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Élections compliquées de l’Ouganda: Six problèmes de fond à surveiller


Uganda President Yoweri Museveni

L’Ouganda vient de tenir sa 5e élection présidentielle depuis l’arrivée de Yoweri Museveni au pouvoir en 1986. Pendant cette période, les partis d’opposition ont conquis une part croissante des sièges au parlement. Toutefois, le processus électoral de 2016 a été marqué par les arrestations de candidats de l’opposition, le blocage des médias sociaux et de nombreuses irrégularités. Pour évaluer dans ce contexte, la trajectoire démocratique de l’Ouganda avec une vision plus large, six facteurs institutionnels sont à examiner.

1. Le nouveau visage de l’opposition

Depuis Museveni est arrivé au pouvoir après avoir mené une série de luttes armées, d’abord contre Idi Amin, et plus tard contre Milton Obote – les partis d’opposition traditionnels de Tito Okello-Ouganda ayant dépéri. La rupture du parti au pouvoir du Mouvement de résistance nationale (NRM) a donné naissance a d’autre partis politiques. Ceci est important car de nombreux analystes soutiennent que la véritable compétition démocratique en Afrique ne peut émerger qu’au sein même des mouvements de libération qui dominent encore aujourd’hui la classe politique.

Le plus important partis d’opposition en Ouganda, le Forum pour le changement démocratique (FDC) de Kizza Besigye, fait sa quatrième tentative contre le NRM. Il a renforcé sa position à toutes les élections à l’exception des scrutins de 2011. Le FDC puise dans le mécontentement des ougandais envers le NRM, en particulier parmi les jeunes chômeurs et ceux qui travaillent dans l’économie informelle -deux catégorie qui n’ont pas bénéficiés de la croissance économique que l’Ouganda a connu ces deux dernières décennies.

De nouveaux modes de financement des partis politique ont également émergés. Alors que Besigye a levé le moins de fonds des trois principaux candidats, presque tous provenaient de petits dons. Dit le chef FDC, « Nous avons eu des gens très pauvres qui nous donne 10 shillings ici, 500 shillings là, pièces de monnaie, de la nourriture, des animaux … des meubles … et tout cela avec tant d’émotion. » En bref ce développement des partis politiques, un élément vital pour toute avancée démo cratie, peut être un signe de maturation démocratique de l’Ouganda.

Un étudiant ougandais, Christopher Clapham note que, dans cette transition de mouvement de libération a parti au pouvoir, la légitimité du mouvement auprès du people a commencé à décliner beaucoup plus rapidement que les dirigeants le reconnaissent. Cela est particulièrement le cas parmi la jeune génération, qui n’a pas été impliquée et n’a aucun souvenir des luttes de libération. Insatisfaits, Les jeunes d’aujourd’hui sont donc plus motivés pour une « nouvelle libération ». La population ougandaises est la plus jeune du monde: Plus des trois quarts de la population est âgée de moins de 30 ans, et la moitié a moins de 15 ans. La composition démographique de l’Ouganda, qui reflète les tendances ailleurs en Afrique, va façonner de manière significative la dynamique de la compétition politique pour des décennies à venir.

2. La confiance dans la Commission électorale

Comme lors des élections précédentes, la composition et le fonctionnement de la Commission électorale de l’Ouganda (CE) a été une source de violentes dispute. Une enquête sur les impressions des électeurs menée un mois avant les élections a montré que la Commission est perçue comme inefficace et manque d’indépendance; 89% des personnes interrogées voulaient voir des réformes dans au moins un aspect du processus électoral, y compris de la Commission elle-même.

Bien que le code Constitution et juridique de l’Ouganda prévoie l’indépendance de la Commission, les commissaires sont nommés par le président, ce qui érode la confiance dans l’autonomie de l’institution. D’autres facteurs alimentent cette perception.

Tout d’abord, ses ressources sont insuffisantes pour remplir l’ensemble de ses fonctions assignées. Ces lacunes sont particulièrement évidentes dans l’incapacité à répondre adéquatement au harcèlement et l’intimidation des électeurs.

Deuxièmement, comme lors des élections précédentes, les irrégularités dans le processus d’inscription des électeurs étaient monnaie courante. Celles-ci comprennent des noms d’électeurs en double, des noms manquants, et des noms enregistrés dans la mauvaise circonscription électorale. Une semaine avant le scrutin, la Coalition des citoyens pour la démocratie électorale en Ouganda, un réseau de 600 organisations de la société civile, a appelé la CE à corriger plusieurs anomalies dans le registre électoral national, y compris le nombre gonflés d’électeurs inscrits.

Troisièmement, le processus de vote a subi des retards et des plaintes de fraude électorale dans certains bureaux de vote.

L’étude des expériences de démocratisation en Afrique et dans le monde africaines et dans le monde montres le caractère indispensable des commissions électorales indépendantes pour créer la légitimité que les élections sont destinés à produire – et assurer la stabilité dans leur sillage. L’intégrité de la commission électorale du Ghana est largement créditée de l’acceptation populaire des élections très disputées de 2008 et de 2012. La partialité perçue de la commission électorale du Kenya dans les élections de 2007, a par-contre contribué à la vague de violence qui a suivi.

3. Les milices de jeunes

La mobilisation des milices de jeunes du parti au pouvoir a été une caractéristique des élections ougandaises passées. Toutefois, les partis d’opposition ont également utilisés cette stratégie lors des élections de 2016. Le FDC de Besigye affirme avoir recruté dix jeunes par village, la soi-disant «Power 10», afin de «sécuriser ses votes le jour du scrutin» et «être vigilants». Ce mouvement a provoqué des avertissements de la part du chef de l’armée. D’autres groupes de jeunes proches des partis d’opposition comme les «TJ Solida» et les «Red Top Brigades», qui disent avoir été formé pour faire face aux milices de jeunes du NRM. Le major Roland Mutale, conseiller président, avais annoncé qu’il avait formé les cadres de GRN au «écraser ceux qui se dressent sur le chemin de la route de Museveni à State House.» Mutale a été accusé de la création de milices impliquées dans des actes de violence lors des élections précédentes.

Pour sa part, le NRM a recruté les soi-disant « milices anti-crime, » une force de jeunes volontaires gérés par des organismes à la sécurité « dénoncer et prévenir la criminalité. » Les membres de la force portent les couleurs du parti au pouvoir et seraient prétendument au nombre de 500.000 à 1 million.

Cette dépendance à l’égard des milices de jeunes reflète aussi une tendance plus générale en Afrique – Elle s’est le plus récemment manifestée dans le Burundi voisin par le déploiement des Imbonerakure commandité par le gouvernement.

Les implications politiques de cette tendance en Ouganda sont inquiétantes. Les deux tiers des sans-emploi en Ouganda sont âgés de moins de 30 ans, créant un sentiment global de désenchantement. Cela les rend particulièrement vulnérables à la manipulation politique. « Beaucoup sont à la recherche d’un emploi, d’une intégration dans les forces de sécurité, ou d’autres récompenses pour leur rôle dans les élections », a dit un éminent avocat des droits de l’homme. «Ce sera un défi peu importe qui gagnera les élections. »

4. La neutralité des forces de sécurité

Le gouvernement dit qu’il a déployé jusqu’à 150.000 éléments des forces de l’armée, des services de police et de renseignement pour assures la sécurité des élections de 2016. Durant les scrutins précédents, les forces de sécurité ont réussi à contenir la violence, y compris en 2011 quand les protestations on durés plus d’un mois immédiatement après les élections. Cette année, ils ont rompu plusieurs rassemblements de l’opposition qui ont eu lieu le jour des élections et durant le dépouillement. De son coté, Besigye a été arrêté trois fois pendant la semaine de l’élection.

Le professionnalisme militaire est essentiel pour le développement démocratique et les Forces de défense du peuple ougandais (UPDF), qui est respectée par la plupart des Ougandais et qui a par obtenu de meilleurs résultats à cet égard que les armées ougandaises précédentes. Toutefois, l’héritage de l’éducation idéologique et politique à tous les niveaux de la force perdure. Ce qui pousse beaucoup d’ougandais à penser que l’armée reste vulnérable aux manœuvres politiques. Le NRM insiste pour quel’éducation politique de l’armée ait vaincu la pensée sectaire qui prévalait dans les armées précédentes et a amélioré les relations entre l’armée et les civils. Pourtant, si les élections sont contestées, il pourrait exposer l’armée à la perception de partialité et de nuire à sa réputation durement gagné. La présence active des « milices anti-criminalité » comme une colonne de jeunes formés par le gouvernement confond également le rôle et l’intégrité des forces de sécurité de l’Ouganda.

5. Indépendance de la justice

Le pouvoir judiciaire a été relativement indépendant lors des élections précédentes. En 2001, Besigye a perdu une pétition à la Cour suprême pour annuler le résultat des élections. La décision avait été serrée ; deux des cinq juges avaient estimé que les élections devaient être annulées. En outre, tous les cinq ont trouvé qu’il y avait eu intrusions dans les urnes dans plusieurs bureaux de vote, comme l’avait affirmé M. Besigye. En 2006, une décision identique a été livrée, cette fois par une décision de quatre à trois et, comme en 2001, tous les juges ont convenu que les élections ont été entachées par des irrégularités. « De nombreux Ougandais voir une lueur d’espoir dans notre système judiciaire», explique un juge à la retraite et imminent avocat de droit constitutionnel. « Bien sûr, nous avons encore des problèmes dans l’administration de la justice, mais ce qui est aussi le cas dans d’autres pays, la plupart de ces problèmes ont beaucoup à faire avec des lacunes dans le processus politique dans son ensemble. »

Le pouvoir judiciaire a exercé son autonomie à nouveau en 201, après que Besigye ai appelé à un soulèvement civil pour protester contre le résultat des élections. Il a été arrêté quatre fois, mais toutes les accusations ont été abandonnées car les tribunaux ont statué que le public avait le droit d’organiser des manifestations. De nombreux Ougandais attribuent une grande partie de cette indépendance à la réputation de la justice ougandaise traditionnelle. En tant qu’institution de haut standing, avec des membres qui se sont distingués au pays et à l’étranger. Cette crédibilité peut se révéler essentielle pour résoudre les conflits qui émergent du processus électoral de 2016.

6. Médias et technologies de l’information

Bien que cette élection n’a pas été libre de toute ingérence et censure, les médias ougandais offrent des opportunités pour les multiples voix de prospérer dans les débats nationaux. L’Ouganda dispose de 240 stations de radio privées, de dizaines de publications écrites et de stations de télévision. Les tendances récentes pourraient avoir une incidence positive sur les élections à venir. La tenue de deux débats présidentiels était une première dans l’histoire du pays. Les médias sociaux sont devenus un moyen important de communication pendent les elections. Alors que le président Museveni n’a pas participé au premier débat, il a rejoint les autres candidats à la présidentielle pour le second. Au cours de ce débat Ouganda classé cinquième pays le plus actif sur Twitter en Afrique, a vu 3 millions d’Ougandais « tweeting » ce jour-là.

Les démocraties nécessitent l’accès à des informations indépendantes afin que les citoyens puissent être informés et tenir les hommes politiques en charge responsables. Les progrès de l’Ouganda dans ce domaine – Une tendance observée dans d’autres pays africains, est de bon augure pour son développement démocratique.

En somme, au-delà des résultats des candidats à la présidence de l’Ouganda, les progrès démocratiques dépendent finalement de la consolidation les institutions sur lesquelles non seulement les élections, mais la gouvernance démocratique au jour le jour repose. Cette étude révèle un bilan mitigé. Comment ces institutions vont se comporter dans la période post-électorale va grandement façonner les perceptions et les aspirations démocratiques que les ougandais ont encore à parcourir.

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[Photos: UK Foreign & Commonwealth Office; USAID; Simisa]