La distinction entre les affaires légitimes et illicites en Afrique est fluide à cause de la taille importante du commerce informel et non réglementé sur le continent. Le rythme rapide de la globalisation a permis aux groupes criminels organisés de s’associer à des réseaux internationaux, d’élargir les marchés, d’avoir accès à de nouvelles technologies et d’améliorer les méthodes de communication.
Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la criminalité transnationale a généré 1,6 billion de dollars américains de bénéfices en 2015. Ces activités comprennent la contrefaçon, l’exploitation forestière, minière et de pêche illégale, le vol du pétrole brut et le trafic d’organes, d’armes, de personnes, de propriété culturelle et de ressources naturelles. Entre 2013 et 2016, on a tué 100 000 éléphants pour leur ivoire et le braconnage de rhinocéros a augmenté par 1 000 pour cent—des chiffres alarmants étant donné l’importance stratégique du tourisme pour la réserve de change et l’assiette fiscale pour des pays africains. Dans plusieurs pays africains, la criminalité organisée a profité de et a aggravé la corruption gouvernementale, allant d’infractions mineures par des officiers de police à une complicité à grande échelle par de hauts responsables. Le sous-développement rend aussi les économies africaines très vulnérables au commerce illicite, qui pourrait être la seule source de revenu pour des individus et des communautés.
La Criminalité transnationale organisée et l’Extrémisme violent
La criminalité transnationale a alimenté une augmentation de groupes extrémistes violents dans des lieux comme le Nigéria, la Corne de l’Afrique et la région du Sahel et du Sahara. Selon David Luna, qui se spécialise dans les stupéfiants et le respect des lois au Département d’État des États-Unis, expoliter des réseaux de criminalité transnatioanle organisée pourrait être rentable pour des infrastructures et des réseaux terroristes. Luna a dit: « Al Qaïda du Maghreb islamique s’engage dans la taxation illégale et Boko Haram génère des revenus importants par le trafic de cocaïne et d’héroïne. » En même temps, les mécanismes de dissuasion sont faibles. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (l’OCDE), le taux de condamnations pour le braconnage de rhinocéros était inférieur à 5 pour cent en 2016. L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime juge que « 40 pour cent des pays a enregistré peu de condamnations ou aucune condemnation contre les trafiquants de personnes » et au cours des dix dernières années il n’y avait pas d’augmentation perceptible dans la réponse globale de la justice pénale à ce crime. C’est essentiellement un moyen à forte rentabilité et à faible risque pour réaliser des profits.
Will Wechsler du Centre pour le progrès américain remarque que quand la criminalité transnationale organisée fusionne avec d’autres menaces, la sécurité et la stabilité nationales pourraient être compromises. Les organisations criminelles qui travaillent avec des réseaux terroristes refusent au gouvernement son monopole légitime sur l’emploi de la force et limitent ou éliminent son contrôle sur son territoire souverain. Selon Wechsler, les entreprises transnationales criminelles compromettent aussi indirectement les systèmes politiques, sapent le développement économique, empêchent l’investissement direct, affaiblissent la règle du droit et portent atteinte aux relations étrangères. La convergence de réseaux criminels et terroristes renforce leur capacité à échapper aux juridictions nationals et à s’adapter à de nouvelles situations et contre-mesures, au fur à mesures qu’ils deviennent plus flexibles et avancés.
Al-Shabaab, par exemple, a participé une fois dans un commerce lucratif du charbon qui valait des millions de dollars en Somalie. Par le moyen du contrôle et de la taxation du trafic portuaire, l’exportation du charbon, de bois, et de sucre, des bureaux de changes et des fonds de la diaspora, cette entreprise a généré une somme estimée de 70-100 millions de dollars par an.
Quand les forces de la mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) l’ont expulsé de ses deux points principaux pour la perception des recettes—le port stratégique de Kismaayo et le marché de Bakaara à Mogadishu—Al-Shabaab a changé ses orientations aux zones rurales, en imposant des taxes sur les biens qui vont aux ports côtiers, gagnant ainsi des millions de dollars de revenus. Al-Shabaab continue aussi à investir dans une variété d’autres intérêts commerciaux illicites.
Faire face à la menace
On devrait relier les mécanismes de réponse dans les stratégies de la sécurité nationale et employer tous les outils domestiques disponibles—la police, les militaires, la finance et les renseignements—en exploitant les mécanismes disponibles par la coopération transfrontalière et les alliés internationaux. Ces approches devraient aborder non seulement l’offre et la demande de biens illicites, mais aussi l’infrastructure, les méthodes, les moyens et les mobiles de criminels transnationaux et de leurs collaborateurs. Les actions prises par des officiers de l’armée, des renseignements et de la police contre des groupes extrémistes violents offrent des avantages à court terme.
Jusqu’à ce qu’on établisse et mette en œuvre des mécanismes efficaces de réponse, l’Afrique restera vulnérable à la criminalité transnationale organisée et aux menaces qu’elle pose à la sécurité et à la stabilité. 5 considérations principales devraient entrer dans le développement de ces mécanismes:
- La cooperation interagence et la coordination pangouvernementale
- Schématiser les réseaux transnationaux et l’effet de levier des connaissances et des aperçus locaux sur le comportement des criminels et de leurs collaborateurs
- L’application de nouvelles technologies et de technologies émergentes pour garder le rythme face à la complexité croissante de criminels transnationaux
- De fortes capacités analytiques qui peuvent renseigner sur les réponses de la sécurité nationale
- De fortes architectures légales nationales et transfrontalières qui préservent les libertés individuelles
Ressources complémentaires
- David Luna, “Trans-National Organized Crime in Africa,” Centre d'études stratégiques de l'Afrique, 12 mai 2017.
- William Wechsler, “Trans-National Organized Crime in Africa,” Centre d'études stratégiques de l'Afrique, 12 mai 2017.
- Davin O’Regan et Peter Thompson, “Progrès en matière de stabilité et de réconciliation en Guinée-Bissau : Enseignements tirés du premier narco-État d’Afrique,” Rapport spécial N° 2, 30 juin 2013.
- Tom Keatinge, “The Role of Finance in Defeating Al Shabaab,” Royal United Services Institute, 30 décembre 2014.
- Bradley Anderson et Johan Jooste, “Braconnage des espèces sauvages : Nouveau trafic, nouvelle menace en Afrique,” Bulletin de la sécurité africaine N° 28, mai 2014.
- Mark Shaw, Tuesday Reitano, et Marcena Hunter, “Comprehensive Assessment of Drug Trafficking and Organized Crime in West and Central Africa,” Union Africaine, janvier 2014.
- Wolfram Lacher, “Organized Crime and Conflict in the Sahel-Sahara Region,” Carnegie Endowment of International Peace, septembre 2012.
En plus: Contrecarrer l’extrémisme Lutte contre le grand banditisme