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Élections présidentielles et législatives
12 avril
L’élection présidentielle au Gabon s’annonce comme un exercice hautement orchestré visant à conférer une certaine légitimité au régime militaire du général de brigade Brice Oligui Nguema, qui a pris le pouvoir par un coup d’État le 30 août 2023.
Le Gabon est en passe de remplacer une forme de gouvernance autocratique par une autre.
Oligui a suivi une séquence d’actions soigneusement chorégraphiée pour se frayer un chemin sans encombre vers la présidence de ce pays riche en ressources de 2,5 millions d’habitants situé dans la région vitale du bassin du Congo. Il s’est notamment déclaré président de transition le 4 septembre 2023, a nommé des loyalistes aux deux tiers des postes du Sénat et de l’Assemblée nationale, a désigné les neuf membres de la Cour constitutionnelle et a organisé un dialogue national étroitement scénarisé à la mi-2024, auquel 200 partis politiques n’ont pas pu participer puisqu’ils en avait été bannis et dans lequel l’armée a joué un rôle de premier plan.
Cette procédure a abouti à la réécriture de la constitution pour permettre aux militaires de briguer des fonctions politiques, supprimer le rôle du Premier ministre, porter les mandats présidentiels à sept ans, abolir le système électoral à deux tours (abaissant ainsi le seuil de soutien populaire nécessaire), transférer la responsabilité de la surveillance des élections, qui revenait auparavant à la commission électorale, au ministère de l’intérieur et d’adopter un code électoral plus strict qui place de nouvelles limites sur les candidats potentiels à la présidentielle.
Chacun de ces changements consolide davantage l’autorité au sein de l’exécutif du Gabon, déjà très centralisé, tout en offrant à Oligui la possibilité d’étendre son emprise sur le pouvoir. Ces changements ont ensuite été validés lors d’un référendum constitutionnel superficiel en novembre 2024.
Le 4 mars 2025, Oligui a annoncé sa candidature à la présidentielle en tant que candidat indépendant.

La garde républicaine du Gabon prend le pouvoir en 2023. (Photo : capture d’écran de « Pressure Mounts on Gabon Junta to Relinquish Power After Coup »)
Oligui semble reproduire le manuel de transition du général Mahamat Déby du Tchad, qui a ignoré le processus de succession prévu par la Constitution pour s’emparer du pouvoir en avril 2021, se déclarer président de la transition, mettre en scène un dialogue national et tenir un référendum constitutionnel vicié qui lui a ouvert la voie pour déclarer sa victoire lors d’une élection présidentielle hautement prévisible en mai 2024.
Oligui a cultivé l’image d’un réformateur en jouant sur la répulsion populaire à l’égard de la prodigalité et de la répression du gouvernement d’Ali Bongo et de la dynastie familiale Bongo qui a gouverné le Gabon pendant 56 ans. Cela occulte le fait qu’Oligui est un confident de longue date de la famille Bongo. Il est le cousin d’Ali Bongo et a été l’aide de camp d’Omar Bongo jusqu’à sa mort en 2009. Il a aussi été chef des services de renseignement de la garde républicaine avant d’être nommé par Ali Bongo à la tête de cette même garde en 2020. Les effectifs et le budget de la garde républicaine ont augmenté de manière significative sous Oligui, ce qui lui a fourni la plate-forme à partir de laquelle il a lancé son putsch. Oligui aurait également accumulé une fortune considérable grâce à ses liens étroits avec les Bongos.
Oligui a cultivé l’image d’un réformateur, mais il est depuis longtemps un confident de la famille Bongo.
À bien des égards, Oligui est donc, une continuation plutôt qu’un départ de la dynastie Bongo. Sa prise de pouvoir extraconstitutionnelle est également une mise en garde contre les risques d’une armée politisée qui fait si bien partie intégrante du maintien au pouvoir d’un régime autocratique que les obstacles qui l’empêcherait de franchir l’étape finale de prendre elle-même le pouvoir deviennent de plus en plus superflus.
Le coup d’État et la transition gérée qui s’en est suivie n’ont pas tenu compte de l’existence d’une opposition civile bien organisée qui avait vigoureusement contesté les récentes élections au Gabon, en dépit de l’inégalité des règles du jeu. Une coalition d’opposition, Alternance 2023, dirigée par l’ancien professeur d’université, Albert Ondo Ossa, avait présenté un programme de réformes pour le Gabon lors des élections de 2023. Ce programme visait à remédier à l’inégalité liée au favoritisme qui définit le pays et a entraîné un taux de chômage des jeunes estimé à 40 %, malgré la richesse pétrolière du Gabon et son revenu par habitant de 9 000 dollars (l’un des plus élevés d’Afrique).

Un agent électoral brûle les bulletins de vote après la fin du dépouillement dans un bureau de vote à Libreville, le 16 novembre 2024. (Photo : AFP/Nao Mukadi)
M. Ossa est généralement considéré comme ayant remporté les élections de 2023 malgré des irrégularités généralisées, l’absence d’observateurs internationaux, l’arrestation d’observateurs électoraux locaux et l’interdiction d’accès à Internet pendant le dernier mois de la campagne. Mais selon les résultats officiels, M. Ossa aurait obtenu 31 % des voix contre 64 % pour Ali Bongo. L’incrédulité de la victoire revendiquée par Bongo a servi de toile de fond au coup d’État d’Oligui. Cependant, au lieu de demander une révision indépendante du décompte des voix afin de reconnaître le vainqueur légitime, Oligui s’est attribué le rôle de président de transition.
L’existence d’une opposition civile organisée a été négligée lors du coup d’État et de la transition dirigée qui a suivi.
Les dirigeants de l’opposition ont ensuite contesté l’autorité d’Oligui à réécrire la constitution et le code électoral qui lui permettront d’accéder à la présidence en 2025.
En dépit des conditions de compétition inégales, 22 dirigeants de l’opposition ont déposé leurs candidatures auprès du ministère de l’intérieur, mais seules sept ont été validées. Les candidats de l’opposition les plus connus, dont Albert Ossa et Pierre Moussavou, ont vu leurs dossiers refusés au motif de la limite d’âge (70 ans) qui a été ajoutée au nouveau code électoral. D’autres ont été empêchés de se présenter car ils n’ont pas apporté de preuves suffisantes de la citoyenneté de leurs parents ou de leurs mariages.
Parmi les candidats retenus comme éligibles, Alain-Claude Bilie-By-Nze, un ancien premier ministre et ancien chef du Parti Démocratique Gabonais, est considéré comme le candidat de l’opposition le plus important. Cette année, Bilie-By-Nze s’est présenté comme un opposant au gouvernement de transition et de l’ancien parti au pouvoir, des changements constitutionnels effectués par le régime militaire et du manque de représentation dans le processus de dialogue national. Iloko Boussengui Stéphane Germain, un ancien allié de Bilie-By-Nze, participera également à l’élection, ce qui a provoqué des spéculations d’un accord possible avec le régime militaire qui viserait à diluer le vote de l’opposition lors de ce scrutin uninominal à un tour.
D’autres partis de l’opposition, y compris l’ancien parti au pouvoir et le parti d’union nationale, ont soit intégré le gouvernement ou apporté leur soutien à Oligui.
Étant donné l’héritage de fraude électorale au Gabon, couplé à un processus de transition hautement contrôlé après le putsch, la possibilité d’un processus libre et juste est faible. Afin d’étouffer toute dissidence, les médias d’État qualifient d’antipatriotiques et d’atteinte à l’unité nationale toute critique selon laquelle l’armée exploite le processus de transition à des fins politiques. Oligui a également utilisé le recrutement militaire pour renforcer son soutien, annonçant en décembre 2024 que des milliers de jeunes seraient recrutés dans les forces armées.
Afin d’étouffer toute dissidence, les médias d’État qualifient d’antipatriotiques toutes les critiques selon lesquelles l’armée exploite le processus de transition à des fins politiques.
Écouter les préférences des voix étouffées de la société civile qui ont été les champions de la réforme démocratique au Gabon au fil des ans pourrait être l’aspect le plus éclairant d’un processus électoral par ailleurs prévisible qui est en passe de remplacer une forme de gouvernance autocratique par une autre.
Hany Wahila est assistante de recherche au Centre d’études stratégiques de l’Afrique.
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