Le contexte et les limites de la participation internationale dans l’établissement d’une stabilité durable au Soudan du Sud


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Plenary meeting of the Joint Monitoring and Evaluation Commission (JMEC), March 15, 2017 (Photo by UNMISS/Isaac Billy)

Réunion plénière de la Commission paritaire de suivi et d’évaluation (JMEC) le 15 mars 2017. (Photo: UNMISS/Isaac Billy)

Avec plus de 4 millions de Sud-Soudanais déplacés depuis décembre 2013, une réinitialisation des systèmes et structures qui assurent la sécurité et la sûreté est nécessaire pour se remettre de la guerre. L’appareil sécuritaire gouvernement et les forces de l’opposition ont eu recours aux châtiments collectifs, au déplacement forcé de la population ainsi qu’au dépouillement de la population dans le cadre de la guerre. Des initiatives de recrutement à grande échelle (y compris d’enfants), la mobilisation de milices ethniques, une multiplicité d’acteurs de conflits ainsi qu’un accès facilité aux transferts d’armes sont les caractéristiques d’un conflit dans lequel les cessez-le feu sont sans effet. Pour établir sa légitimité, le gouvernement et ses services de sécurité doivent maîtriser les niveaux extrêmes de violence perpétrée contre la population et mettre en place des contrôles substantiels de l’utilisation de la force. Toutefois, il y a de nombreuses raisons pour lesquelles le soutien international pour une réforme à grande échelle du secteur de la sécurité a peu de chances d’aboutir.

Il y a deux obstacles à la réforme du secteur de la sécurité : la nature de la politique économique du Soudan du Sud, génératrice de violence, et la difficulté des acteurs internationaux à élaborer une approche et à s’investir sur le long terme en vue de mettre en œuvre un processus global de réforme du secteur de la sécurité (RSS). Ces deux défis, conjugués à l’état de guerre continu, laissent prévoir que, sur le court terme, toute tentative de réforme ne permettrait, au mieux, qu’à poser les fondations de programmations futures et réduire le recours quotidien à la violence. Ainsi, les interventions devraient prioriser les changements fonctionnels dans la structure de l’économie politique en vue de créer un environnement propice à un programme de réforme durable.

À propos du changement

Avant d’aborder les obstacles à la réforme, il convient d’examiner la notion de réforme. La trajectoire de déclin dans laquelle le Soudan du Sud est engagé est le résultat d’un renforcement des couches de pressions politiques, sociales et économiques au sein de politiques régionales profondément contestées. Les chocs stratégiques qui auraient pu permettre d’inverser cette trajectoire sont restés largement sans effet et n’ont pas abouti au changement positif escompté. L’indépendance a offert une possibilité de mettre en place un service de sécurité et un programme de gouvernance cohérent au plan national. Pourtant, même la perspective de créer un nouveau pays n’a pas suffi pour unir les intérêts divergents et affaiblir les solides fondations d’un mouvement de libération qui peine à s’établir comme autre chose qu’une milice ethnique. L’arrêt de la production de pétrole en 2012 et l’austérité qui s’en est ensuivie n’ont pas aidé à mettre un frein au pillage de l’État.

Les crises constitutionnelles survenues en 2013 et qui ont précédé l’éclatement de la guerre civile avaient servi uniquement à consolider la puissance du pouvoir exécutif et mettre fin à la reconnaissance de façade des pouvoirs législatif et judiciaire. Le régime au pouvoir a judicieusement utilisé ces défis à son autorité pour renforcer ses objectifs stratégiques globaux de domination ethnique. L’incapacité des acteurs internationaux à comprendre la résilience de ces structures de pouvoir a entraîné le développement d’approches plutôt décevantes visant à changer la situation sur le terrain. Dire que le régime de Djouba est faible est inexact. On observe un degré de résistance alarmant au niveau du régime de Kiir malgré la gravité de la crise quant au processus de formation de l’État et aux déséquilibres fondamentaux au cœur de celui-ci.

Les acteurs internationaux pourraient alors aider le plus en se concentrant sur les voies, qui un jour, pourraient diriger les forces de sécurité et leur patrons politiques dans une direction différente.

Il y a un manque d’imagination en ce qui concerne comment changer la donne stratégique. Une intervention internationale ne se prête peut être pas à cette tâche. Globalement, il semble manquer une convergence des énergies pour créer une disruption stratégique suffisante pour motiver le gouvernement au changement. Les acteurs internationaux pourraient alors aider le plus en se concentrant sur les voies, qui un jour, pourraient diriger les forces de sécurité et leur patrons politiques dans une direction différente.

Ceci est un appel à de la programmation pratique qui prend une approche réaliste sur ce qui est faisable au Soudan du Sud étant donne le niveau d’effort que la communauté internationale est prête à donner. Les acteurs internationaux doivent faire davantage que de développer des nouvelles idées qui, un jour, pourraient être possibles au niveau politique. Ils devraient travailler pour réinitialiser les leviers structurels du pouvoir au sein de l’économie politique pour qu’un Soudan du Sud non violent soit non seulement politiquement possible mais inévitable.

Comprendre le contexte

L’approche internationale à la RSS avant 2013 utilisait une conception idéalisée de l’État et de la société comme base des priorités politiques. Dans le cadre du projet d’édification de l’État, des interventions préemballées avaient été déployées, avec pour objectif de renforcer les capacités de l’État à accomplir des fonctions centrales sans vraiment comprendre l’économie politique du Soudan du Sud.

L’environnement actuel et le nouveau contexte des bailleurs de fonds exigent que toutes les initiatives visant à réformer le secteur de la sécurité sur le court terme soient fondées sur des évaluations réalistes des possibilités avant la mise en place de programmes d’intervention ambitieux. Cela signifie qu’il faut prioriser l’engagement politique par rapport aux solutions techniques et chercher des solutions de programmation innovantes tout en acceptant que le secteur de la sécurité soit un élément essentiel d’un État tribaliste et prédateur dont la légitimité est fondée sur la coercition.

L’État Sud-Soudanais représente une convergence de clientélisme, d’ethnicité et de criminalité. Réinitialiser ces relations est une entreprise multigénérationnelle. Jusqu’à ce que cette gouvernance fondée sur le clientélisme soit réformée, il serait naïf de supposer que plus d’accès et la diversité au sein du gouvernement mènerait à un mode de gouvernance manifestement différent. En outre, l’approche de la « grande tente » à la gouvernance fonctionne seulement à la hauteur des moyens de la kleptocratie.

Toutes les initiatives visant à réformer le secteur de la sécurité sur le court terme soient fondées sur des évaluations réalistes des possibilités avant la mise en place de programmes d’intervention ambitieux.

Pour de nombreux Sud-Soudanais, la violence est un choix réaliste comme moyen de subsistance et, le secteur de la sécurité, tant étatique que non-étatique – est un prolongement de leur économie politique et probablement la seule part viable de celle-ci. Avant l’existence du Mouvement/de l’armée populaire de libération du Soudan (MPLS/APLS), d’une économie pétrolière ou d’un État indépendant, il y avait l’auto-défense, le vol de bétail et les hiérarchies ethniques mutuellement exclusives. L’unité organisationnelle d’un État indépendant a été fondée sur une tradition de terreur et de violence régnant sur une vaste géographie aussi incohérente qu’hostile pour un État-nation.

L’édification de l’État et le l’indépendance nationale demeureront toujours des panacées fragiles face aux défis que présente le Soudan du Sud en termes de géographie, d’histoire et de culture. La présence institutionnelle, la portée territoriale ainsi que le pouvoir grandissant de l’appareil d’État ne pourraient venir à bout du bilan limité des services de sécurité fournis par l’État et des forces qui y sont alignées. Durant les périodes pré- et postindépendance, ces forces fonctionnaient plus comme des forces d’invasion et d’occupation que comme une force de sécurité au service des citoyens. La guerre civile ayant davantage brisé l’illusion de la possibilité d’une sécurité assurée par l’État, toute stratégie de moyen terme doit intégrer le fait que les populations locales continueront à assurer leur sécurité par leurs propres moyens.

Il convient de veiller à ne pas définir l’État et la population en termes opposés. Il existe un éventail de relations entre l’État et la population au Soudan du Sud, et ceci est en grande partie dû aux fractures ethniques, historiques et géographiques qui caractérisent l’État. La gestion des schémas de formation de l’État ainsi que les défis générés par ces fractures exigent un réexamen des relations de pouvoir et des processus d’institutionnalisation au niveau local. Les relations de pouvoir au niveau local déterminent qui reçoit quoi en matière de droits et de ressources. Les institutions naissent lorsque les relations de pouvoir se manifestent dans les systèmes et processus de gouvernance.

L’absence d’institutions politiques qui fonctionnent en dehors des hiérarchies militaires et ethniques empêche l’émergence d’une classe politique à même d’exercer son pouvoir de manière non violente et non-ethnique.

Tenter de créer des institutions sans prendre en compte les relations de pouvoir au niveau local demeurera toujours une approche défectueuse. Toutefois, la gestion des relations de pouvoir au niveau local nécessite de la subtilité, de la présence et de la patience que peu dans la communauté internationale seraient capables d’envisager. Au lieu de se focaliser uniquement sur le soutien institutionnel national, il faudrait considérer plus attentivement la façon de soutenir les dirigeants locaux dans les négociations avec l’État menant ainsi à la réalisation des droits et protections.

De la même manière, en termes politiques, la nécessité d’une réforme au sein du MPLS demeure une question centrale. Toutefois, le succès de cette réforme, en particulier la gestion des tensions occasionnées par la succession, dépend de l’existence d’une institution politique non-militarisée aux niveaux locaux. Malgré le degré élevé de la conscience politique chez les Sud-Soudanais, celle-ci ne conduit pas à la création d’institutions capables de gouverner conformément aux aspirations d’un programme respectueux des droits, décentralisé et orienté vers la fourniture de services et la croissance économique. L’absence d’institutions politiques qui fonctionnent en dehors des hiérarchies militaires et ethniques empêche l’émergence d’une classe politique à même d’exercer son pouvoir de manière non violente et non-ethnique et de formuler un programme de gouvernance clair et précis.

Accepter les limites de l’intervention des acteurs internationaux

Réaliser des changements sur le long terme exige une réinitialisation de l’interaction entre l’État et la société. Ainsi, les acteurs internationaux doivent s’impliquer dans les processus nationaux mais également examiner ce à quoi ressemble l’établissement de la sécurité à travers une approche par le bas et ce qu’est l’engagement externe dans le renforcement de la résilience au niveau du capital social. Les acteurs internationaux doivent également garder à l’esprit que souvent le soutien international est une contrainte pour les chefs locaux au lieu de leur offrir un espace pour élaborer leurs propres programmes et utiliser les ressources intégrées dans les relations locales en vue de renforcer la résilience institutionnelle. Il y a plusieurs niveaux auxquels les acteurs internationaux influencent les relations de pouvoir au niveau local et pourtant ces diverses interventions ne sont pas liées de façon cohérente. Pour réaliser un changement cohérent, la communauté internationale devrait adopter une stratégie holistique et globale au Soudan du Sud. Idéalement, la communauté de bailleurs de fonds, les agences des Nations Unies et de nombreux acteurs externes à but caritatif ou lucratif mettraient en place une plateforme commune autour de laquelle leurs actions convergeraient. Comme cette situation a peu de chances de se produire, la programmation restera fragmentée et inefficace.

La communauté internationale n’a pas toujours la capacité, l’intérêt ou les motivations pour collaborer et coordonner les actions vers un objectif généralement accepté. Au Soudan du Sud, les acteurs internationaux ont également du mal à attirer et retenir du personnel expatrié de qualité et toute planification d’intervention doit prendre en compte l’impact des rotations de courte durée et le manque de personnel expérimenté. Les objectifs d’interventions doivent être en adéquation avec les réalités de la politique mondiale où les niveaux de financement pour le Soudan du Sud ont peu de chance d’atteindre à nouveau les milliards de dollars et, une lassitude des bailleurs de fonds accompagne un profond sentiment d’incapacité à obtenir des résultats significatifs.

Les acteurs internationaux doivent appréhender le Soudan du Sud en adoptant une approche plus globale afin d’examiner leurs objectifs de réduction de la violence non pas seulement en termes de processus formels, technocratiques et nationaux

Cette réalité contraint les acteurs internationaux à examiner de près les autres moyens qui permettront d’arriver à un futur plus en paix avec moins d’argent et moins de personnel expérimenté. Le Soudan du Sud est un contexte d’intervention complexe et l’impact de la guerre civile a été tellement extrême que tout projet de stabilisation doit prendre en compte les niveaux de besoin extrêmes et le niveau d’effort (en personnel et en argent) nécessaire pour satisfaire un minimum de normes humanitaires et les maintenir. La réforme du secteur de la sécurité ainsi que d’autres initiatives visant à stabiliser le pays doivent être ancrées dans ces réalités.

Les acteurs internationaux doivent appréhender le Soudan du Sud en adoptant une approche plus globale afin d’examiner leurs objectifs de réduction de la violence non pas seulement en termes de processus formels, technocratiques et nationaux. Les interventions au niveau national sont certes nécessaires, comme celles mises en œuvre par le biais de la Revue stratégique de défense et de sécurité (RSDS) proposée dans l’Accord sur la résolution du conflit en République du Soudan du Sud. Toutefois, de telles actions doivent être accompagnées d’un éventail d’initiatives locales ainsi que d’autres initiatives. Assujettir les progrès et le financement à des critères définis par les bailleurs de fonds rend la programmation nationale inadaptée aux réalités des contextes où les améliorations sont inégales et lentes à se produire. En outre, de tels critères ne prennent pas en compte la complexité d’un contexte où la militarisation est souvent le seul moyen de survie des citoyens. L’attention particulière portée aux interventions nationales et institutionnelles formelles signifie que les acteurs externes ne sont pas en mesure d’influencer le calcul du bénéfice-risque de la violence au niveau infranational pour les personnes et les populations.

À la recherche d’autres approches possibles

Une véritable approche par le bas en matière de sécurité doit être conçue dans une perspective globale et durable. Seule une certaine cohérence stratégique permettra d’éviter une approche monopiste axée sur un soutien de niveau soit national soit local. Il est nécessaire d’adopter des approches multipistes qui fonctionnent tant au niveau national que local à partir d’une théorie commune qui s’inscrit dans laps de temps générationnel. Les acteurs internationaux sont confrontés au défi de mettre en place simultanément un programme cohérent aux niveaux national et local afin de s’attaquer aux principaux moteurs de conflits à long terme.

Il nous faut nous débarrasser des manuels de la RSS.

Étant donné qu’il y a peu de chances de voir se réaliser l’approche décrite ci-dessus, il nous faut nous débarrasser des manuels de la RSS et commencer à examiner l’espace existant dans le contexte actuel afin de pouvoir travailler à l’élaboration d’une certaine forme d’économie politique peu susceptible de déclencher la violence. La RSDS permettra d’élaborer des bons documents et plans qui bénéficient certes de l’adhésion de certaines élites (et qui vont aussi créer des détracteurs). Mais même les plans les mieux conçus au niveau national doivent être accompagnés de changements fonctionnels dans la vie des personnes qui ont trop volontiers recours à la violence. Il nous faut œuvrer dans la perspective de changer les paramètres décisionnels des personnes et des populations et d’élaborer une programmation qui n’exagère pas la capacité des partenaires internationaux à générer du changement. Les interventions doivent assimiler la dualité du Soudan du Sud – urbain-rural, étatique-non-étatique, traditionnel-formel, etc… – et commencer à revoir les relations complexes à l’origine d’une structure centrale de pouvoir fondée sur des préjugés ethniques et profondément militarisée. Voici quelques caractéristiques d’une telle approche.

Commencer à travailler sur des plans de reconstruction propres à une région qui intègrent les processus de mitigation du conflit au soutien des moyens de subsistance. Il y a trop de différences entre les régions géographiques pour pouvoir mettre en œuvre un programme de reconstruction national ou régional. Les acteurs internationaux peuvent commencer à travailler avec des réformateurs locaux dans des localités choisies afin de gérer l’impact de la guerre et de poser les fondations en vue du retour des civils. Aucune initiative de désarmement, démobilisation ou réintégration (DDR) nationale ou locale ne peut aboutir sans la mise en place de stratégies de subsistance. Les biens locaux, en particulier le bétail et le cheptel, ont été dramatiquement affectés et tous les secteurs du système de marché ont été bouleversés, leur accès a été restreint et ils reposent sur des préjugés ethniques. Il est nécessaire de reconstruire les relations fonctionnelles. La décentralisation fonctionnelle visant à supprimer la marginalisation ne peut se réaliser qu’à travers le changement au niveau des schémas de production et de l’accumulation de richesses. Dans une perspective de transformation, les acteurs doivent adopter des approches globales aux communautés où la programmation est axée sur le changement des composantes fonctionnelles de l’économie politique, à savoir, la sécurité, la production, la richesse et les connaissances.

Engager le dialogue avec d’autres groupes armés afin de comprendre leurs doléances et intérêts.

De tels dialogues pourraient déboucher sur des solutions locales à certains des conflits mais surtout, ils pourraient aussi renforcer l’obligation de responsabilité dans les futurs plans d’intégration ou de démobilisation. Vu que l’opposition est devenue un ensemble fragmenté et désarticulé d’acteurs, aucune initiative nationale ne pourra permettre de se focaliser sur des doléances uniques. Sans l’engagement international dans la résolution des conflits locaux, les élites peuvent conclure des arrangements visant principalement l’intégration dans la machine de l’État, comme ce fut le cas de la politique de la « grande tente » – au lieu d’être axés sur l’amélioration de la qualité de la gouvernance.

Réévaluer la manière d’offrir des formations et des mentorats sur les droits humains. Bien que la communauté internationale ait offert de nombreuses séries de formation sur les droits humains aux forces de sécurité, il y a eu peu de réflexion pour déterminer les modules les plus efficaces, l’impact sur le comportement individuel de la formation sur les droits humains ainsi que la meilleure façon d’instaurer une culture au sein de l’armée et chez chaque personne qui rejette l’utilisation incontrôlée et inhumaine de la force. L’enseignement devrait être fortement axé sur le soutien aux soldats et combattants actuels pour qu’un jour, lorsque la démobilisation devient une possibilité, les gens acceptent plus facilement la vie civile et puissent passer outre des  violences extrêmes qu’ils ont perpétrées et dont ils ont été témoins.

Revoir le soutien à l’État de droit en axant le processus sur les prisons et tribunaux. Ces institutions ont perdu leur soutien budgétaire, leurs personnels, leurs dirigeants ainsi que leur pertinence dans le discours national. En 2017, les juges et magistrats ont fait la grève pour protester contre les mauvaises conditions de travail. En outre, on a observé la privation de nourriture des détenus dans les prisons du pays. Rien que fournir de la nourriture et des médicaments aux prisonniers serait une grande victoire pour les droits humains au Soudan du Sud. Afin d’améliorer l’accès à la justice, et par la suite, réduire la violence, les futures actions visant la justice doivent être intégrées aux institutions locales, qu’elles soient étatiques ou traditionnelles.

Réétudier le soutien aux acteurs locaux par rapport aux relations de pouvoir locales et la possibilité d’institutionnaliser des pratiques de gouvernance non militarisées. Parmi les associations de commerçants, de régulateurs de marché, d’éleveurs de bétail et associations de femmes, aux églises, aux tribunaux traditionnels et aux chefs, il y a de nombreux moyens de soutenir les institutions qui ont existé bien avant l’État et qui continuent à jouer un rôle politique. Le soutien international offert à ces acteurs s’est présenté sous diverses formes sans guère de réflexion sur le qui, le quoi et le comment, encore moins sur la façon dont ce soutien est lié aux nombreux travaux de recherche académiques sur ces thèmes.

Conclusion

Bien que la réforme du secteur de la sécurité soit vitale aux initiatives globales de réduction de la violence, l’environnement politique du Soudan du Sud fait que la militarisation l’emporte sur la gouvernance. Les acteurs externes ne devraient pas faire la même erreur et devraient chercher à œuvrer pour une meilleure stratégie de gouvernance principalement axée sur le bien-être et les droits fondamentaux de tous les Sud-Soudanais. Cela exige que les acteurs internationaux soient pleinement conscients de l’espace dans lequel ils peuvent gagner du terrain pour pouvoir explorer des futures opportunités de réforme. La réforme doit être axée sur le niveau de référence de vulnérabilité extrême afin d’altérer la dynamique globale du conflit. Cela nécessite d’explorer la façon dont le pouvoir structurel se manifeste dans l’économie politique et de réinitialiser les relations et pratiques permettant à ce pouvoir de se manifester continuellement par la violence. Il y a certes d’importants obstacles à la réforme du secteur de la sécurité, toutefois, les acteurs internationaux disposent de nombreux espaces et opportunités pour atteindre ces objectifs.

Lauren Hutton travaille en indépendante comme analyste politique et consultante en communication stratégique.