L’augmentation de la jeunesse africaine perçue comme une opportunité et non comme une charge


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Bien que les jeunes soient démographiquement dominants sur le continent africain, ils se voient souvent  comme une minorité exclue. Cette auto-identification en tant que groupe marginalisé, rejeté et, dans certains cas,  craint, peut susciter des sentiments d’abandon et de ridicule qui, sinon correctement traitée, pourrait être catalysé à des fins violentes.

Les panélistes qui ont pris la parole lors d’un séminaire intitulé « Défis Sécuritaires Contemporains de l’Afrique » et, organisé par le Centre d’Études Stratégiques de l’Afrique ont exhorté les décideurs à intégrer les préoccupations des jeunes de manière plus intentionnelle dans toutes les initiatives de sécurité et de développement en Afrique.

Dr Marc Sommers, spécialiste de la jeunesse, des conflits, de l’éducation etde  l’égalité des sexes, homme de réputation internationale et auteur primé, a dit aux participants qu’il y a un besoin de démystifier beaucoup de mythes sur les jeunes, dont l’un est l’hypothèse que les jeunes se livrent nécessairement à des actes de violence au moindre signe d’exclusion sociale, économique ou politique.

VIDEO: Marc Sommers, Africa’s Youth Bulge: Challenges and Opportunties

« La réalité est toutefois différente » a affirmé le Dr Sommers. « On ne peut pas ignorer le rôle que l’exclusion sociale et économique et le jeu de la marginalisation jouent dans la mobilisation des jeunes dans des activités violentes, mais il est également important de reconnaître que les jeunes, pour la plupart, sont pacifiques ».

Les définitions divergentes de la jeunesse sont un aspect important du problème selon le Dr Sommers. Il a expliqué que le terme « jeunesse » est un mot de code pour « jeunes hommes » et qu’elle ignore en grande partie les femmes. « Les interventions ciblant les femmes et les filles ont tendance à être regroupées sous le terme de genre, à la suite de laquelle les jeunes femmes sont plus ou moins complètement mises à l’écart des initiatives de jeunes en dépit du fait que de nombreux ménages ou des enfants  sont chefs de famille et sont dirigés par des filles », a-t-il fait remarquer.

L’autre problème concerne ce qu’il appelle « la tendance à ignorer les différences de classe chez les jeunes ».

« Les jeunes élites sont ceux ciblées par les agences internationales de développement et bénéficient plus de ces programmes que les jeunes ruraux aliénés … Ils sont articulés, ils savent comment encadrer les questions qui les concernent et la plupart d’entre eux ont une formation universitaire ».

Cette exclusion contribue parfois à la croissance de l’animosité entre les jeunes élites et les pauvres, les jeunes ruraux.

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Dr Sommers a également discuté de l’importance de comprendre la dynamique de l’identification des jeunes dans des contextes culturels différents. En tirant parti de son travail sur les questions de jeunesse en Afrique centrale et orientale, il a expliqué que dans les cultures fortement fondées sur la honte du Rwanda et du Burundi, par exemple, la société a enseigné aux jeunes hommes que la construction d’une maison est la marque de la masculinité sans laquelle se marier et élever des enfants sont sérieusement mal vus. L’incapacité d’atteindre cette étape sociale clé soumet les jeunes hommes à un ridicule extrême et à l’ostracisme.

Un obstacle majeur dans les deux pays sont les difficultés économiques qui rendent souvent difficiles, voire impossibles, pour les jeunes adultes de construire des maisons. En conséquence, un nombre croissant d’entre eux reportent le mariage indéfiniment. « Le résultat final est que beaucoup de jeunes mères se retrouvent célibataires, ce qui est une autre source majeure d’ostracisme avec de graves conséquences » a déclaré Dr Sommers.

Il a expliqué que l’ostracisme est tellement grave que des vagues de jeunes hommes quittent les zones rurales pour les villes où ils sont encore plus ridiculisés et plus humiliés « Il ne faut pas beaucoup pour convaincre ces jeunes hommes couverts de honte de se livrer à des activités violentes » a-t-il mis en garde.

Dr Sommers a également expliqué que certains partis politiques de la région recrutent des jeunes sur la base de leur auto-identification en tant qu’individus humiliés.

« Nous voyons ces recrues devenir une jurisprudence en eux-mêmes … ils opèrent en toute impunité … même la police régulière est incapable de les contrôler … c’est la violence qui se dessine et est aggravée par le fait que les partis politiques rivaux recrutent la même catégorie de jeunes à titre de contre-réponse ».

La transformation de l’augmentation de la jeunesse en une opportunité dans ce genre de contextes culturels nécessite une réponse basée sur plusieurs éléments. Premièrement, la nécessité de mieux comprendre la dynamique de l’identification des jeunes, qui varie d’une société à l’autre. Deuxièmement, il y a la nécessité d’interventions politiques qui peut tenir compte de la retombée de l’échec de la masculinité et de celui de la féminité. L’élaboration de politiques sociales et économiques pour donner aux jeunes un sentiment d’accomplissement pourrait faire évoluer la situation.

Dr Sommers a également exhorté les praticiens du développement à prendre les contextes locaux en compte : « Dans la capitale burundaise Bujumbura, les membres de gangs sont des communautés dépossédées et marginalisées alors qu’à Juba, au Soudan du Sud, les gangs ont tendance à attirer les jeunes rapatriés, principalement nés à l’étranger, qui sont incapables de s’adapter aux normes traditionnelles et sociales soudanaise du Sud », a-t-il fait remarquer, pressant les praticiens à adapter leurs programmes de manière approprié.

[Photo credits: United Nations Photo; Africa Center for Strategic Studies]