Au Niger, le coup d’État annule des gains durement acquis

Après une décennie de gains remarquables obtenus sous la gouvernance de gouvernements démocratiquement élus, le déraillement de l’ordre constitutionnel provoqué par le coup d’État militaire de juillet 2023 a entrainé pour les citoyens nigériens une détérioration de la sécurité, du bien-être économique et de leur capacité d’agir.


Le coup d’État militaire au Niger a affecté tous les secteurs de la société nigérienne, démontrant le rôle central de la gouvernance dans les résultats sécuritaires, économiques et sociaux. Un aperçu d’un éventail de ces résultats met en relief un changement important dans la trajectoire du Niger depuis le putsch. Dans la décennie précédant le putsch et bien qu’il soit l’un des pays les pauvres au monde, le Niger avait réalisé des progrès remarquables sous les présidents démocratiquement élus Mahamadou Issoufou et Mohamed Bazoum. Mais nombre de ces acquis ont depuis été bouleversés. Avec le resserrement des restrictions sur les médias et l’espace informationnel sous la junte, la portée réelle de cette détérioration est difficile à évaluer. Ce renversement de trajectoire aura des ramifications pour toute la région puisque ce pays enclavé et historiquement pacifique de 25 millions d’habitants partage ses frontières avec sept voisins.

Indicateur de stabilité : La sécurité

Leadership démocratique avant le putsch

  • Avant le putsch, le taux de décès attribuables aux attaques de groupes militants avait diminué de 53 % en 2023 compare à 2022.
  • Les dépenses militaires avaient augmenté de 64 % sous Bazoum pour atteindre 309 millions de dollars en 2023.
  • Des programmes de désarmement et de déradicalisation encourageaient les défections parmi les groupes extrémistes violents au Sahel.
  • Dans le sud-est, où le Niger avait fait face aux menaces de Boko Haram, aucun évènement violent ne s’était produit entre 2021 et 2023 et les communautés déplacées rentraient dans leurs villages.

Après le putsch, sous la junte

  • Selon les projections, les décès liés aux groupes extrémistes devraient atteindre plus de 1 600 en 2024, soit une augmentation de 60 % par rapport à 2023.
  • Depuis le putsch, au moins huit attaques de groupes islamistes militants ont chacune causé la mort d’une douzaine de soldats. Cela reflète le niveau de violence envers les forces armées le plus élevé depuis 2021.
  • Puisque les militants islamistes prennent de plus en plus le contrôle des routes vers Niamey, la capitale est de plus en plus isolée.
  • Les efforts de désarmement et de déradicalisation ont cessé depuis le putsch.

Niger's National Council for Safeguard of the Homeland (CNSP) leaders Colonel Mamane Sani Kiaou (L), General Moussan Salaou Barmou (C) and Colonel Ibroh Bachirou (2-R)

Des membres de la junte militaire nigérienne: le colonel Mamane Sani Kiaou (à gauche), le général Moussan Salaou Barmou (au centre) et le colonel Ibroh Bachirou (à droite). (Photo: AFP)

Des membres de la junte militaire nigérienne: le colonel Mamane Sani Kiaou (à gauche), le général Moussan Salaou Barmou (au centre) et le colonel Ibroh Bachirou (à droite). (Photo: AFP)

Indicateur de stabilité : L’économie

Leadership démocratique avant le putsch

  • Pendant la décennie Issoufou et Bazoum, le revenu par habitant au Niger avait augmenté de 26 %.
  • La Banque mondiale avait projeté une croissance économique de 7% en 2023 et de 12,5 % en 2024.
  • Malgré la hausse mondiale des prix des denrées alimentaires, le Niger était parvenu à maintenir son taux d’inflation autour de 4 %, le taux le plus bas de l’Union économique et monétaire ouest-africaine.
  • En 2022, le Niger a vécu sa première année sans aucune journée d’école perdue causée par une grève de professeurs ou d’élèves.

Après le putsch, sous la junte

  • La junte nigérienne a déjà manqué quatre paiements de dettes et a aujourd’hui fait défaut sur 519 millions de dollars de dettes.
  • La Banque mondiale prévoit maintenant que la croissance économique diminuera de 45 % par rapport aux projections précédentes.
  • Le prix des céréales dont le millet, le sorgho, le maïs et le riz ont tous augmenté de plus de 12 % par rapport à la même période en 2023, le riz ayant subi l’inflation la plus importante, de 35 %, dans le pays.

Indicateur de stabilité : Espace démocratique

Leadership démocratique avant le putsch

  • L’élection de Bazoum avec 56 % des votes en février 2021 avait été largement perçue comme libre et juste.
  • Dans le premier transfert de pouvoir pacifique de l’histoire du Niger, Bazoum avait succédé à Issoufou qui s’était retiré conformément à la constitution après son second mandat.
  • Une trajectoire démocratique émergeait donc après une longue histoire de gouvernement militaire au Niger, y compris quatre coups d’État militaires entre 1974 et 2010.

Après le putsch, sous la junte

  • Dans les semaines suivant sa prise de pouvoir, la junte a remplacé tous les gouverneurs des régions du Niger avec des personnes loyales à l’armée.
  • Une pétition signée par des dizaines de professeurs et d’administrateurs universitaires exigeant que la junte retourne à l’ordre constitutionnel et la volonté souveraine du peuple nigérien a entrainé la junte à les intimider ou à les renvoyer.
  • En avril 2024, la junte a dissous tous les conseils locaux et municipaux, remplaçant nombre d’entre eux, y compris le maire de Niamey, avec des officiers de l’armée.

Indicateur de stabilité : Médias indépendants

Leadership démocratique avant le putsch

  • Les journalistes d’investigation nigériens avaient joué un rôle essentiel en exposant la diversion de millions de dollars dans des marchés militaires.
  • La liberté de la presse était respectée sous Issoufou et Bazoum, même lorsque certains médias indépendants se sont montrés très critiques d’une loi sur le crime sur internet écrite pendant le mandat d’Issoufou. Des journalistes avaient averti qu’elle était trop restrictive et risquerait d’être utilisée pour cibler injustement les journalistes avec des accusations de diffamation.

Après le putsch, sous la junte

Indicateur de stabilité : Espace informationnel

Leadership démocratique avant le putsch

  • Les parlementaires nigériens avaient adopté une loi de protection des défenseurs des droits humains en juin 2022. Cette loi protégeait ces activistes contre les attaques, les représailles et les restrictions légales injustifiées.
  • En 2022, le Conseil des ministres avait adopté un amendement à la loi sur la répression des crimes cybernétiques éliminant les peines de prison pour la diffamation et les insultes via des systèmes informatiques.

Après le putsch, sous la junte

Une enseignante dans une école de Sakoira, dans la région de Tillabéri au Niger. (Photo: AFP/Olympia de Maismont)

Indicateur de stabilité : Transparence

Leadership démocratique avant le putsch

  • Un audit de 2020 du secteur de la sécurité avait trouvé 120 millions de dollars de dépenses en passations de marchés non déclarées.

Après le putsch, sous la junte

  • En février 2024, la junte a révoqué les lois de contrôle qui exigeaient une comptabilité transparente du secteur de la défense.
  • Le gouvernement et la junte faciliteraient le trafic d’or artisanal vers les Émirats arabes unis.

Indicateur de stabilité : Souveraineté nationale

Leadership démocratique avant le putsch

Après le putsch, sous la junte

  • Comme le reflète la tactique russe de contrôle réflexif selon laquelle un acteur étatique provoque un autre acteur à prendre des décisions contre son propre intérêt en fournissant des informations soigneusement épurées, la junte a pris des décisions qui sapent la sécurité, l’économie et la souveraineté du pays. Cela comprend l’ébranlement des voix démocratiques des Nigériens et de leur capacité d’action.
  • La junte aurait accepté de payer en espèces et en concessions aurifères le déploiement de soldats de l’Africa Corps russe. Les leaders de la junte ont qualifié ce coût “d’élevé” pour le Niger.

Ressources complémentaires