Print Friendly, PDF & Email

Les conflits non résolus demeurent le facteur principal de la crise alimentaire en Afrique

Environ 82 % des 149 millions d’Africains confrontés à une insécurité alimentaire aiguë se trouvent dans des pays touchés par des conflits, ce qui démontre que ces conflits restent le principal moteur de la crise alimentaire en Afrique.


Carte - Insécurité alimentaire aiguë en Afrique

Cliquez ici pour une grande carte.

Points forts

  • Environ 149 millions d’Africains sont confrontés à une insécurité alimentaire aiguë, soit 12 millions de plus qu’il y a un an. Cela équivaut à une catégorie de risque de 3 ou plus (crise, urgence et catastrophe) sur l’échelle de 1 à 5 du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC).
  • Quelque 122 millions de personnes confrontées à une insécurité alimentaire aiguë, soit 82 % du total, se trouvent dans des pays en proie à des conflits, ce qui confirme que les conflits sont le principal facteur de l’insécurité alimentaire aiguë en Afrique.
  • Huit des 10 pays africains les plus touchés par l’insécurité alimentaire aiguë sont confrontés à des conflits.
  • Le nombre d’Africains confrontés à une insécurité alimentaire aiguë, c’est-à-dire 149 millions, a augmenté de 150 % du depuis 2019, lorsque 61 millions de personnes se trouvaient dans cette catégorie.

« Le nombre d’Africains confrontés à une insécurité alimentaire aiguë a augmenté de 150 % du depuis 2019 ».

  • Cela met en évidence les effets cumulatifs des conflits non résolus sur la situation humanitaire en Afrique.
  • Si 38 pays africains connaissent un niveau d’insécurité alimentaire aiguë, deux tiers de cette menace se concentre sur cinq pays : la République démocratique du Congo (RDC), le Nigeria, le Soudan, l’Éthiopie et le Soudan du Sud qui sont tous en proie à des conflits.
  • L’éclatement du conflit au Soudan et à la détérioration de la sécurité dans le nord du Nigéria sont à l’origine de la quasi-totalité de l’augmentation de l’insécurité alimentaire aiguë en Afrique cette année.
  • Quatre des 10 pays les plus gravement touchés par l’insécurité alimentaire se trouvent en Afrique de l’Est : le Soudan, l’Éthiopie, le Soudan du Sud et la Somalie.
  • Dans 19 pays d’Afrique, au moins 10 % de la population est confrontée à une insécurité alimentaire aiguë.
  • Les conflits augmentent l’impact d’autres chocs externes tels que le changement climatique, l’inflation et les perturbations de l’approvisionnement mondial en céréales causées par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le retrait de Moscou de l’accord de la mer Noire sur les céréales, qui avait permis à 33 millions de tonnes de céréales d’atteindre les marchés mondiaux et de faire baisser les prix des denrées alimentaires, en particulier en Afrique, a encore aggravé les perspectives alimentaires.
  • Historiquement, le phénomène climatique El Niño, qui est aujourd’hui de retour, a entraîné une diminution des pluies en Afrique australe, en Afrique de l’Ouest, au Soudan et en Éthiopie.
  • Des décès dus à la faim ont déjà été signalés cette année en Éthiopie et en Somalie. Le Programme alimentaire mondial (PAM) prévoit qu’avant la fin de l’année, 129 000 personnes souffriront de la faim à un niveau catastrophique (IPC 5), notamment au Burkina Faso, au Mali, en Somalie et au Soudan du Sud. L’augmentation rapide de l’aide a toutefois permis d’éviter que davantage de personnes ne soient confrontées à la famine.

Tendances dans l’insécurité alimentaire en Afrique par région

Voici un aperçu des pays africains où le plus grand nombre de personnes se trouvent en situation d’insécurité alimentaire aiguë.

République démocratique du Congo

Environ 25,4 millions de personnes en RDC sont en situation de crise ou d’insécurité alimentaire, dont 3,5 millions en situation d’urgence. Les familles déplacées et les familles d’accueil vivant dans des zones de conflit sont les plus touchées. Les combats entre les groupes armés ont beaucoup augmenté pendant le premier semestre de l’année, provoquant le déplacement sans précédent d’un million de personnes. Plus de 5,8 millions de personnes sont aujourd’hui déplacées à l’intérieur du pays en raison du conflit. Un million d’autres personnes vivent à l’étranger, la plupart en Tanzanie, en Ouganda et au Rwanda voisins.

Les prix des denrées alimentaires ont également beaucoup augmenté, affectant les populations les plus pauvres dans les zones urbaines et périurbaines ainsi que dans les régions isolées.

Nigeria

On estime que 24,9 millions de Nigérians sont confrontés à un niveau de faim en situation de crise ou plus, dont 1,1 million en situation d’urgence. On s’attendait à ce que 4 000 autres personnes tombent dans une situation catastrophique entre juin et août 2023, mais en raison du manque de données, cette estimation n’a pas pu être vérifiée.

Selon la FAO, les contraintes d’accès humanitaire restent très élevées, en particulier à Borno, Yobe et Adamaoua, en raison de la violence actuelle liée aux groupes islamistes militants Boko Haram et État islamique en Afrique de l’Ouest.

Soudan

« Le conflit et l’effondrement économique ont plongé plus de 43 % de la population du pays dans une situation d’insécurité alimentaire aiguë ».

Entre juillet et septembre 2023, le conflit et l’effondrement économique ont plongé environ 20,3 millions de Soudanais (soit plus de 43 % de la population du pays) dans une situation d’insécurité alimentaire aiguë. Parmi elles, près de 6,3 millions de personnes (13 % de la population) connaissent des niveaux d’insécurité alimentaire de la phase 4 (urgence) de l’IPC. Les populations les plus touchées par l’insécurité alimentaire se trouvent dans des régions et des États en proie à des conflits actifs, notamment au Darfour, à Khartoum et au Kordofan.

Les milices des Forces de soutien rapide (FSR) et l’armée ont été accusées de pillages et de détournements de l’aide, bien qu’elles se soient engagées à faciliter l’aide humanitaire. Les FSR sont également été accusées d’assiéger Khartoum, en violation du droit humanitaire international, pour empêcher les civils d’avoir accès à la nourriture et à d’autres produits de première nécessité.

Éthiopie

À la suite d’une guerre de 2 ans dans la région du Tigré, de conflits dans d’autres régions du pays et d’une grave sécheresse qui a frappé la Corne de l’Afrique, environ 20,1 millions de personnes sont confrontées à l’insécurité alimentaire en Éthiopie et 15,1 millions ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence. Après la découverte d’un détournement à grande échelle de l’aide alimentaire en Éthiopie, le PAM et d’autres donateurs y ont suspendu leur aide en pendant 4 mois.

« Environ 5,4 millions des 6 millions d’habitants du Tigré dépendent de l’aide humanitaire ».

Les chercheurs ont constaté qu’au moins 1 300 personnes sont mortes de faim dans le nord du Tigré depuis la fin des hostilités et que ce nombre avait considérablement augmenté depuis la suspension de l’aide alimentaire. Environ 5,4 millions des 6 millions d’habitants du Tigré dépendent de l’aide humanitaire.

Pays africains où les personnes confrontées à l’insécurité alimentaire sont les plus nombreuses

Sources des données : FAO, IPC, FEWS NET, PAM

Soudan du Sud

Au Soudan du Sud, 7,8 millions de personnes soit (71 % de la population) ont été confrontées à des niveaux de crise et de faim élevés cette année. Ce chiffre comprend 2,9 millions de personnes en situation d’urgence à travers le pays et 43 000 personnes en situation de catastrophe dans l’État de Jonglei.

Cette situation est due à l’augmentation des niveaux de violence et d’insécurité ainsi qu’aux « vulnérabilités chroniques aggravées par les chocs climatiques fréquents (graves inondations et périodes de sécheresse), la crise macroéconomique et la faible production agricole ».

Depuis le début du conflit soudanais en avril de cette année, près de 293 000 rapatriés sud-soudanais et réfugiés soudanais sont entrés au Soudan du Sud. Cet afflux exacerbe la situation humanitaire déjà grave au Soudan du Sud, en mettant à rude épreuve les ressources humanitaires déjà limitées et en faisant grimper les prix des denrées alimentaires et des carburants.

Malawi

Le Malawi, l’un des deux seuls pays africains parmi les dix premiers à connaître les niveaux les plus élevés d’insécurité alimentaire aiguë sans connaître de conflit, est depuis longtemps confronté à des pénuries alimentaires chroniques. Cette année, environ 3 millions de personnes (soit 15 % de la population) sont en situation de crise alimentaire. Ce nombre devrait passer à 4,4 millions (22 % de la population) dans les mois à venir, car le Malawi doit faire face aux effets des sécheresses prolongées, des cyclones (comme le cyclone tropical Freddy) et des inondations, qui entraînent une production agricole inférieure à la moyenne. Les prix élevés des denrées alimentaires et la faiblesse du pouvoir d’achat, due à la dévaluation de 25 % du kwacha du Malawi et à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ont également contribué à ces augmentations.

Somalie

« Les communautés somaliennes les plus touchées par l’insécurité alimentaire aiguë vivent dans des zones isolées ou contestées par le groupe islamiste militant Al Shabaab ».

Les communautés somaliennes les plus touchées par l’insécurité alimentaire aiguë vivent dans des zones isolées ou contestées par le groupe islamiste militant Al Shabaab. On estime que 43 000 personnes sont mortes de faim en 2022. Entre 18 000 et 34 000 autres personnes pourraient avoir péri au cours du premier semestre de cette année. Après cinq saisons des pluies consécutives infructueuses, le cycle a été rompu avec les pluies d’avril à juin. Néanmoins, près de 4,3 millions de personnes devraient continuer à connaître des niveaux de crise et d’insécurité alimentaire élevés, dont 1 million subissant des niveaux d’urgence.

Le nombre de personnes déplacées à l’intérieur de la Somalie est estimé à au moins 3,8 millions, dont près de 1,5 million de personnes nouvellement déplacées cette année en raison du conflit, de la sécheresse et des inondations. Le fait que gouvernement et les milices communales alliées luttent toujours contre les forces d’Al Shabaab, couplé à la lassitude des donateurs d’aide humanitaire au niveau mondial, les citoyens somaliens peuvent s’attendre à une instabilité persistante et à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire.

Burkina Faso

Au Burkina Faso, on estime que 3,4 millions de personnes, soit 15 % de la population, ont été confrontées à des niveaux de crise ou pire d’insécurité alimentaire aiguë entre juin et août 2023. La situation est particulièrement grave dans les régions (Sahel, Est, Boucle du Mouhoun, Centre-Nord et Nord) qui connaissent des niveaux élevés de violence, de déplacements liés aux conflits et qui sont assiégées par des groupes islamistes militants. Environ 605 000 personnes se trouvent en situation d’urgence d’insécurité alimentaire, tandis que dans la région du Sahel, près de 43 000 personnes se trouvent en situation de catastrophe alimentaire (phase 5 de l’IPC). La perturbation des marchés et des services sociaux de base par les groupes islamistes militants, y compris les efforts actifs pour détruire les cliniques et les pharmacies, ont aggravé une situation déjà alarmante.

Plus de 60 000 réfugiés burkinabés ont fui vers la Côte d’Ivoire, le Togo, le Ghana et le Bénin, augmentant ainsi la pression sur des communautés frontalières déjà confrontées à des niveaux élevés de pauvreté. Le Programme alimentaire mondial estime que plus de 3,3 millions de personnes ont été confrontées à l’insécurité alimentaire dans les quatre pays entre juin et août 2023, marquant une tendance à la détérioration au cours des quatre dernières années (2019 : 0,13 million, 2020 : 0,48 million, 2021 : 1,5 million et 2022 : 2,2 millions de personnes).