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La poursuite du rêve chinois à travers l’Afrique : cinq éléments de la stratégie sur l’Afrique de la Chine

Le rôle grandissant de la Chine en Afrique fait partie intégrante de la vaste stratégie du Président Xi Jinping visant à redonner au pays la place perçue comme étant légitime de son importance mondiale.


Le président chinois Xi Jinping parle au Forum sur la coopération sino-africaine en 2015. Fondeé en 2000, le sommet se réunit tous les trois ans. Entre les sommets, un comité de suivi des institutions chinoises et africaines met en œuvre et surveille un large gamme de programmes.

Le président chinois Xi Jinping parle au Forum sur la coopération sino-africaine en 2015. Fondeé en 2000, le sommet se réunit tous les trois ans. Entre les sommets, un comité de suivi des institutions chinoises et africaines met en œuvre et surveille un large gamme de programmes. (Photo: GCIS.)

La visite du Président Zi Jinping aux États-Unis suscite d’inévitables comparaisons entre les approches des deux pays quant à leur mobilisation mondiale. Le rôle grandissant de la Chine en Afrique est une vitrine évocatrice de la grande stratégie de la Chine. L’Afrique est un élément essentiel du « Rêve chinois » de Xi – un modèle pour rendre au pays la place perçue comme étant légitime de son importance mondiale. Une partie de ce modèle implique le positionnement de la Chine comme leader du monde en développement par le biais de vastes engagements bilatéraux et multilatéraux. Pour réaliser ces objectifs en Afrique, la Chine considère cinq voies principales :

1. L’engagement économique

La participation économique de la Chine au continent s’est étendue de manière constante au cours des dix dernières années. Beijing exécute environ 2500 travaux de développement, de génie civil et de projets de construction d’une valeur totale de 94 milliards de dollars dans 51 pays africains. Il est difficile de déterminer combien de ces projets sont en phase finale, au-delà des promesses d’engagement, cependant la présence visible d’énormes travaux d’infrastructure sur l’ensemble du continent africain est manifeste. En 2009, la Chine a dépassé les États-Unis en devenant le plus grand partenaire commercial de l’Afrique, et en 2015, les échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique ont atteint 300 milliards de dollars. Le pétrole brut, les matières premières et les ressources naturelles constituent plus de 80 % des 93 milliards de dollars d’importations annuelles en provenance d’Afrique. Les observateurs ont également critiqué la nature transactionnelle de certains engagements de la Chine, en ce sens que la Chine semble surtout intéressée par l’accès et l’exploitation des vastes ressources naturelles de l’Afrique.

2. Les intérêts militaires

En 2015, la Chine était, après la Russie, le deuxième fournisseur d’armes à l’Afrique subsaharienne, représentant 22 % des transferts d’armes vers la région.

Pendant des années, les leaders chinois ont considéré les déploiements militaires externes comme étant « une caractéristique de l’impérialisme occidental ». Ils déclaraient que la Chine « n’intervient pas partout comme le font les hégémonistes ». Pourtant en 2008, la marine chinoise a été déployée pour la première fois hors de la région Asie-Pacifique vers le Golfe d’Aden pour apporter son support au groupe de travail anti-piraterie cautionné par l’ONU. Puis Beijing a déployé un bateau de guerre appuyé par des ressources terrestres et aériennes pour évacuer 35 000 ressortissants chinois de Libye en proie à une escalade de violence en mars 2011. En 2016, l’Armée populaire de libération (APL) a installé des troupes, des équipements et du personnel de soutien à Djibouti, son premier déploiement étranger permanent depuis 1949. Et en 2017, le premier porte-avions construit en Chine entrera en service. Toutes ces mesures sont conformes aux « Nouvelles missions historiques » qui appellent à une capacité expéditionnaire capable, entre autres choses, de sauvegarder les intérêts chinois en pleine expansion sur le continent, de maintenir une présence navale dans l’ouest de l’Océan Indien, de protéger sa marine marchande contre la piraterie et de soutenir la participation croissante de la Chine aux missions de l’ONU en Afrique.

PLA Navy frigate Xuzhou

La frégate chinoise Xuzhou.

En 2015, la Chine a passé une loi sur la lutte contre le terrorisme qui autorise pour la première fois le déploiement de l’ALP dans le cadre de missions étrangères de lutte contre le terrorisme. L’ALP s’est établie en actif partenaire sur la sécurité par des contacts entre armées basés sur des programmes d’entrainement et éducatifs, des conseillers militaires et la construction d’installations militaires et du siège des ministères de la défense. En 2015, la Chine était, après la Russie, le deuxième fournisseur d’armes à l’Afrique subsaharienne, représentant 22 % des transferts d’armes vers la région.

3. Le maintien de la paix de l’ONU

La Chine est à présent le second contributeur financier du maintien de la paix de l’ONU et engage plus de troupes sur des missions que tous autres membres combinés du Conseil de sécurité. Ces contributions s’accompagnent d’un meilleur pouvoir de participation auprès de l’ONU.

Le rôle de la Chine dans les opérations de maintien de la paix de l’ONU est passé de 400 troupes en 1990 à 22 000 en 2013. Cette même année, l’Emploi diversifié des forces armées de la Chine – l’orientation stratégique de défense de la Chine – a fixé les opérations de maintien de la paix de l’ONU comme étant « une priorité stratégique chinoise ».

Chinese peacekeepers in the DRC

Des troupes chinoises en la RDC. (Photo: MONUSCO/Myriam Asmani.)

Initialement, le déploiement des troupes chinoises en Afrique était strictement à but non combatif, tels que des médecins spécialistes et des ingénieurs, et destiné à des zones à moindre risque. Toutefois depuis 2012, l’ALP envoie des troupes de combat dans des environnements à risque élevé, notamment une compagnie d’infanterie dans le nord du Mali et un bataillon d’infanterie au Soudan du Sud. Environ 2500 troupes et agents de la police chinois sont actuellement déployés dans des missions de l’ONU à travers le continent , dont les plus gros déploiements sont au Soudan du Sud (1051), au Liberia (670), et au Mali (402). En 2015, la Chine s’est engagée à fournir 8000 troupes supplémentaires dans le cadre d’une force en attente de maintien de la paix chinoise qui sera placée au service des opérations de maintien de la paix de l’ONU. Beijing s’est également engagé envers le nouveau système de préparation des moyens de maintien de la paix de l’ONU et a alloué 1 milliard de dollars sur 10 ans à un fonds de paix et de développement de l’ONU. La Chine a aussi alloué 100 millions de dollars dans un nouveau financement à la capacité de déploiement rapide de l’Union africaine.

La Chine est à présent le second contributeur financier du maintien de la paix de l’ONU et engage plus de troupes sur des missions que tous autres membres combinés du Conseil de sécurité. Ces contributions s’accompagnent d’un meilleur pouvoir de participation auprès de l’ONU, notamment le Département des opérations de maintien de la paix. La Chine est particulièrement sensible à la façon dont est perçue l’expansion de sa présence militaire. Lors de son allocution de 2015 aux Nations Unies, le Président Xi a affirmé que « la Chine ne poursuivrait jamais l’hégémonie, l’expansion ou la sphère d’influence ». La gestion de cette perception est essentielle à la réalisation d’une plus vaste influence envisagée dans le cadre du Rêve chinois, compte tenu des tensions qui s’intensifient avec les voisins immédiats de la Chine.

4. La formation de partis politiques

La formation de partis politiques est un autre élément de la politique de la Chine sur l’Afrique. Gérés par l’École centrale du parti, les programmes consistent en des présentations sur l’idéologie et la création du parti, la diffusion de la culture chinoise, des visites de terrain et des mentorats de leaders politiques africains ainsi que le déploiement de représentants officiels chinois sur le continent à titre de conseillers politiques. Ces programmes remontent aux années 1960, pour appuyer les mouvements anticolonialisme africains, mais ils ont à présent été étendus aux partis politiques qui n’ont pas d’antécédents dans les mouvements de libération. Ils sont aussi hautement techniques, notamment une formation pratique sur les moyens d’établir des structures organisationnelles, des travaux idéologiques, des systèmes de propagande et l’administration du parti. Selon le Parti communiste chinois, ces programmes ont pour objectif d’« éduquer des partis politiques africains fraternels sur l’expérience de la Chine en matière de développement économique et de gouvernance politique. » Certains ont critiqué la formation qui renforce les modèles autoritaires et qui pourraient exacerber l’instabilité présente sur le continent.

Le modèle chinois insiste sur la subordination de l’armée et du gouvernement au contrôle du parti – dynamique qui rend le secteur de la sécurité vulnérable à la politisation au dépend du professionnalisme.

Il est difficile d’obtenir des chiffres, toutefois certaines données suggèrent que ces programmes ont étendu leur portée. Les partis au pouvoir en Angola, en Éthiopie, au Mozambique, en Namibie, en Afrique du Sud, au Soudan du Sud, au Soudan, en Ouganda et au Zimbabwe sont tous de grands partenaires de formation de l’École centrale du parti. Le Congrès national africain d’Afrique du Sud, à lui seul, a envoyé quatre groupes de 56 membres d’organes supérieurs à des fins de formation entre 2008 et 2012. Récemment, la formation a été étendue aux « leaders de la prochaine génération » par le Programme des jeunes leaders politiques sino-africains. Plus de 200 Africains ont été diplômés de ces programmes entre 2011 et 2015, et Beijing a signalé vouloir augmenter ces chiffres à 1000 dès l’année 2018.

Nombres d’élites au pouvoir s’enthousiasment de ces programmes, cependant certains observateurs africains perçoivent des problèmes sur leur application générale au contexte africain. Le modèle chinois, par exemple, insiste sur la subordination de l’armée et du gouvernement au contrôle du parti – dynamique qui rend le secteur de la sécurité vulnérable à la politisation au dépend du professionnalisme. Ceci est particulièrement problématique en Afrique, compte tenu de la persistance de partis politiques basés sur la personnalité et des styles de gouvernance. Comme beaucoup l’ont suggéré, l’approche « armée du parti » peut s’avérer être un modèle particulièrement dangereux dans des sociétés divisées, les secteurs de la sécurité étant destinés à servir les leaders politiques individuels plutôt que la nation.

5.  Le pouvoir de convaincre

En 1993, « le pouvoir de convaincre à caractéristiques chinoises » est devenu un concept fondamental de politique pour soutenir l’objectif de restaurer l’importance globale de la Chine. Il amplifie des outils non coercitives – diplomatie, consolidation parti à parti, communications stratégiques et accès préférentiel au marché chinois – en tant qu’outils d’influence stratégique, d’échanges éducatifs, scientifiques et culturels. L’initiative de la Chine à représenter son essor comme étant « pacifique » lui permet d’explorer des relations concentrées avec stratégie sans reposer sur la puissance militaire, approche qui améliore la stature globale de Beijing. Le financement de la construction du siège de l’UA, évalué à 200 millions de dollars en tant que « cadeau de la Chine à l’Afrique », est un exemple pratique de la manière avec laquelle le pouvoir de convaincre de la Chine est employé au soutien d’objectifs stratégiques. L’architecte de ce concept, Wang Huning, a conseillé tous les leaders chinois depuis Jian Zemin, et a été identifié pour rejoindre le Comité permanent du Politburo, l’organe de leadership le plus élevé en Chine.

L’engagement de la Chine auprès de l’Afrique est un élément critique dans une stratégie globale en évolution qui possède en son cœur le « grand rajeunissement de la nation chinoise ». Cela fait partie d’une politique étrangère hautement concurrentielle avec d’autres pays et qui cherche à se définir comme experte en matière d’opportunités d’exploitation.

Experts du CESA


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