English | Français | Português | العربية
« précédente : Gabon (août)
suivante : Seychelles (27 septembre) »
Élections présidentielles et legislatives
16 septembre
L’économie est le principal enjeu de l’élection présidentielle au Malawi. Le Malawi a été particulièrement touché par la grave sécheresse provoquée par El Niño qui a frappé l’Afrique australe en 2024. Le Malawi étant un pays enclavé dont 80 % de la population vit dans des zones rurales, la sécheresse a eu pour effet aggravant de faire grimper le chômage. Ces difficultés ont été exacerbées par une inflation des prix des denrées alimentaires de plus de 20 %. En conséquence, un quart des 23 millions de citoyens du Malawi est confronté à une insécurité alimentaire aiguë.
Les difficultés économiques du Malawi ont un impact direct sur la campagne du président Lazarus Chakwera, qui, en tant que chef du Parti du Congrès du Malawi, brigue un second mandat. Deux anciens présidents se présentent contre Chakwera : Peter Mutharika, 84 ans (du Parti démocratique progressiste), que Chakwera a battu lors de la présidentielle de 2020, et Joyce Banda, 74 ans (du Parti populaire), qui a été présidente de 2012 à 2014. Bien que chaque candidat puisse se prévaloir de son expérience en matière de gestion, chacun est lié à des périodes antérieures de troubles économiques et à des allégations de corruption.
Les principaux enjeux des élections de 2025 au Malawi seront la capacité des institutions civiques et des tribunaux du pays à garantir un processus équitable.
Puisque le candidat gagnant doit obtenir plus de 50 % des voix, il est fort probable que l’élection fasse l’objet d’un second tour. Pour atteindre ce seuil, il faudra probablement former des coalitions avec d’autres partis. Cela pourrait renforcer l’effet de levier des petits partis, tels que le Mouvement uni de transformation (UTM) et le Front démocratique uni, afin de détourner l’attention de la campagne des personnalités et de la politique des partis établis et de l’orienter vers de nouvelles propositions visant à relever les graves défis économiques du Malawi. L’UTM se remet encore de la mort de son fondateur, le vice-président Saulos Chilima, dans un accident d’avion en juin 2024. Chilima bénéficiait d’un soutien particulièrement fort de la part de la jeunesse du Malawi.
Il est particulièrement pertinent de déplacer le débat vers des questions de fond, étant donné les dimensions structurelles de nombreux défis du Malawi, qui dépassent le cadre d’une seule administration. Le premier d’entre eux est la corruption. Le Malawi, classé 115e sur 180 pays par Transparency International dans son indice de la perception de la corruption, est loin d’être parmi les pires pays africains à cet égard. Cependant, l’omniprésence du favoritisme a un impact direct sur les services publics et la création d’emplois, ainsi que sur la confiance du public. Avec un revenu annuel par habitant de 463 dollars, cette mauvaise répartition des ressources est particulièrement préjudiciable.
L’omniprésence du favoritisme a un impact direct sur les services publics, la création d’emplois et la confiance du public.
Le Bureau anticorruption du Malawi (ACB) est opérationnel depuis 1998, a ces dernières années a gagné en indépendance par rapport aux influences politiques. Au cours des trois années de mandat de la directrice générale Martha Chizuma, un nombre record de 119 affaires ont fait l’objet d’une enquête, notamment à l’encontre de personnalités politiques de premier plan, souvent dans le cadre d’affaires de corruption et de fraude en matière de passation de marchés. Cependant, certains hauts fonctionnaires visés étants trop proches du pouvoir, Chizuma a dû faire face à de nombreux obstacles institutionnels avant d’être forcée à démissionner en 2024, après que l’ACB a été privée de fonds. L’un des thèmes centraux de la campagne, qui intéressera les citoyens malawites, sera donc la manière dont l’ACB et les autres organismes de lutte contre la corruption peuvent être renforcés.
Un autre thème prioritaire de la campagne est la diversification durable de l’économie. Compte tenu de sa forte dépendance sur la pluie dans agriculture pour ses moyens de subsistance, le Malawi est particulièrement sensible aux variations météorologiques. Le Malawi abrite l’une des populations les plus jeunes d’Afrique, avec un âge médian de 17,8 ans. La population du Malawi a presque doublé au cours des 20 dernières années. Si l’on ne crée pas suffisamment d’emplois, le Malawi est vulnérable à l’augmentation de la petite criminalité et de la criminalité organisée.
Les pressions démographiques qui s’exercent sur le Malawi se traduisent par des exploitations agricoles de plus en plus petites et par un recul de 21 % de ses forêts depuis 2022. La disparition des forêts contribue à son tour au déclin de la fertilité des sols, de la biodiversité et de la rétention d’eau. Comme 89 % des Malawiens n’ont pas d’électricité, la demande de charbon de bois comme source d’énergie exerce une pression supplémentaire sur ces ressources foncières. La perte du couvert forestier rend le pays de plus en plus vulnérable aux ravages des cyclones — comme l’ont montré les récentes tempêtes Idai et Freddy — et à la prévalence croissante de ces phénomènes météorologiques intenses.
Les tensions de la campagne électorale ont déjà suscité des critiques quant à l’impartialité de la commission électorale du Malawi et aux efforts déployés pour inscrire de nouveaux électeurs. Toutefois, la Cour constitutionnelle du Malawi a une réputation d’indépendance, avec son rejet, qui a fait jurisprudence, des résultats de l’élection présidentielle de 2019 qui avaient donné la victoire au président sortant Mutharika. Ce rejet avait conduit à un nouveau scrutin, que la coalition de Chakwera avait remporté.
L’armée malawienne est également réputée pour son professionnalisme et son indépendance.
Le Malawi bénéficie également d’une identité civique dynamique et d’une société civile résiliente qui exige constamment des niveaux plus élevés de transparence, le respect de l’État de droit et la redevabilité des politiciens. Le Malawi dispose en outre de médias indépendants actifs, et qui ont bénéficié d’un le soutien té renforcé sous l’administration Chakwera. À titre d’exemple, en 2024, la Commission des droits humains du Malawi a statué en faveur des demandes d’accès à l’information du gouvernement, et l’Autorité de régulation des communications du Malawi a attribué davantage de fréquences radio, améliorant ainsi la diversité de la radiodiffusion.
L’armée malawienne est également réputée pour son professionnalisme et son indépendance, y compris lorsque le gouvernement Mutharika a fait pression sur elle pour qu’elle réprime les manifestants lors de la crise électorale de 2019. Les agences de sécurité du Malawi, en particulier la police et l’armée du Malawi, collaborent également à la mise en œuvre d’un plan national intégré de sécurité des élections.
Les principaux enjeux des élections de 2025 au Malawi seront donc la capacité des institutions civiques et des tribunaux du pays à garantir un processus équitable et l’efficacité des coalitions réformistes à s’unir et à forger une voie pour relever les défis urgents du Malawi.
Hany Wahila est assistante de recherche au Centre d’études stratégiques de l’Afrique.
« précédente : Gabon (août)
suivante : Seychelles (27 septembre) »