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Dissiper les mythes du vaccin contre la COVID en Afrique

Des mythes divers au sujet du vaccin contre la COVID poussent de nombreux Africains à éviter la vaccination, alors même que de nouveaux variants de coronavirus plus transmissibles se propagent à travers le continent.


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A medical officer in Somalia prepares to administer a dose of COVID-19 vaccine.

Un soignant en Somalie se prépare à administrer une dose de vaccin contre la COVID-19. (Photo : AMISOM)

Le déploiement des vaccins contre la COVID-19 était attendu telle la lumière au bout du tunnel de la pandémie. Pourtant, avec l’augmentation de l’approvisionnement en vaccins en Afrique, la désinformation concernant leur innocuité et leur efficacité est également croissante.

Les craintes concernant les vaccins vont du simple manque d’informations aux théories de complot farfelues. Les inquiétudes se sont intensifiées sur le continent après que plusieurs pays européens ont cessé d’utiliser le vaccin AstraZeneca de l’Université d’Oxford, des caillots sanguins ayant été signalés parmi un petit échantillon de receveurs. Alors que ces pays ont repris leur utilisation de ce vaccin, des doutes persistent dans l’esprit de nombreux Africains.

Certains commentaires d’éminents dirigeants africains ont ajouté encore plus de confusion et de méfiance. Le président de Madagascar, Andry Rajoelina, a complètement écarté les vaccins, préférant plutôt promouvoir un remède à base de plantes non testé, pour guérir la maladie.

Une enquête des Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) montre que l’hésitation envers la vaccination aggrave la menace de la COVID. Plus de la moitié des personnes interrogées dans 15 pays à haut risque ont déclaré que la gravité de la COVID-19 était exagérée. En Ouganda, seulement 350 000 personnes se sont présentées pour recevoir le vaccin, alors que 960 000 doses de vaccin étaient disponibles en février. Selon l’OMS, 22 pays africains ont utilisé moins d’un quart des vaccins qui leur ont été fournis. En mai 2021, le Malawi a incinéré 20 000 vaccins périmés, devenant ainsi le premier pays africain à le faire. Le Soudan du Sud prévoit de jeter 59 000 doses, tandis que la République démocratique du Congo indique ne pas pouvoir utiliser la plupart des 1,7 million de doses qu’elle a reçues plus tôt cette année.

Quels sont donc les principaux mythes qui circulent sur le continent ?

Mythe : la COVID n’existe pas

C’est un fait, la COVID-19 a été confirmée dans tous les pays du monde. Le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies avertit que la COVID est bien réelle. Il y a eu 4,7 millions de cas positifs et plus de 127 000 décès connus liés à la COVID-19 sur le continent. En raison de capacités de test limitées, les chiffres réels sont probablement plusieurs fois plus élevés.

Pendant ce temps, le virus évolue constamment. Dans certains cas, les nouveaux variants sont plus transmissibles et mortels que la souche originelle. Un variant originaire d’Inde a été détecté pour la première fois en Afrique, en Ouganda, le 29 avril 2021. En l’espace de quelques semaines, le variant indien s’est répandu dans au moins huit autres pays africains. Aujourd’hui, il existe une demi-douzaine de variants de la COVID actifs sur le continent. Le faible taux de vaccination sur le continent offre au virus la possibilité de muter et de devenir incontrôlable – à travers l’Afrique et potentiellement dans le monde.

Mythe : la COVID a été concoctée par mon gouvernement pour se maintenir au pouvoir

Le scepticisme à l’égard de la COVID a été exacerbé dans certains pays lorsque les gouvernements ont politisé le virus. L’Ouganda en est un exemple. Après avoir pris rapidement des mesures proactives, le parti au pouvoir – le Mouvement de résistance nationale (MRN) – a été accusé de bafouer les directives sanitaires alors qu’il menait une campagne électorale acharnée contre son rival, la Plateforme de l’unité nationale. L’humeur du public est passée de la coopération à la défiance, les forces de sécurité étant accusées d’appliquer les directives anti-COVID-19 de manière sélective contre les opposants.

Cela s’est aggravé lorsque la ministre de la Santé, sans masque, a été vue mobiliser des foules massives du MRN contre de ses propres directives. Aujourd’hui, peu d’Ougandais respectent les directives sanitaires permettant d’empêcher la propagation de la COVID-19. Cela se reflète dans les faibles taux de vaccination. Il se dit également que les faibles taux d’infection de l’Ouganda « prouvent » que le gouvernement exagère le risque lié à la COVID-19 à des fins politiques.

L’Ouganda n’est pas le seul à faire face à ce défi : un problème similaire de a alimenté l’hésitation envers la vaccination dans d’autres pays, en particulier ceux qui ont récemment subi des élections controversées, comme le Burundi, le Tchad, la Tanzanie, le Bénin, Djibouti et la République du Congo.

Mythe : les vaccins sont dangereux

« Les militants anti-vaccins… ont utilisé les réseaux sociaux afin d’amplifier les craintes non fondées envers les vaccins contre la COVID ».

Un mythe prétend que des virus vivants sont injectés dans l’organisme et que des personnes peuvent mourir après la vaccination. Un autre dit que les vaccins provoquent l’infertilité ou des effets secondaires graves qui sont pires que de contracter le virus. D’autres théories du complot prétendent que les vaccins sont en fait des poisons qui altèrent l’ADN afin de réduire la population africaine. Ils affirment également que les vaccins sont une couverture pour l’implantation de micropuces traçables, et que le fondateur de Microsoft, Bill Gates, ainsi que le gouvernement américain sont derrière cela.

De nombreux mythes sur la sécurité des vaccins ont pour origine les militants antivaccins, qui ont utilisé les réseaux sociaux pour amplifier des craintes non fondées sur les vaccins contre la COVID.

La réalité étant que l’OMS a approuvé l’utilisation publique de tous les vaccins actuellement disponibles en Afrique par le biais du dispositif COVID-19 Global Access (COVAX) de l’OMS — AstraZeneca, Moderna, Pfizer, Johnson & Johnson et Sinopharm.

Il existe à ce jour trois types de vaccins contre la COVID :

  • Les vaccins à ARN messager (ARNm) comme ceux de Pfizer et Moderna ne sont pas une forme du virus. Ils utilisent de l’ARNm génétiquement modifié pour « apprendre » aux cellules à produire des morceaux inoffensifs de la protéine spike (protéine S) qui se trouve à la surface du coronavirus. Le corps les reconnaît comme des intrus et crée alors des anticorps pour les anéantir.
  • Les vaccins à vecteur viral comme ceux de Johnson & Johnson et AstraZeneca insèrent le matériel génétique du virus dans un virus vivant affaibli qui ordonne au corps de faire des copies de la protéine S. Cela amène le système immunitaire à produire des anticorps et des globules blancs défensifs pour combattre le virus si vous êtes infecté.
  • Les vaccins à sous-unité protéique comme Novavax utilisent des parties du virus de la COVID-19 afin de stimuler le système immunitaire. La protéine S inoffensive « trompe » le corps pour qu’il produise des anticorps qui combattent l’infection si vous tombez malade.

« Faire vacciner les jeunes est une étape cruciale pour protéger leurs communautés et contribuer à surmonter la pandémie ».

Les effets secondaires indiquent que des anticorps ont été produits et combattent la substance inoffensive introduite dans le corps. En bref, c’est un signe que le système immunitaire a été préparé à protéger quelqu’un en cas d’infection. Les effets secondaires signalés ont été pour la plupart légers à modérés et de courte durée. Des effets secondaires plus graves sont possibles mais extrêmement rares, et les chances de décès sont extrêmement faibles. Cela se compare à un taux de mortalité de 2,7 % pour les Africains qui ont contracté le virus. Il n’y a aucune preuve que l’un des vaccins cause l’infertilité ou des maladies mortelles.

Mythe : la COVID ne constitue pas une menace sérieuse pour les Africains

Cette théorie a agité les médias sociaux africains au début de l’épidémie. Elle prétend que « la COVID-19 ne tue que les Blancs », et que les personnes de couleur disposent d’une « immunité génétique ». Le mythe a persisté, alimenté en partie par de plus faibles taux d’infection et de mortalité en Afrique par rapport à l’Europe et à l’Amérique du Nord.

En réalité, des études ont montré que les pays africains étaient en mesure de ralentir le virus grâce à une action précoce et un soutien public fort en matière de distanciation sociale durant les premiers stades de la pandémie. Cette réponse a été renforcée par une approche de santé publique axée sur la prévention des maladies infectieuses, une population jeune et peu de maisons de retraite, de solides réseaux de professionnels de santé au niveau communautaire et une expérience des pandémies. Certaines études ont exploré d’éventuelles « hypothèses génétiques » mais celles-ci ont été catégoriquement rejetées par d’éminents immunologistes africains.

A man in Abidjan, Côte d'Ivoire, receives a COVID-19 vaccine.

Un homme, reçoit un vaccin contre la COVID-19 à Abidjan, en Côte d’Ivoire. (Photo : UN)

Ils ont fait valoir que si l’ascendance africaine avait été une source de résilience génétique ou immunologique, les personnes d’origine africaine en Amérique du Nord et en Europe auraient dû être plus résistantes au virus, ce qui n’est pas le cas. La science révèle que la propagation de la COVID-19 peut être réduite par des gestes santé publique responsables, tels que le port de masques, la distanciation sociale, le lavage fréquent des mains et en évitant les grands rassemblements. Ces mesures préventives peuvent garder les gens en bonne santé et à l’écart des soins intensifs, jusqu’à ce que les vaccins soient disponibles.

Mythe : la COVID n’affecte pas les jeunes

En fait, contrairement à la souche originelle du virus, le variant B.1.1.7 (Royaume-Uni) et les variantes B.1.617.2 (indienne) qui se sont répandu rapidement à travers l’Afrique infectent les jeunes à un taux beaucoup plus élevé. Les nouveaux variants en provenance d’Inde se répandent également rapidement parmi les populations jeunes. De plus, il existe des preuves que ces nouveaux variants, au lieu d’exploiter simplement des systèmes immunitaires affaiblis, provoquent une réaction excessive de certains systèmes immunitaires jeunes et sains, entraînant une inflammation sévère et d’autres symptômes graves. Les jeunes sont également sensibles aux effets à long terme de la COVID-19 – les « malades au long cours » souffrent de fatigue chronique, de douleurs thoraciques, d’essoufflement et de brouillard cérébral des mois après leur infection. Les jeunes adultes peuvent également être propagateurs asymptomatiques du virus, posant un risque pour la santé publique de la communauté au sens large. Faire vacciner les jeunes est donc une mesure cruciale pour protéger leurs communautés et contribuer à surmonter la pandémie.

Mythe : la Chine, la Russie et les États-Unis se font concurrence en essayant d’éliminer les Africains et de réduire notre population pour leurs propres intérêts

Selon le CDC d’Afrique, la moitié des Africains pensent que la COVID a été planifiée par des puissances étrangères. « C’est une fausse maladie qui a été inventée par la Chine et les États-Unis afin de ruiner notre économie, car ils ont vu à quel point nous nous rapprochons », déclare un citoyen tanzanien. Un autre mythe courant affirme que la COVID-19 est une arme biologique créée par les grandes puissances dans le but de promouvoir leurs propres intérêts.

« Les États-Unis, la Chine et la Russie ont utilisé les mêmes vaccins que ceux disponibles en Afrique pour vacciner en toute sécurité des dizaines de millions de leurs citoyens ».

Ce mythe s’appuie sur certains récits de vaccination qui ont été répandus. La Chine s’est moquée de la réponse américaine à la COVID et s’est présentée comme une puissance mondiale émergente plus « compétente ».

En 2020, les responsables de la santé publique des États-Unis ont exprimé leur scepticisme quant aux allégations chinoises et russes selon lesquelles ils auraient développé des vaccins, avant que ceux-ci ne soient testés. La Chine, à son tour, a utilisé son vaste appareil médiatique en Afrique afin d’amplifier de nombreux récits liés à la COVID, y compris le fait que les vaccins de Pfizer et Moderna étaient risqués. Des campagnes de désinformation russes ont également mis en évidence la gravité des effets secondaires des vaccins.

En fait, les États-Unis, la Chine et la Russie ont utilisé des vaccins identiques à ceux disponibles en Afrique – AstraZeneca, Moderna, Pfizer, Johnson & Johnson, Sinopharm et Sputnik V – pour vacciner en toute sécurité des dizaines de millions de leurs citoyens. Ces vaccins (à l’exception du Spoutnik V de la Russie) ont tous été approuvés par l’OMS et sont distribués sous les mêmes marques, disponibles via le dispositif COVAX. En février 2021, la revue médicale reconnue The Lancet a affirmé que le vaccin russe Spoutnik V semblait sûr et efficace.

Mythe : les remèdes traditionnels me guériront. Je n’ai pas besoin de vaccins

Les communautés africaines ont une culture de longue date en matière de soins personnels. Les gens ne se rendent à l’hôpital que lorsqu’ils sont gravement malades. Les infections simples comme le rhume, la fièvre et la congestion bronchique sont traitées à l’aide de remèdes traditionnels et des connaissances locales. Comme le montrent de nombreuses enquêtes, les communautés africaines considèrent largement la COVID-19 comme une maladie qui attaque les voies respiratoires et provoque de graves symptômes de type paludisme, tels que des frissons et une forte fièvre. Cependant, ceux-ci sont toujours imaginés comme gérables grâce aux traitements traditionnels étant donné que les protocoles de traitement standard n’ont pas été disponibles au début de l’épidémie. Des pays comme Madagascar ont activement encouragé les citoyens à boire divers toniques, bien qu’ayant depuis fait machine arrière et menant actuellement une vaste campagne de vaccination. La Tanzanie a encouragé la prière et les boissons à base de plantes, communément appelées « dawa » en Afrique de l’Est, avant d’adopter une approche scientifique après la prise de fonction de la présidente Samia Suluhu Hassan en mars 2021.

« Les données scientifiques montrent que la COVID n’est pas ‘une sorte de grippe’ qui peut être guérie à l’aide de remèdes maison ».

En fait, les données scientifiques montrent que la COVID n’est pas ‘une sorte de grippe’ qui peut être guérie à l’aide de remèdes maison. Certains variants hautement transmissibles tels deux de types indiens, kényans et tanzaniens ne provoquent même pas de symptômes grippaux et attaquent directement les poumons. En septembre 2020, l’OMS et les CDC africains ont accepté de tester l’efficacité des plantes médicinales africaines contre le coronavirus. Tant qu’elles ne sont pas approuvées pour une fabrication accélérée, elles ne font pas partie des remèdes scientifiquement prouvés contre la COVID-19.

Directives et se faire vacciner

Les mythes sur le vaccin contre le coronavirus poussent les communautés africaines à retarder la vaccination alors même que de nouveaux variants, plus transmissibles et plus mortels circulent. Les responsables africains de la santé publique, les dirigeants politiques et civiques ainsi que les célébrités ont tous un rôle important à jouer pour instaurer la confiance envers les vaccins sur le continent. Ces efforts de sensibilisation du public doivent être associés à des plans de vaccination généraux si l’Afrique veut se protéger de la COVID-19 et réduire le potentiel d’émergence de nouveaux variants qui pourraient freiner l’effort mondial pour mettre fin à cette pandémie.

L’hésitation envers la vaccination a une longue histoire en Afrique. Pourtant, l’Afrique a remporté un succès remarquable avec certaines campagnes de vaccination, y compris un taux de vaccination de 99 % contre la polio. Celui-ci a été atteint après des décennies d’efforts incessants de la part des gouvernements, des professionnels de santé communautaires, des ONG et des citoyens. Rien que l’année dernière, les vaccins ont contribué à contenir les épidémies d’Ebola en Afrique Centrale et de l’Ouest . La confiance du public a joué un rôle majeur dans ces campagnes. Rétablir la confiance dans la campagne de vaccination contre la COVID nécessitera de faire reculer les mythes sur les vaccins, et de créer un environnement vaccinal centré sur les personnes, transparent et inclusif.


Ressources complémentaires