Le Sahel et la Somalie sont à l’origine de l’augmentation de la violence des groupes islamistes militants en Afrique

La violence islamiste en Afrique n'a cessé d'augmenter au cours de la dernière décennie, doublant au cours des trois dernières années.


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Un examen de la violence impliquant des groupes islamistes militants africains au cours de la dernière décennie souligne l’escalade continue, bien que variée, de cette menace.

Les principales conclusions sont les suivantes :

  • La violence des groupes islamistes militants en Afrique a augmenté inexorablement au cours de la dernière décennie, augmentant de 300 % pendant cette période. Les événements violents liés à des groupes islamistes militants ont doublé depuis 2019.
  • Environ 95 % de l’augmentation de la violence islamiste sur le continent depuis 2019 provient de deux théâtres – le Sahel occidental et la Somalie.
  • Des progrès ont toutefois été réalisés dans la lutte contre les groupes islamistes militants en Afrique. Soulignant la grande variabilité entre les régions, la violence islamiste dans le bassin du lac Tchad et en Afrique du Nord a diminué de 33 % et 23 % respectivement au cours de l’année dernière.
  • Le nombre record de 6 255 événements violents liés à ces groupes en 2022 représente une augmentation de 21 % par rapport à l’année précédente. Ce chiffre est proche de l’augmentation annuelle moyenne de 18 % observée sur le continent au cours de la dernière décennie.
  • Les décès liés aux groupes islamistes militants sont également en hausse, atteignant 14 635 l’année dernière – une augmentation de près de 50 % depuis 2019.

Sahel

  • Le Sahel a connu un quadruplement du nombre d’événements extrémistes violents depuis 2019. Avec le Mozambique, il s’agit de la plus forte hausse de la violence de toutes les régions du continent au cours de cette période.
  • Les 2 612 événements violents survenus au Sahel au cours de l’année écoulée constituent la première fois qu’un théâtre autre que la Somalie connaît le plus haut niveau de violence liée aux groupes islamistes militants. La majorité de cette augmentation est générée par le Front de libération du Macina (FLM), qui fait partie de la coalition de groupes islamistes militants Jama’at Nusrat al Islam wal Muslimin (JNIM).
  • Les 7 052 décès liés aux groupes islamistes militants au Sahel représentent près de la moitié de tous les décès de ce type signalés sur le continent.

  • Plus d’un quart des décès signalés au Sahel en 2022 sont le résultat d’attaques contre des civils (1 847). Cela représente une hausse de 67 % par rapport à 2021. Notamment, l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) a été lié à 63 % des décès de civils, même s’il a été associé à moins de 30 % des événements violents. Cette situation s’inscrit dans un schéma de violence disproportionnée de l’EIGS contre les civils observé au cours de la dernière décennie.
  • Bien qu’ils représentent toujours moins d’un pour cent de la violence des groupes islamistes militants au Sahel, ces événements violents ont augmenté dans les États côtiers d’Afrique de l’Ouest. Le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Togo ont connu près de 20 événements violents au cours de l’année écoulée.

Somalie

  • Bien qu’il ne s’agisse pas de la poussée observée au Sahel, la Somalie continue de connaître une augmentation constante des événements et des décès liés à la violence islamiste, avec une hausse de 11 % au cours de l’année dernière. Le nombre record de 2 221 événements violents signalés représente une augmentation de 45 % par rapport à la moyenne sur trois ans de 2018 à 2020. Al Shabaab a été lié à 36 % de tous les actes de violence des groupes islamistes militants enregistrés sur le continent l’année dernière.

  • L’augmentation du nombre d’événements violents impliquant Al Shabaab au cours des dernières années est due en grande partie à un pic des batailles impliquant les forces de sécurité de l’État. Les batailles représentent 72 % de tous les événements violents impliquant Al Shabaab en 2022, soit plus que tout autre groupe islamiste militant sur le continent. À titre de comparaison, en 2019, les batailles ont représenté 56 % de tous les événements violents impliquant Al Shabaab.

Mozambique

  • Après avoir connu un pic entre 2018 et 2020, les événements violents liés à Ahlu Sunnah wa Jama’a (ASWJ), également connu localement sous le nom d’al Shabaab, se sont modérés ces dernières années – bien qu’ils soient toujours en hausse. Les 405 épisodes de violence en 2022 sont supérieurs de 17 % à ceux de 2020.
  • Pour la première fois depuis son apparition sur la scène en 2017, le nombre de décès déclarés liés à ASWJ a diminué au cours de l’année dernière – de 28 % pour atteindre 1 018. Ceci est remarquable dans la mesure où l’un des traits distinctifs d’ASWJ a été son recours disproportionné à la violence contre les civils.

  • Cette baisse des décès coïncide avec l’arrivée des forces de la SADC et du Rwanda. Au cours de l’année écoulée, le nombre de batailles liées à ASWJ a augmenté de 27 %. Néanmoins, les attaques contre des civils constituaient toujours 52% des événements violents liés à ASWJ. Bien que les décès de civils liés aux attaques d’ASWJ aient diminué, le nombre de civils déplacés s’élève désormais à plus de 947 000, soit une augmentation de 25 % par rapport à l’année dernière.

Bassin du lac Tchad

  • Le bassin du lac Tchad a connu une baisse de 33 % de la violence des groupes islamiste militants au cours de l’année dernière. Cela inverse une tendance à la hausse observée depuis 2017.
  • La violence liée à Boko Haram, qui avait atteint son dernier pic en 2020, a connu une nouvelle baisse de 25 % des événements violents qui lui sont attribués.

  • Longtemps connu pour son recours à la violence contre les civils, Boko Haram a vu le nombre de décès de civils qui lui sont liés diminuer de 42 % par rapport au niveau enregistré en 2018. Néanmoins, 45 % des événements violents liés à Boko Haram sont toujours des attaques contre des civils.
  • De même, l’État islamique d’Afrique de l’Ouest (EIAO) a connu une baisse de 38 % de ses activités violentes l’année dernière, soit 474 événements. Cela inverse une forte trajectoire à la hausse de l’activité violente de l’EIAO depuis 2017.
  • Bien que l’EIAO ait commis pratiquement le même nombre d’attaques contre des civils que Boko Haram l’année dernière, le nombre de victimes civiles liées à l’EIAO (345) a presque doublé par rapport à Boko Haram (184). Cela représente une augmentation de 50 % du nombre de victimes civiles de l’EIAO par rapport à l’année précédente, même si le nombre total de victimes liées aux groupes islamistes militants dans la région du lac Tchad a diminué de 27 % pendant cette période.
  • Opérant à partir d’une base dans le nord-ouest du Nigeria, où le banditisme s’est rapidement intensifié ces dernières années, Ansaru, qui a refait surface en 2020 après une interruption de 5 ans, a maintenu une présence limitée jusqu’à présent.

Afrique du Nord

  • L’activité des groupes islamistes militants et les décès qui y sont liés en Afrique du Nord ont chuté de 23 % au cours de l’année dernière, poursuivant une tendance depuis 2015. La quasi-totalité des 222 événements violents et 313 décès signalés en Afrique du Nord au cours de l’année écoulée se sont produits en Égypte et sont liés à l’État islamique dans la province du Sinaï. Ces chiffres représentent une baisse de 50 % des épisodes violents depuis 2019. Les décès sont inférieurs à 10 % des niveaux observés en 2015 et 2016.