« Ne pas oublier les jeunes » ou le message destiné au sommet des chefs d’état Etats-Unis-Afrique


Oluwakemi OkenyodoLe nombre de jeunes progresse,  de pair avec des taux élevés de chômage, de corruption, d’inégalité et de désaffection à l’égard du gouvernement représente un vivier de recrutement en pleine croissance pour divers groupes extrémistes, de gangs urbains et autres acteurs d’actes déstabilisateurs. Pourtant, si ces jeunes étaient canalisés vers des  débouchés productifs comme les centres d’enseignement professionnel, l’esprit d’entreprise, le leadership communautaire et les campagnes de réforme, cette jeunesse africaine pourrait être la dynamique de changement. Trouver des moyens efficaces d’atteindre ce public visé important doit être le centre d’intérêt premier des stratégies de sécurité en Afrique sur les années à venir.

Ces derniers étaient des points importants soulignés lors d’une table ronde, récemment conclue, sur la sécurité en Afrique organisée  par le Centre d’études stratégiques de l’Afrique à l’Université de  la Défense nationale à Washington, D.C.  L’évènement a été organisé en appui du Sommet des dirigeants Etats-Unis-Afrique dont l’objectif était d’informer sur la couverture des questions de paix et de sécurité et de stimuler un débat sur le partenariat Etats-Unis – Afrique pour la sécurité.

Oluwakemi Okenyodo, Directrice exécutive de la Fondation CLEEN au Nigéria a abordé la dynamique de la  forte croissance de la population jeune par rapport à la violence politique, l’extrémisme et l’exclusion sociale au Nigéria.

« La jeunesse nigérienne représente 75% de la population, avec le potentiel d’être la plus innovante et productrice quoiqu’étant la couche la plus socialement exclue et  mécontente », a fait remarquer Madame Okenyodo. « La jeunesse nigérienne, de plus, démontre une connaissance et une conscience du monde politique extrêmement élevées … cependant, du fait du niveau élevé de pauvreté en dépit de la richesse énorme du pays en pétrole, cette connaissance devient un outil  de mobilisation à la violence comme ceci s’est produit dans le delta du Niger et d’autres régions du pays », a-t-elle mis en garde.

Madame Okenyodo a vivement encouragé les chefs d’Etat du Nigéria et des Etats-Unis à accorder une attention particulière à ces problèmes et à concevoir des stratégies de communication et de développement afin de sensibiliser et de faire participer  cette couche démographique de la population.

« L’armée, les services de police et du renseignement aussi bien que Boko Haram font leur recrutement dans cette couche démographique … la question devient alors … quel est notre plan pour cette partie de la population du Nigéria ? Nous devons y penser très sérieusement », a-t-elle encouragé.

Une façon de progresser serait de mieux traiter les faiblesses des structures de l’Etat et en particulier concevoir des réformes au niveau des institutions et des politiques afin de le rendre plus inclusif, moins corrompu, plus responsable et plus efficace à  fournir des biens publics comme l’éducation et la santé, des opportunités économiques  et des réseaux de protection sociale. De telles initiatives pourraient rapporter des dividendes énormes en renforçant le contrat social et en rétablissant la confiance entre les citoyens et le secteur public. Ceci exigerait un changement du mode de penser en matière de  politique générale. « Les programmes de réforme du secteur de la sécurité doivent être conçus dans le contexte d’un débat plus général de gouvernance et non mis en œuvre  isolément », a suggéré l’expert.

Madame Okenyodo a également signalé quelques développements plus positifs se déroulant dans son pays.

« Le Nigéria est actuellement en train d’élaborer un stratégie de sécurité nationale qui ne prend pas en considération la dimension de la sécurité humaine et qui s’ancre sur les objectifs fondamentaux et les principes directeurs de la politique  de l’Etat scellés dans notre Constitution », a-t-elle annoncé aux participants. « La stratégie définit des valeurs essentielles mais doit  réunir les nigériens, en particulier au niveau de la discipline, la cohésion sociale et la justice sociale. … A ces éléments doivent s’ajouter les valeurs d’autonomie, d’authenticité de la créativité et de l’innovation, des valeurs qui parlent aux jeunes et qui doivent, par conséquent, être incorporées dans la stratégie de sécurité nationale ».

Elle a par ailleurs souligné le partenariat axé sur la sécurité entre les Etats-Unis et le Nigéria.

« Récemment à Jaji (Collège d’état-major et de commandement des forces armées), les membres de l’université américaine formant la composante des forces spéciales interarmées  ont travaillé de pair avec leurs homologues du Nigéria afin de dispenser un programme  d’études militaires professionnelles interarmées très efficace », a expliqué Madame Okenyodo. « Ces partenariats doivent être bien accueillis car le professionnalisme au niveau du secteur de la sécurité est l’un des prérequis aux relations démocratiques civilo-militaires ».

La séance a donné lieu à un débat animé.

L’ambassadeur du Niger aux Etats-Unis, Maman Sidikou, qui a été récemment nommé comme représentant special de l’Union africaine pour la Somalie (SRCC) et Chef de la mission  de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) a insisté sur l’importance de partenariat.

« La politique des Etats-Unis sera plus efficace si elle est basée au niveau des régions et sur le continent », a-t-il suggéré. « Ceci signifie de prêter une écoute plus attentive à l’Union africaine et aux  communautés économiques régionales (REC) de sorte qu’elle puisse être plus en adéquation avec les priorités et aspirations des pays africains ».

En réponse à une question sur un débat plus large concernant la démocratie et la gouvernance, Madame Okenyodo a suggéré que les politiques de développement de chaque pays africain, aussi bien que les politiques étrangères des Etats-Unis vis-à-vis de ses partenaires africains doivent refléter l’ensemble complexe des notions de bonne gouvernance, de démocratisation et de développement. « Il faut mettre l’accent sur la mise en place d’un modèle de gouvernance dans un cadre rationnel adhérant aux principes de responsabilité, d’inclusion et de transparence ».

« Lutter contre la corruption dans tout le régime politique joue un rôle essentiel à prendre en compte les perceptions d’exclusion parmi la population jeune et de neutraliser indirectement la puissance des groupes extrémistes qui tirent profit d’un mécontentement social et politique. … Ceci ne peut être effectué si la démocratie, le développement et la gouvernance sont  appréhendés séparément ».

Pour finir, Madame Okenyodo  a demandé plus de recherche fondées sur des données probantes qui pourraient  influer sur les politiques autant que de contrôler l’application de ces dernières. « Ceci représente un autre domaine appelant à la collaboration entre les partenaires africains et américains.

Ses mots de conclusion ont été plus sur le ton du conseil : « Nos jeunes constituent une démographie énorme qui est capable de changer radicalement le discours dans le pays … prêtons-leur l’attention qu’ils méritent ».