Qu’est-ce que le coronavirus et comment sa propagation affecte-t-elle l’Afrique ?
Le 30 janvier 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que l’apparition d’un nouveau coronavirus (désigné comme 2019-nCoV) constituait une urgence de santé publique de portée internationale. Les coronavirus sont des virus qui provoquent le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS), le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et des maladies similaires au rhume. Ce nouveau virus est apparu pour la première fois à Wuhan, dans la province chinoise de Hubei.
La déclaration de situation d’urgence de l’OMS a été fortement motivée par la crainte de voir le virus se propager dans des pays ayant des systèmes de santé faibles, en particulier en Afrique, qui a des liens importants avec la Chine. En raison de ce risque, l’OMS a identifié 13 pays africains (Afrique du Sud, Algérie, Angola, Côte d’Ivoire, Éthiopie, Ghana, Kenya, Maurice, Nigeria, Ouganda, République démocratique du Congo, Tanzanie et Zambie) comme étant hautement prioritaires pour recevoir de l’aide, sur la base du volume des voyages en provenance de Chine. Les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) ont intensifié leurs partenariats avec les ministères africains de la santé, et la Fondation Bill et Melinda Gates a versé 10 millions de dollars pour combattre l’épidémie. La Chine recevra la moitié de la somme et les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique) recevront l’autre moitié, soulignant l’importance de l’Afrique dans l’endiguement de l’épidémie au niveau mondial. Bien que vulnérable, l’Afrique dispose de l’expérience et de l’expertise nécessaires en matière d’épidémies.
Quelle est la gravité de la menace posée par le coronavirus en Afrique ?
La maladie respiratoire causée par ce nouveau type de coronavirus a rendu plus de 74 500 personnes malades (la grande majorité en Chine), dont plus de 2 100 sont décédées.* Détecté pour la première fois en décembre 2019, le virus s’est rapidement propagé dans plus de 20 pays (mais pas encore en Afrique) par les voyages et la transmission entre personnes.
Il est difficile d’évaluer la gravité de la menace posée par le virus en Afrique, car il existe de nombreuses incertitudes (notamment sa virulence, le taux de létalité et les modes de transmission). Actuellement, le taux de létalité de ce coronavirus semble être d’environ 2 %. En comparaison, les récentes flambées du virus Ebola ont entraîné un taux de létalité supérieure à 50 %. Les scientifiques tentent également d’estimer “le taux de reproduction,” ou R₀d’une maladie, pour évaluer le nombre de personnes susceptibles d’être infectées par une seule personne contagieuse. Les estimations du R₀ pour le nouveau coronavirus se situent entre 1,4 et 3,5. Par comparaison, les récents R₀ d’Ebola étaient compris entre 1,5 et 2. Historiquement le R₀ de la rougeole a été compris entre 12 et 18. Notamment, des épidémies d’Ebola et de rougeole ont toujours lieu en République démocratique du Congo et ont causé la mort de plus de 2 200 et 6 000 personnes.
Pour replacer cette situation dans son contexte, l’Afrique est confrontée à d’autres défis sanitaires importants qui entraînent des pertes de vie à plus grande échelle. En 2018, 96 nouveaux foyers de maladies infectieuses ont été signalés dans 36 pays d’Afrique, dont le choléra, la fièvre jaune, la rougeole et le virus Ebola. En outre, en 2018, on estime que 470 000 personnes en Afrique subsaharienne sont mortes de causes liées au sida. À des degrés divers, les efforts de lutte contre ces maladies bénéficient de ressources internationales importantes (en particulier le VIH / sida). En effet, le virus Ebola a finalement été désigné comme une urgence de santé publique de portée internationale en août 2019. Mais, en tant que risques sanitaires plus établis, ces maladies pourtant mortelles ne font pas aujourd’hui l’objet de la quasi-panique que le coronavirus suscite dans certains milieux. L’attention mondiale est motivée par les inconnues de ce nouveau coronavirus, ainsi que par le fait qu’il se propage apparemment par la projection de gouttelettes dans l’air, ce qui facilite davantage sa transmission entre personnes que d’autres maladies infectieuses.
De plus, les répercussions économiques d’une maladie ne sont pas forcément liées aux taux de létalité ou de transmission. L’épidémie de SRAS de 2003, par exemple, a, selon les estimations, coûté à l’économie mondiale 40 milliards de dollars. Le nombre de cas de ce nouveau coronavirus a déjà dépassé celui du SRAS, et on prévoit qu’il causera encore plus de ravages économiques que le SRAS.
Pourquoi l’Afrique pourrait-elle être gravement touchée ?
Les liens sino-africains sont étroits et comprennent le commerce, l’investissement et la finance, le tourisme, l’éducation et la coopération en matière de sécurité. plus de 60 000 Africains étudient actuellement en Chine. Des milliers d’étudiants africains qui étudient à Wuhan se sont retrouvés pris dans la zone de quarantaine sans pour autant pouvoir bénéficier des services consulaires. Les voyages entre la Chine et l’Afrique ont également été réduits de manière importante, et de nombreuses compagnies aériennes africaines ont annulé des vols. Malgré les demandes de l’OMS de maintenir les vols et les frontières ouvertes, de nombreux pays africains se sont unis à d’autres pays du monde pour restreindre les voyages en provenance de Chine.
Par conséquent, que l’Afrique soit touchée par le coronavirus ou non, elle est déjà affectée par l’épidémie. Ces développements et les pertes économiques chinoises prévues affecteront le commerce entre la Chine et l’Afrique, ainsi qu’un tourisme en plein essor. L’île Maurice attire à elle seule 5 000 touristes chinois par mois. Les producteurs de produits de base tels que le cuivre seront touchés par le ralentissement de l’industrie manufacturière chinoise, qui normalement progresse après le Nouvel An lunaire. Les devises et les bourses africaines sont également vulnérables. Lors de précédents ralentissements économiques mondiaux, l’Afrique avait été plus ou moins protégée. Toutefois, le développement des relations avec la Chine a accru son exposition à de tels chocs, tant humains qu’économiques.
Que nous apprend l’épidémie sur la sécurité sanitaire ?
La réponse de la Chine à cette épidémie présente des aspects à la fois positifs et négatifs pour l’Afrique. La deuxième économie mondiale a bâti de nouveaux hôpitaux mais peine à fournir des fournitures de base, comme des masques faciaux. Dans la plupart des pays africains, la détection des épidémies prendrait probablement plus de temps, de plus les laboratoires ayant des capacités limitées les tests prendraient davantage de temps et les approvisionnements en fournitures de base seraient plus difficiles. En Chine, les épidémiologistes ont établi un rapport entre certains des premiers patients et le marché de fruits de mer en gros de Huanan, bien que de nombreuses questions subsistent sur l’origine du virus. L’Afrique aussi a connu l’émergence de maladies zoonotiques (transmises par les animaux), et avec l’augmentation de la présence humaine dans les zones forestières, la poursuite du commerce de la viande de brousse et le changement climatique, il est probable que de nouvelles maladies apparaissent et que des maladies connues voient le jour dans des zones inattendues.
L’expérience de la Chine renforce le caractère central de la confiance et de la transparence dans le domaine de la santé publique.
L’expérience de la Chine renforce le caractère central de la confiance et de la transparence dans le domaine de la santé publique. Si les autorités chinoises ont été plus enclines à communiquer avec l’OMS que lors de l’épidémie de SRAS, elles n’ont alerté le public chinois de l’épidémie qu’à la fin du mois de janvier, et ont forcé les médecins et d’autres personnes à garder le silence. Ce silence officiel a été aggravé par des spéculations non officielles en ligne, avec des informations erronées sur les réseaux sociaux prétendant que le virus était une arme biologique (il ne l’est pas), que des millions de personnes avaient été infectées (ce qui n’est pas exact) et que la Fondation Gates avait prédit cette épidémie (elle n’avait pas fait de telle prédiction). Des rumeurs similaires avaient entravé les réponses à l’épidémie d’Ebola. Les fausses informations et les théories de complot posent un défi à la santé mondiale.
Une autre question pertinente est le rôle des forces de sécurité dans la réponse à une épidémie. Si les forces de sécurité peuvent avoir un rôle à jouer dans la réponse à certaines crises sanitaires, elles peuvent aussi réduire la volonté des civils de chercher de l’aide. Par conséquent, les forces de sécurité doivent être déployées judicieusement et sous la direction des professionnels de santé.
Que devraient faire les pays africains pour répondre à l’épidémie ?
Le CDC Afrique a activé son Centre d’opérations d’urgence et se procure des kits de test, prépare des laboratoires et travaille avec les États membres pour aider à la prévention et le contrôle des infections. Il collabore aussi avec les compagnies aériennes au dépistage des voyageurs. Étant donné le nombre de pays qui signalent des infections ailleurs, un ou plusieurs pays africains devraient probablement rejoindre leurs rangs. Toutefois, l’information est précieuse pour la santé publique, et les pays avertis ont plus de chances de limiter la transmission grâce à des communications publiques claires et à l’éducation des praticiens de la santé. Les recommandations standard pour prévenir la propagation des virus respiratoires comprennent : se laver les mains avec de l’eau et du savon et se couvrir la bouche et le nez en cas de toux ou d’éternuement.
Cette épidémie démontre la nécessité d’améliorer la sécurité sanitaire dans le monde entier.
Le renforcement des capacités des laboratoires et des institutions en Afrique sera bénéfique, et ira bien au-delà du diagnostic de ce virus. En outre, il aidera les pays africains à faire face aux futures maladies émergentes, quelle que soit leur source. L’Afrique pourrait devenir un foyer de de transmission des coronavirus, d’où les efforts déployés par l’OMS, le CDC Afrique et d’autres pour répondre de manière proactive à la crise actuelle. Cette épidémie démontre également, une fois de plus, la nécessité d’améliorer la sécurité sanitaire dans le monde, conformément à la réalisation des objectifs du Programme de sécurité sanitaire mondiale.
Les conséquences économiques de l’épidémie pourraient bien être plus importantes pour l’Afrique que l’impact épidémiologique. La croissance économique de la Chine devant, selon les prévisions, passer de 6,1 à 5,6 % en raison du coronavirus, les économies africaines en subiront également les conséquences. Les pays africains doivent donc réfléchir aussi bien aux réponses économiques qu’aux mesures de protection sanitaires.
⇑ * Au 20 février 2020.
Ressources complémentaires
- Rapports de l’OMS sur la situation des coronavirus
- Conférence de presse de l’Union africaine et du CDC Afrique sur la prévention du coronavirus, 28 janvier 2020.
- U.S. Centers for Disease Control and Prevention Coronavirus Frequently Asked Questions
- Andrew Ziegler, « L’Afrique souffrira-t-elle de l’épidémie Zika ? » Éclairage, Centre d’études stratégiques de l’Afrique, 3 septembre 2016.
- Centre d’études stratégiques de l’Afrique, « Lessons from the Joint Force Command’s Response to the Ebola Crisis », Éclairage, 5 décembre 2014.
En plus: Covid-19 santé et sécurité