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Trajectoires de la violence contre les civils par les groupes islamistes militants d’Afrique

La violence des groupes extrémistes contre les civils est motivée par des facteurs spécifiques au contexte – griefs des exogroupes, intimidation pour contrôler un territoire et réaction à des mesures de sécurité brutales – qui nécessitent une réponse renforcée au niveau communautaire et un professionnalisme militaire.


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A displaced person builds a shelter at the Mentao Nord camp in Burkina Faso

Une personne déplacée construit un abri dans le camp de Mentao Nord au Burkina Faso. (Photo : Pablo Tosco/Oxfam)

L’Afrique a connu une augmentation constante de la violence islamiste militante au cours de la dernière décennie. Cette escalade s’est caractérisée ces dernières années par une recrudescence de la violence visant les civils. En 2021, un quart de toutes les attaques liées à l’islamisme militant ont visé des civils. À titre de comparaison, ce chiffre était de 14 % en 2016.

La fréquence des attaques contre les civils a varié dans les cinq principaux théâtres de la violence islamiste militante en Afrique le Sahel, la Somalie, le bassin du lac Tchad, le nord du Mozambique et l’Afrique du Nord soulignant les moteurs et stratégies distincts de ces groupes. Comprendre les variations des schémas de violence contre les civils dans ces contextes locaux est donc essentiel pour améliorer la protection des civils contre ces attaques.

La logique stratégique de la violence contre les civils par les groupes islamistes militants d’Afrique

La structure de l’environnement concurrentiel dans lequel opèrent les extrémistes violents façonne largement les stratégies et les choix de cibles de chaque groupe. Par exemple, les groupes extrémistes violents qui manquent de sources de soutien extérieures et opèrent dans des régions caractérisées par un faible niveau d’hostilité envers les exogroupes sont plus susceptibles de concentrer la plupart de leurs attaques sur des cibles étatiques plutôt que sur des civils. Les groupes qui exercent un plus grand contrôle sur un territoire ont également tendance à faire preuve de plus de retenue dans le recours à la violence contre les civils.

Cependant, ceux qui ciblent les civils le font généralement dans des environnements de conflit multi-acteurs marqués par une compétition intense et un antagonisme élevé entre les exogroupes. Les contextes de divisions socio-économiques en fonction de l’ethnie, de la religion, des moyens de subsistance et de la race et marqués par une forte hostilité et un antagonisme entre endogroupes et exogroupes correspondent à des niveaux plus élevés de violence contre les civils.

Tunisians protest in January 2012

Des soldats de la paix de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) patrouillent dans les rues de Gao, dans le nord du Mali. (Photo : UN Photo/Marco Dormino)

La violence contre les civils est également une fonction de la faiblesse des structures organisationnelles des groupes militants. L’incapacité des dirigeants d’un groupe militant à contrôler le comportement de leurs combattants est fortement associée à des niveaux plus élevés de violence contre les civils.

Les réponses sécuritaires des gouvernements jouent également un rôle dans la violence des islamistes militants contre les civils. Une pression soutenue sur les acteurs extrémistes violents peut dégrader leur structure organisationnelle et réduire leur capacité à attaquer les civils. Cependant, dans la mesure où les actions du gouvernement sont perçues comme une punition collective ou sont menées principalement sur la base de la composition ethnique d’une communauté, elles peuvent stimuler le recrutement de groupes militants, entraînant une augmentation de la violence des extrémistes contre les civils. La pression des forces de sécurité peut également déclencher des représailles de la part de groupes islamistes militants visant à intimider les communautés locales pour qu’elles ne coopèrent pas avec le gouvernement.

En s’appuyant sur ces explications de la violence contre les civils, cette analyse offre un aperçu de l’évolution des tendances de la violence civile au Sahel, en Somalie et au Mozambique.

La victimisation civile au Sahel en pleine expansion

Ces dernières années, le Sahel a connu une escalade rapide de la violence des groupes islamistes militants contre les civils. En 2017, les attaques contre les civils représentaient un cinquième de tous les actes de violence dans le théâtre du Sahel (38 des 187 événements violents enregistrés). Ce chiffre a atteint 42 % en 2021 (833 sur 2 005). Le Sahel est ainsi la région du continent où la violence islamiste militante contre les civils est la plus élevée. Elle représente 60 % de l’ensemble des violences contre les civils en Afrique.

L’évolution des contextes de conflit a façonné les stratégies et les modes de ciblage des acteurs armés entrainant des variations dans les niveaux de violence contre les civils à travers et au sein des pays sahéliens du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Il s’agit principalement du Front de libération du Macina (FLM) (l’élément le plus actif de la coalition Jama’at Nusrat al Islam wal Muslimin (JNIM)) et de l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS).

Les tensions intercommunautaires se sont fortement polarisées dans les régions contestées du Sahel. Les groupes islamistes militants ont habilement exploité les rivalités inter et intracommunautaires pour les ressources et les droits. Ces groupes ont également amplifié les frustrations liées à l’incapacité perçue des gouvernements respectifs afin d’intensifier le recrutement parmi les éleveurs peuls, longtemps lésés par rapport aux communautés agricoles voisines. Cette situation a donné lieu à des massacres meurtriers en représailles, tant par des groupes islamistes militants que par des milices d’autodéfense ethniques.

ISGS fighters near the Mali Niger border

Des combattants de l’EIGS près de la frontière entre le Mali et le Niger. (Photo : saharan kotogo)

L’expansion spectaculaire de l’activité islamiste militante au Sahel ces dernières années – tant en termes de nombre d’événements que de portée géographique – a apparemment affaibli les structures de commandement et de contrôle de ces groupes. Le FLM et l’EIGS ont eu du mal à maîtriser leurs subordonnés dont le comportement est devenu plus exploiteur, contrôlant les mines d’or artisanales et extorquant les communautés locales. Il en résulte des déconnexions entre les revendications des chefs de groupes au Mali et le comportement réel de leurs membres ou groupes dans des lieux périphériques où les groupes exercent un moindre contrôle territorial.

Par exemple, dans la région du delta intérieur du Niger, au centre du Mali,  les nomades peuls qui ont rejoint le FLM ont exigé que le groupe étende ses attaques au-delà des forces de sécurité et de leurs collaborateurs locaux présumés, pour riposter également contre des villages entiers de fermiers dogons entiers soupçonnés d’être complices des attaques des chasseurs dogons contre les communautés peules. Certains combattants peuls mécontents ont quitté la base du FLM dans le delta intérieur du Niger pour renforcer les défenses de leurs communautés contre les attaques dogons. Ces combattants, à leur tour, seraient responsables de diverses attaques contre des civils dogons dans la région.

Dans d’autres cas, les affrontements entre les groupes islamistes militants eux-mêmes ont contribué à l’escalade de la violence. Dans les zones humides du delta intérieur du Niger, des conflits au sein du FLM ont éclaté entre les membres locaux du delta et ceux des plaines du Seeno pour l’accès aux herbes des zones humides. L’incapacité du FLM à résoudre ces tensions a conduit certains combattants Seeno à faire défection vers des groupes liés à l’EIGS. Les tentatives agressives de l’EIGS d’exploiter ces divisions et de détourner les combattants du FLM ont détérioré les relations entre les deux et ont conduit à des confrontations ouvertes entre le FLM et l’EIGS en 2020. Les affrontements entre les deux groupes et leurs affiliés pour le contrôle du territoire et le recrutement ont contribué à une forte augmentation de la violence et à la mort de civils pris au piège, ainsi qu’à l’affaiblissement de la capacité opérationnelle de l’EIGS.

Les forces gouvernementales confrontées aux groupes islamistes militants du Sahel ont parfois contribué à l’escalade de la violence contre les civils. Les tactiques musclées des services de sécurité ont aliéné certaines communautés pastorales Fulani, renforçant ainsi le discours selon lequel ces communautés sont un exogroupe et favorisant le recrutement de groupes islamistes militants. Cela a permis d’accroître la violence contre les civils dans les régions contestées. Le fait que les forces de sécurité gouvernementales s’appuient sur des groupes d’autodéfense communautaires dans leurs opérations de sécurité, en l’absence d’une surveillance étroite, a également aggravé les tensions communautaires et déclenché des formes de violence plus meurtrières contre les civils.

Flux et reflux dynamiques de la violence en Somalie

Au cours de son insurrection en Somalie, le groupe Al Shabaab a surtout été impliqué dans des embuscades, des attaques complexes et des combats avec les forces de sécurité étatiques et non étatiques et l’AMISOM. Dans une moindre mesure, il emploie des kamikazes, déploie des engins explosifs improvisés (EEI) et procède à des assassinats ciblés de responsables gouvernementaux et de civils à des fins d’intimidation. Il impose également des punitions sévères aux civils qui violent le code juridique du groupe extrémiste. Ces attaques visent essentiellement à contrôler le territoire et l’influence vis-à-vis des forces gouvernementales et régionales. La brutalité de ces forces n’est pas perçue comme une escalade de la violence d’Al Shabaab contre les civils.

Le recours tactique d’Al Shabaab à la violence contre les civils a fluctué au fil du temps, s’adaptant à de nombreuses dynamiques liées aux stratégies de sécurité du gouvernement somalien et de ses partenaires. Par exemple, lors de son apogée territoriale entre 2009 et 2010, le comportement violent d’Al Shabaab contre les civils était relativement limité. La grande majorité des événements violents liés à Al Shabaab au cours de cette période ont pris la forme de batailles avec les forces somaliennes et internationales.

Après que les interventions des forces de sécurité régionales ont menacé la survie du groupe, son contrôle territorial s’est réduit, tout comme sa capacité à organiser des attaques contre les civils. Au fil du temps, le groupe a accru son recours aux attentats-suicides et aux engins explosifs improvisés (violence à distance), qui ont représenté un pic de 83 % des décès de civils en Somalie entre 2015 et 2016. Al Shabaab a également intensifié ses violences à l’encontre des civils,  notamment contre les entreprises qui ne leur versaient pas d’argent pour leur protection, a sévèrement puni les dissidents et s’est vengé de ses ennemis. Les 3 années suivantes (2017-2019) ont été meurtrières pour les civils, Al Shabaab ayant perpétré près de 900 attaques directes et indirectes contre des civils en Somalie, faisant près de 2 000 morts selon les estimations. La plupart de ces décès sont dus à des engins explosifs improvisés. Si Al Shabaab joue sur certains aspects de l’antagonisme entre exogroupes, ayant historiquement tiré la plupart de son soutien des sous-clans Gaaljecel et Duduble du clan Hawiye, la plupart des violences civiles semblent être motivées comme un outil de coercition.

Ces dernières années, les affrontements entre Al Shabaab et les forces de sécurité se sont multipliés et représentent près des trois quarts de tous les événements survenus en Somalie. Néanmoins, la violence contre les civils reste persistante, représentant environ13 % de l’activité violente d’Al Shabaab. Cette violence semble avoir pour but d’isoler le gouvernement en limitant le soutien de la communauté. Dans le nord-est du Kenya, par exemple, Al Shabaab a pris pour cible des enseignants, des travailleurs de la santé, des administrateurs publics et des ouvriers du bâtiment chrétiens afin de forcer ces professionnels à partir en grand nombre.

Comme cela a été le cas tout au long des 15 années d’insurrection d’Al Shabaab, le groupe reste mortel en Somalie et est peut servir de perturbateur dans la sphère politique en exploitant les conflits interclaniques et le factionnalisme politique du pays. Malgré plusieurs revers militaires et des scissions internes occasionnelles, Al Shabaab a démontré sa capacité à se regrouper, à évoluer sur le plan tactique et, malgré tout, à prospérer sur le plan financier. Ces tendances se sont poursuivies en 2021, Al Shabaab poursuivant sa campagne d’attentats-suicides et d’attaques à l’explosif improvisé contre des cibles gouvernementales et civiles à Mogadiscio et dans d’autres capitales des États somaliens.

Trajectoire ascendante de la violence au Mozambique

L’intensification de la violence dans la province de Cabo Delgado au Mozambique a eu un impact catastrophique sur les civils. Depuis octobre 2017, date à laquelle le groupe Ahlu Sunnah wa Jama’a (ASWJ) a commis son premier acte de violence à Mocímboa da Praia, quelque 1 400 civils ont été tués et près de 750 000 civils ont été déplacés, soit environ un tiers de la population totale de la province de Cabo Delgado. La violence de l’ASWJ semble avoir été principalement animée par deux des trois amplificateurs : l’antagonisme envers les exogroupes et les réponses sécuritaires brutales.

Des décennies de négligence du gouvernement et de sous-investissement systématique ont fait de Cabo Delgado la province la plus pauvre du Mozambique. Cela a créé un sentiment généralisé de ressentiment et de frustration, en particulier parmi les groupes ethniques Mwani et Makua, qui accusent la domination des élites commerciales et des fonctionnaires locaux de l’ethnie Maconde le groupe ethnique du président Filipe Nyusi d’être à l’origine de l’exclusion politique et économique des Mwani et des Makua. La découverte de rubis à Montepuez en 2009 et de gaz naturel liquide dans les fonds marins au large de Palma en 2010 a exacerbé les tensions. Les communautés qui ont perdu l’accès à leurs zones de pêche ou qui ont été expulsées de leurs terres cultivées à Cabo Delgado ne voient pas encore se concrétiser les promesses d’emplois et de prospérité. Des dizaines de jeunes Mwani et Makua ont finalement rejoint l’ASWJ. Ses premiers affrontements avec le gouvernement local ont eu lieu en 2015, suivis du lancement d’une véritable campagne extrémiste violente en 2017.

Depuis lors, ASWJ a été impitoyable dans ses attaques contre les installations gouvernementales, les forces de sécurité, les sympathisants présumés du parti politique dominant (le Front de libération du Mozambique (Frelimo)) et les civils qui refusent de se conformer à ses diktats. Les combattants d’ASWJ auraient choisi les Maconde, majoritairement catholiques et considérés comme des partisans du Frelimo, pour les attaques les plus brutales, massacrant des civils, profanant leurs cadavres et brûlant leurs villages et villes.

Les forces armées mozambicaines étaient mal équipées et mal formées pour faire face à une insurrection islamiste militante. Elles ont répondu aux actes de violence brutaux de l’ASWJ par leurs propres tactiques impitoyables, y compris un recours généralisé à la torture, aux exécutions extrajudiciaires de civils soupçonnés de soutenir le groupe et à la mutilation des corps de combattants présumés de l’ASWJ. Cela n’a fait qu’accroître le recrutement d’ASWJ et les représailles violentes contre les civils, qui ont constitué les deux tiers de l’activité violente d’ASWJ en 2020.

Lorsque l’armée et la police n’ont pas réussi à endiguer les avancées de l’ASWJ autour de Cabo Delgado, le gouvernement a engagé des mercenaires russes, puis zimbabwéens et sud-africains. Le gouvernement a également encouragé les civils à former des milices d’autodéfense.

« La trajectoire inversée de la violence contre les civils à Cabo Delgado révèle la différence potentielle d’une réponse sécuritaire plus professionnelle ».

Amnesty International a accusé l’une des entreprises de mercenaires, le groupe sud-africain Dyck Advisory Group (DAG), d’avoir commis des crimes de guerre, notamment en tirant sans discernement des mitrailleuses depuis des hélicoptères et en lâchant des grenades sur des civils. Les tactiques brutales du DAG ont exacerbé les relations déjà tendues entre certaines des communautés lésées de Cabo Delgado et le gouvernement.

Le gouvernement a ensuite autorisé le déploiement de troupes rwandaises et de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) – y compris des forces spéciales sud-africaines – à Cabo Delgado. En 2021, le niveau total des activités violentes d’ASWJ a diminué de 25 %, les attaques contre les civils représentant un peu plus d’un tiers de ces événements. Cette trajectoire inversée révèle la différence potentielle d’une réponse sécuritaire plus professionnelle.

Atténuer la violence militante contre les civils

Cette étude sur la violence des groupes islamistes militants contre les civils en Afrique révèle que les civils sont souvent pris pour cible dans le cadre de récits de griefs intercommunautaires et comme moyen d’intimidation lorsque les extrémistes violents tentent d’affirmer leur contrôle territorial. Les réponses musclées des forces de sécurité, quant à elles, ont presque toujours un effet d’escalade, favorisant le recrutement de groupes extrémistes violents et mettant davantage en danger les civils dans les zones contestées.

Chaque contexte est différent et les appels à un changement de cap doivent être adaptés aux spécificités et aux exigences locales. Compte tenu de l’instrumentalisation de la violence contre les civils par les groupes islamistes militants, une réévaluation et un reciblage des réponses sont toutefois nécessaires.

Women seated with their children as they wait to collect their food ration near Timbuktu, Mali

Des femmes assises avec leurs enfants alors qu’elles attendent de recevoir leur ration alimentaire près de Tombouctou, au Mali. (Photo : EU/ECHO/Brahima Cissé)

Il s’agit notamment de donner la priorité aux efforts visant à empêcher les groupes islamistes militants d’exploiter les tensions communautaires existantes. Les environnements sécuritaires au Sahel et au Mozambique pourraient bénéficier d’efforts accrus de la part des gouvernements et de la société civile pour apaiser les tensions ethniques en facilitant les dialogues intercommunautaires en cours, en renforçant les mécanismes de résolution des conflits et en établissant des règles plus transparentes et équitables en matière d’utilisation des terres et de droits de propriété.

Au Mozambique, où le gouvernement est perçu par les communautés locales comme exploitant les ressources de la région, l’établissement d’un organisme indépendant pourrait être nécessaire pour faciliter ces échanges, y compris l’examen des contrats. Les gouvernements qui cherchent à réduire la violence des militants à l’encontre des civils devraient également donner la priorité à la fourniture de services sociaux de base dans les zones marginalisées afin de remédier à certaines des inégalités et des griefs systémiques qui sous-tendent ces tensions intercommunautaires.

Il convient également de mettre davantage l’accent sur la formation et le déploiement de forces de sécurité professionnelles. Éviter les réponses brutales qui aliènent des communautés déjà lésées peut atténuer le recrutement d’extrémistes violents. Cela peut également réduire la probabilité que les forces gouvernementales amplifient par inadvertance les tensions intercommunautaires. Le déploiement de forces disciplinées et professionnelles peut également protéger les citoyens dans les zones contestées, en créant un tampon entre les communautés antagonistes. Ces actions peuvent collectivement contribuer à briser l’enchaînement qui contribue à la violence militante contre les civils.


Ressources complémentaires