English | Français | Português
L’Association sénégalaise de la Communauté du Centre d’études stratégiques de l’Afrique (ASCESA) a organisé un webinaire le mercredi 20 décembre, intitulé « Face à l’hémorragie de jeunes causée par la migration irrégulière, quelles politiques publiques peuvent être mises en œuvre pour inverser la tendance ? » La séance a débuté par les remarques du Président de l’ASCESA, le Général Talla Niang, qui a ouvert la séance en réitérant que chacun d’entre nous est un citoyen du monde et que nous trouverons des opportunités dans le défi de la migration irrégulière par le biais de la bonne gouvernance et des réformes. Dr. Cat Kelly, doyenne associée au CESA, a également prononcé le discours d’ouverture et a reconnu que la migration en soi n’est pas mauvaise, mais qu’elle a des implications en matière de sécurité qui nécessitent une action stratégique.
Les participants ont pu entendre les points de vue de trois intervenants : le commissaire Mamadou Bocar Ly du Comité interministériel de lutte contre l’émigration clandestine (CILEC) du gouvernement sénégalais, Mme Valeria Falaschi de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et Dr Ben Nickels du Centre européen d’études de sécurité George C. Marshall, un centre régional frère du CESA. Chaque panéliste a d’abord abordé la question du thème en partageant des données sur le nombre de jeunes qui migrent hors d’Afrique, indiquant que l’ampleur de ce problème est difficile à exprimer et que la meilleure façon de le comprendre est de le comparer d’un trimestre à l’autre. Par exemple, le commissaire Ly a noté que le nombre de migrants ayant quitté le pays au premier trimestre de l’année 2023 était équivalent au total des deux années précédentes.
Dans ses remarques, le Commissaire Ly a identifié la crise économique mondiale, le réchauffement climatique et les conflits frontaliers comme étant les instigateurs de ces « départs massifs ». En termes de réponse, il a souligné le récent plan décennal du Sénégal pour lutter contre la migration irrégulière, la stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière (SNLMI) et les initiatives qui illustrent une méthodologie holistique. Il a introduit des thèmes que d’autres ont repris plus tard dans le webinaire : la réponse du gouvernement doit être multisectorielle, une collaboration entre les différents niveaux de gouvernement, et coordonnée aux niveaux national, régional et international.
Mme Falaschi a rejoint le Commissaire Ly en relevant et en soulignant d’autres causes de migration spécifiques des jeunes : l’analphabétisme et l’accès limité aux écoles, les accords de pêche non appliqués qui privent les jeunes agriculteurs de leur salaire, le chômage général, les représentations de la migration dans les médias sociaux qui se concentrent sur un environnement utopique et excluent les risques, le rôle de la diaspora dans laquelle les familles aimeraient se réunir, et l’incertitude entourant la situation politique et les élections au Sénégal. En outre, Mme Felaschi a souligné que l’on peut s’attendre à ce que les chiffres de la migration soient parallèles à l’augmentation de la population mondiale. Elle convient avec le commissaire Ly que la nouvelle loi sénégalaise constituait un grand pas en avant et faisait du Sénégal un leader dans son approche holistique qui incluait la création d’emplois pour les jeunes, une cause jugée importante par tous les intervenants ayant pris part à cet événement.
Enfin, Dr Ben Nickels a terminé la section des panélistes en faisant un zoom sur l’histoire plus large de la libre circulation des personnes sur le continent et sur l’émergence d’un nouveau terme utilisé pour la migration : la migration irrégulière. Il a noté que le terme n’existait pas avant notre siècle et a attribué sa création au lien établi entre le terrorisme et l’immigration. Dr Nickels a affirmé que nous sommes confrontés à un problème dans lequel les pays tentent de protéger et de contrôler leurs frontières en réponse à la montée du terrorisme. Tout en rappelant l’importance de la prévention, de la gestion des frontières et de la création d’une stratégie globale, comme le montrent les nouvelles initiatives sénégalaises, il a averti que les États devraient tenir compte de la politique actuelle lorsqu’ils lancent de nouvelles initiatives et veiller à ce que la nouvelle politique n’entre pas en conflit avec les mesures existantes.
En ce qui concerne les mesures à prendre, Dr Nickels a mis l’accent sur la conversation et la collaboration. Il a insisté sur la nécessité d’une nouvelle et franche conversation Nord-Sud relative à la démographie, dans l’espoir de forger une vision commune pour l’avenir. Il a noté que les Européens ne comprennent pas toujours les défis et les restrictions de leurs partenaires. Le fait qu’il y aura plus d’Africains en Europe à l’avenir signifie que les acteurs doivent s’attaquer au sentiment anti-immigration en Europe et déterminer comment ils intégreront cette nouvelle population.
Dr Nickels a laissé aux participants l’image de jeunes Marocains qui nettoient leurs plages pour travailler avec l’Espagne en ligne de mire. Alors que ces jeunes pourraient partir en Espagne et quitter ce que certains pourraient considérer comme une position inférieure, ils restent au Maroc parce qu’ils sont fêtés avec de beaux uniformes et un sens de l’honneur dans leur travail de maintien de la propreté des plages pour les citoyens. Dr Nickels a utilisé cet exemple pour proposer une autre approche des défis de la migration : célébrer les jeunes qui sont encore en Afrique, créer les conditions pour qu’ils restent et leur inculquer un sentiment de fierté dans le développement de leur pays.
Après la partie consacrée aux experts, Dr. Kelly est revenue pour faire part de ses réactions et a invité les participants à profiter des recherches et des webinaires du CESA relatifs aux migrations, notamment :
- Tendances migratoires à surveiller en Afrique en 2023
- Tendances migratoires à surveiller en Afrique en 2022
- Frontières en évolution : La crise des déplacements de population en Afrique et ses conséquences sur la sécurité
- Webinar: Trafic de migrants, traite des êtres humains et gouvernance des frontières en Afrique (SÉANCE 3)
En réponse à la mention par Dr Nickel de l’approche du Niger en matière de migration, Dr Kelly a souligné la nécessité d’élaborer des lois nuancées qui ne criminalisent pas tous les aspects du transport des migrants. Par exemple, il est important de faire la distinction entre les personnes qui gagnent simplement leur vie en fournissant des services qui se chevauchent avec la migration et les « passeurs » qui sont délibérément et directement engagés dans le recrutement de personnes pour les faire passer clandestinement le long des itinéraires de migration irrégulière.
Après une séance de questions-réponses, Dr Kelly et le général Niang ont clôturé le webinaire en remerciant les participants et leurs partenaires. Compte tenu des thèmes récurrents du webinaire, à savoir la collaboration et la communication comme ingrédients nécessaires pour aborder la question de la migration des jeunes, on peut dire sans risque de se tromper que le webinaire a constitué un grand pas en avant dans le partage d’idées entre différentes régions, organisations et perspectives.
Pour visionner le webinaire, veuillez cliquer sur ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=RCFyENLC0go