fait défaut.

Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine est un mécanisme institutionnel d’alerte précoce et de diplomatie préventive, de rétablissement de la paix et de recommandation d’interventions où nécessaire afin de promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité. L’UA, cependant, n’a pas réussi à agir de manière décisive sur les recommandations précédentes du CPS, surtout quand parmi les auteurs des abus relatés, il y a des gouvernements au pouvoir. L’échec de l’UA et des communautés économiques régionales à dénoncer et imposer la fin de l’usage de tactiques répressives, ou à les faire cesser a contribué à plus d’intransigeance.

Bien que les conflits en Afrique soient souvent perçus comme insolubles, ils perdurent souvent en raison d’une attention insuffisante de la part des principaux acteurs régionaux et internationaux.

Lorsqu’il existe une volonté politique, les États africains ont montré un engagement louable de soutien aux missions de maintien de la paix. Près de 74 000 Casques bleus africains servent dans les missions de maintien de la paix de l’Union africaine et des Nations Unies dans 12 États africains.59 Ce chiffre représente environ le double des niveaux de 2010 et reflète l’engagement croissant des dirigeants politiques africains vis-à-vis de ces processus de sécurité collective. Ces déploiements sont largement perçus comme ayant permis d’atténuer davantage de dégradation de la sécurité au sein des pays dans lesquels ils sont déployés.

Dans certains contextes, toutefois, l’UA n’a pas réussi à négocier un règlement politique face à une escalade de crise, ni à mobiliser la volonté politique de déployer des soldats de la paix dès les premiers stades d’un conflit afin d’en minimiser les conséquences même lorsqu’il s’agit d’une instabilité créée par un gouvernement médiocre. A cet égard, le Burundi et le Soudan du Sud sont des cas notables. Ainsi, alors que les conflits africains sont souvent perçus comme insolubles, ils perdurent en effet souvent en raison d’une attention insuffisante de la part des principaux acteurs régionaux et internationaux. Une diplomatie plus proactive accompagnée par un déploiement crédible des forces peut contribuer à modifier la trajectoire de ces conflits.

2. Pénaliser les régimes répressifs. L’intimidation gouvernementale des citoyens représente un autre facteur de déplacement en Afrique. Neuf des dix principaux pays à l’origine des déplacements forcés en Afrique sont autoritaires. En outre, les migrants économiques sont indirectement affectés par la gouvernance répressive et la corruption à cause des facteurs incitatifs tels que l’incapacité de trouver du travail, de recevoir une éducation ou de créer leurs propres entreprises. En effet, de tels déplacements de population sont le reflet de citoyens cherchant refuge ailleurs, loin de leurs gouvernements. Si rien n’est fait, la répression, la marginalisation et la violence politique sanctionnée par l’État et mise en œuvre par ces gouvernements continueront à engendrer davantage de déplacements. Cela impose de réels coûts économiques, sociaux et politiques sur les pays de transit et de destination. Ces gouvernements répressifs « exportent » effectivement le fardeau de leur mauvaise gouvernance vers leurs voisins et la communauté internationale.

Plutôt que de se focaliser uniquement sur les symptômes de ce problème, une solution stratégique à la crise des déplacements et de la migration en Afrique devra consister à retourner  les coûts politiques de ces politiques gouvernementales sur les acteurs qui en sont responsables dans le but de les inciter à modifier leur comportement. Une telle pression diplomatique, idéalement défendue par l’UA et les CER, est en conformité avec les principes énoncés dans la Charte africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance. Selon la Charte, signée par 46 gouvernements africains et ratifiée par 31, les États parties se sont engagés à défendre les principes de la démocratie et le respect des droits humains sur le continent. La Charte appelle l’UA à sanctionner les membres qui violent ces principes.

L’engagement diplomatique pourrait commencer par les consultations du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP). Le MAEP a été mis en place pour veiller à ce que les pays membres soient mutuellement responsables des normes de bonne gouvernance politique et de développement socio-économique. Toutefois, si un gouvernement répressif ne montre aucune volonté de modifier son comportement, un engagement diplomatique de plus en plus ferme devrait être adopté. Les mesures de pression grandissante exercée par les pairs pourraient comporter la condamnation, les commissions d’enquête et la suspension des organes régionaux. Cela peut ensuite s’étendre au gel des avoirs et aux interdictions de voyage imposées aux dirigeants des pays responsables, ainsi qu’à la restriction de l’accès des élites au système financier international.

Commissions d’enquête hybrides : modèles pour lutter contre la corruption et l’impunité

Alors que de nombreux pays africains subissent les effets dévastateurs de la corruption, deux missions hybrides en Amérique centrale proposent des enseignements précieux pour la combattre. Dans son mandat de lutte contre la corruption et l’impunité, la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG) a conjugué les efforts de l’ONU et du gouvernement guatémaltèque, tandis que la Mission de soutien à la lutte contre la corruption et l’impunité au Honduras (MACCIH) fut une initiative hybride entre l’Organisation des États américains et le gouvernement hondurien. Bien qu’elles aient connu des revers et confrontées à des défis difficiles, la CICIG et la MACCIH ont contribué au renforcement institutionnel. La CICIG a même réussi à exposer des réseaux corrompus dont de hauts fonctionnaires de l’État et de chefs de partis, dont trois présidents 60.

En l’absence d’autres résolutions, les CER devraient également envisager d’appliquer une forme de « taxe de déplacement » sur les gouvernements responsables des déplacements les plus importants (tels que le Soudan du Sud, la RDC, le Soudan, la RCA, le Cameroun, l’Érythrée et le Burundi). Les CER collectent déjà les cotisations de leurs États membres. Étant donné que ce sont les pays voisins de ces gouvernements qui supportent une grande partie des coûts liés à cette mauvaise gouvernance, il serait justifié que les CER imposent aux gouvernements responsables une redevance supplémentaire pour le fardeau qu’ils créent. Dans la pratique, cela peut prendre la forme de privilèges, de droits d’accès ou de statut, plutôt que de versements financiers ou paiements en nature.  Cette approche, néanmoins, serait au moins plus cohérente que le risque moral inhérent à la réalité actuelle dans laquelle les acteurs internationaux récompensent effectivement les gouvernements qui provoquent le plus de déplacements en leur apportant une aide financière supplémentaire.

À cette fin, les acteurs internationaux devraient éviter de prendre des engagements financiers vis-à-vis de gouvernements autocratiques irresponsables et de milices non statutaires dans les pays d’origine et de transit. Ces fonds ont peu de chances d’être utilisés pour créer des actifs productifs susceptibles d’inciter la population à rester. Ces financements seront plutôt réinvestis dans les outils maintenant les économies politiques de régimes autocratiques—militarisation de l’État, répression politique et favoritisme—comme cela a été historiquement le cas en RDC, en Libye, au Soudan du Sud et au Soudan. En d’autres termes, ces transferts de fonds exacerbent sans doute les conditions à l’origine du déplacement des populations et de la migration. Il serait mieux d’orienter toute aide financière octroyée aux pays d’origine confrontés à un tel environnement de gouvernance vers les organisations non gouvernementales (ONG) et les gouvernements infranationaux qui ont démontré leur volonté d’investir dans leurs populations et dans les nouveaux arrivants vulnérables.

Initiatives de sécurité

3. Minimiser l’accès des groupes extrémistes violents aux flux financiers générés par les migrants en situation irrégulière. Le trafic des migrants et la contrebande dans la bande sahélo-saharienne constituent une autre source de revenus pour les milices non statutaires et les organisations extrémistes violentes. De tels revenus doivent être pris en compte dans l’aspect sécuritaire afin de faire face à l’escalade de la violence et d’actes de terrorisme. Des investissements plus soutenus dans les domaines du renseignement, de la surveillance et de la reconnaissance peuvent aider à détecter et à démanteler le contrôle et la taxation qu’effectuent ces groupes sur les routes commerciales et celles de contrebande.

Un effort soutenu est également nécessaire pour empêcher que les flux monétaires internationaux ne parviennent dans les coffres d’acteurs illicites et d’extrémistes violents. Le Fonds monétaire international (FMI) et le Groupe d’action financière (GAFI), ainsi que des initiatives bilatérales, participent à la surveillance et à l’engagement des pays africains dans l’identification des zones à risque et la lutte contre le blanchiment de capitaux, ainsi que le financement du terrorisme y compris par le biais de systèmes de transfert de fonds informels tels que hawala 61. Par ces engagements, les acteurs internationaux ont aidé les partenaires africains à réduire les effets déstabilisateurs des transferts illicites sur leurs systèmes financiers. Pour la majorité des pays confrontés au trafic de migrants, toutefois, en dehors de leurs capitales, les institutions financières formelles permettant aux personnes de transférer des fonds font défaut. Élargir l’accessibilité et améliorer la fiabilité de tels réseaux financiers devrait être une priorité.

Établir un contrôle gouvernemental durable dans les principales zones de transit passera également par le rétablissement de la confiance avec les communautés périphériques. Une sécurité et une fiabilité accrues de ces routes relanceront à elles seules l’économie facilitant ainsi la création d’emplois. De plus, l’élargissement des possibilités pour ces communautés de gagner leur vie grâce à des biens et services licites favorisera des conditions permanentes pour une coopération entre gouvernement et communauté. Interrompre simplement les activités illicites sans promouvoir de nouvelles alternatives aura une valeur limitée pour les communautés vulnérable à la pauvreté, au chômage élevé et au recrutement par des groupes militants.

Cette approche à plusieurs volets aura l’avantage de non seulement affaiblir la capacité de ces groupes à tirer profit du trafic illicite, du trafic d’êtres humains, de la contrebande, mais aussi de renforcer les systèmes financiers des pays les plus exposés à l’exploitation par des groupes armés et des extrémistes violents.

Protection des demandeurs d’asile et des migrants

4. Parrainer l’ouverture de consulats dédiés au traitement des demandes d’asile au sein des pays d’origine et de transit. Tout comme le plan d’action global pour les réfugiés indochinois (CPA) avait dissuadé les demandeurs d’asile de risquer des traversées maritimes dangereuses en proposant un traitement de leurs demandes d’asile dans leur pays, la mise en place d’un programme similaire au sein des principaux pays d’origine et de transit réduirait le nombre de demandeurs d’asile tentant d’effectuer le périlleux voyage le long des trois principales voies de migration en Afrique. Si l’asile lui est accordé, un réfugié se verrait octroyé des documents appropriés et des ressources adéquates pour voyager en toute légalité et sécurité. Si l’asile ne leur est pas accordé, les migrants sont avertis des dangers potentiels auxquels ils s’exposent et informés des voies  plus sûres et légales de migration telles que les demandes de visa de travail ou d’études dans le pays de destination souhaité ou d’autres pays plus sûrs. Dans les deux cas, fournir aux candidats à la migration des informations en temps réel sur les risques et sur les opportunités légales et sûres qui s’offrent à eux aiderait les demandeurs d’asile et les migrants à prendre de meilleures décisions en toute connaissance de cause.

L’établissement de consulats de pays de destination dans des lieux de transit bien connus, plus proches des pays d’origine, pourrait offrir à ceux ayant des demandes d’asile légitimes une alternative au voyage périlleux et coûteux vers l’Afrique du Nord et à travers la Méditerranée. En 2018, la France a, par exemple, ouvert un bureau consulaire dans un centre de migration au Niger afin de traiter les dossiers des 2 000 demandeurs d’asile évacués par l’OIM de la Libye vers le Niger 62. Alors que la France et une poignée d’autres pays ont réinstallé des réfugiés identifiés par le HCR, des stratégies plus globales sont nécessaires pour le succès de tels programmes. Ceux qui n’ont pas été retenus pour la réinstallation restent dans les centres d’accueil des Nations Unies au Niger. Cinquante mille autres demandeurs d’asile et réfugiés identifiés et enregistrés auprès du HCR restent en Libye. En outre, il y a encore des centaines de milliers de personnes en Libye, confrontées à l’exploitation et à l’abus qui n’ont pas été identifiées par le HCR.

Toutefois, la mise en place de consulats et le traitement efficace des demandes d’asile au sein des centres de migration au Niger et autres pays d’origine et de transit peuvent sauver davantage de vies en empêchant les candidats à la migration de s’embarquer dans des voyages potentiellement infructueux et dangereux. L’objectif est de créer des opportunités pour les migrants et les demandeurs d’asile d’accéder aux représentants du gouvernement habilités à accorder l’asile ainsi que de leur fournir des informations réalistes et en temps réel sur des alternatives. L’OIM indique que ses campagnes de sensibilisation du public ont dissuadé environ 55% des migrants qu’elle a pu toucher au Niger de poursuivre leur voyage vers la Méditerranée. Cela diminue également les frais de contrebande et les gains mal acquis provenant de l’exploitation des populations et qui sont destinés aux groupes extrémistes criminels et violents.

5. Institutionnaliser la migration régularisée. Dans certains cas, la migration peut résoudre les pénuries de main-d’œuvre fluctuantes. Cette migration quotidienne et saisonnière informelle se passe déjà sans incident dans de nombreuses régions d’Afrique. Pour les migrants de longue durée, une simple carte d’identité de leur pays d’origine leur fournirait un minimum de statut juridique et par conséquent, de la protection. En impliquant les principales parties prenantes (secteur privé, groupes de la diaspora, société civile et partenaires de développement, par exemple), un processus plus systématique peut être mis en place pour créer des corridors de migration régularisés pour les travailleurs du long terme voyageant entre les pays de destination et d’origine.

Le système créé par le gouvernement philippin au nom de ses citoyens travaillant à Hong Kong et à Macao en est un exemple. Le résultat a été une étape décisive dans la protection des droits des travailleurs migrants philippins et l’assurance d’une relation économique positive entre les pays. La création de moyens de migration régularisés contribuera à réduire l’économie illicite et permettra au secteur de la sécurité de se concentrer plus facilement sur les réseaux de trafic et les extrémistes violents.

6. Intensifier l’harmonisation des politiques nationales en matière d’asile et de migration, comme stipulé dans le Cadre de politique migratoire de l’UA pour l’Afrique. La Convention de l’UA régissant les aspects propres aux problèmes de réfugiés en Afrique (1969), le Cadre de politique migratoire pour l’Afrique (2006) et la Convention de Kampala pour les PDI (2009) accordent une reconnaissance juridique à tous les Africains déplacés, quel que soit le motif de leur mobilité. Ces conventions couvrent un large éventail de questions connexes : migration de travail, migration irrégulière, déplacement forcé, migration interne, la collecte de données sur la migration, gestion des frontières, migration et développement, et coopération interétatique et interrégionale. Cependant, les principes et directives énoncés dans ces conventions ne sont souvent pas appliqués dans la pratique. Par conséquent, une priorité pour les États membres de l’UA et les CER consiste à élaborer des politiques spécifiques aux pays et aux régions qui mettent en œuvre une approche unifiée par rapport à la circulation des citoyens dans leurs régions respectives afin d’optimiser les avantages économiques, sociaux et en matière de stabilité.

Pendant que l’UA facilite une intégration économique élargie du continent – telle que la zone de libre-échange continentale africaine (ALEAC), la région doit également s’adapter au mouvement de la main-d’œuvre vers les régions à plus forte croissance économique. Sinon, les migrants en situation irrégulière continueront de constituer un paratonnerre pour les tensions sociales et l’instabilité politique.

Les gouvernements africains devraient, de la même manière, accélérer les efforts pour harmoniser leurs lois en matière d’immigration – notamment en créant des systèmes qui permettent un processus de passage des frontières ordonné, transparent et légal. Un tel processus institutionnalisé réduirait les possibilités d’exploitation des migrants économiques et des populations déplacées de force et surtout, cela réduirait la demande de passeurs.

Bien que certaines mesures prennent nécessairement du temps pour être mises en œuvre, des modifications immédiates peuvent être apportées. Comme l’ont défendu l’Ouganda, l’Afrique du Sud et l’Éthiopie, les États membres de l’UA devraient s’employer à permettre aux demandeurs d’asile la liberté de circulation, le droit au travail et le droit à l’éducation pendant qu’ils cherchent refuge. L’expérience montre que cette politique offre aux réfugiés non seulement une plus grande flexibilité dans l’identification de leur propre solution, mais aide également les communautés hôtes en favorisant la participation économique et l’investissement par les réfugiés eux-mêmes.

De même, au lieu d’imposer une amende ou d’emprisonner des migrants qui ne possèdent pas de documents appropriés, les autorités devraient les aider à les obtenir, ou à les rapatrier si nécessaire. Le défi ne sera pas de concevoir une législation en elle-même, car de nombreux exemples adéquats existent déjà, mais plutôt de veiller à ce qu’elle soit appliquée de manière équitable et ne devienne pas une opportunité de corruption, de fraude ou de discrimination.

7. Investir dans la collecte de données pour faciliter l’harmonisation et l’élaboration des politiques. Les pays africains d’origine et de transit ne surveillent pas nécessairement la circulation des personnes franchissant leurs frontières. Par conséquent, il existe très peu de données sur lesquelles des pays, des organismes régionaux et des acteurs internationaux peuvent se baser pour élaborer une politique raisonnée et efficace.

La participation à la collecte de données sur les migrations est utile non seulement pour identifier les populations vulnérables et budgétiser une assistance financière, mais également pour la planification urbaine et commerciale entre autres outils importants de gouvernance locale et nationale.

Pour aider à combler les lacunes en matière de capacités et de ressources contribuant à ce manque de données, l’OIM a introduit un outil d’analyse des données de migration dans 16 pays africains. Le système MIDAS recueille des informations et des données biométriques des migrants afin de fournir, entre autres des informations, des schémas de mouvements migratoires basés sur de données factuelles relatives au trafic transfrontalier de ces pays. La conception d’un outil de collecte de preuves universellement accepté et abordable permettant de surveiller et d’évaluer les flux des populations et leurs causes, faciliterait considérablement l’analyse et l’élaboration de politiques aux niveaux local, national et international.

Les véritables préoccupations concernant la confidentialité et l’utilisation abusive de données biométriques par des gouvernements répressifs imposent certaines restrictions pour adapter ces outils de manière plus large. Néanmoins, des efforts systématiques pour suivre les mouvements de population peuvent favoriser une meilleure coordination régionale.

Expansion des opportunités d’emploi

8. Investir dans la création d’emplois au sein des pays d’origine des migrants économiques. Avec la population africaine appelée à doubler d’ici 2050, des investissements seront nécessaires pour améliorer la capacité de production des économies africaines afin qu’elles soient en mesure d’absorber et de bénéficier d’une main-d’œuvre croissante qui devrait atteindre plus de 1,1 milliards d’ici là. Cela nécessitera un renforcement des biens publics tels que la qualité des systèmes éducatifs, des réseaux électriques, des routes et des capacités de communication susceptibles d’améliorer la productivité ainsi que la compétitivité globale de l’Afrique dans les secteurs de la production manufacturière et agricole orientés vers l’exportation.

L’expansion des possibilités d’emploi nécessite des investissements stratégiques dans les pays d’origine des migrants économiques (surtout en Afrique de l’Ouest et du Nord) et dans les pays de destination africains (tels que l’Afrique du Sud, le Nigéria et certaines régions d’Afrique du Nord).

En investissant dans des stratégies de développement qui élargissent les possibilités d’emploi dans ces pays, les acteurs internationaux peuvent mieux orienter leurs ressources d’assistance limitées, allant du traitement des symptômes au changement des conditions, et qui contribuent à déplacer tant d’Africains et à les pousser à migrer plus loin en premier lieu.

Une grande partie de la croissance africaine ayant lieu dans les zones urbaines, les infrastructures urbaines de base telles que l’eau, l’assainissement et les transports devraient faire l’objet d’une plus grande attention afin de prévenir la pression générée par le désespoir des bidonvilles urbains en expansion 63.

. Il sera particulièrement important d’investir dans l’éducation des filles. Les filles instruites favorisent de meilleurs résultats de développement pour des communautés entières. Elles ont également tendance à être plus âgées au premier mariage, ce qui a pour effet de faire baisser le taux de natalité, réduisant ainsi la pression démographique à long terme.

Même avec l’urbanisation rapide, une majorité d’Africains continuent à vivre dans les zones rurales. Dans certains cas, les habitants des zones rurales représentent 70 à 80% de la population. Les stratégies de création d’emplois doivent donc investir simultanément dans l’agriculture et les services ruraux. L’agriculture est un secteur qui peut absorber un grand nombre de travailleurs relativement peu qualifiés. La recherche et la formation en matière d’amélioration de la productivité des petites exploitations agricoles, le renforcement des droits de propriété et un processus systématique de réforme agraire constitueront un moyen important de stimuler la création d’emplois et de s’adapter aux conditions environnementales changeantes dans les zones rurales.


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