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M. Idriss Mounir Lallali, figure éminente de la lutte contre le terrorisme sur le continent africain, est un ancien auditeur distingué du CESA. Depuis 2017, M. Lallali est directeur adjoint du Centre africain d’étude et de recherche sur le terrorisme (CAERT) de l’Union africaine, et il dirige l’institution en tant que directeur par intérim depuis avril 2020. Outre son rôle au sein du CAERT, M. Lallali est le chef de l’unité d’alerte et de prévention de l’Union africaine. Son rôle a été déterminant dans l’orientation d’une équipe d’experts chargée d’évaluer les capacités antiterroristes des États membres de l’Union africaine (UA) et de soutenir l’élaboration de stratégies nationales et régionales visant à lutter contre le terrorisme et à prévenir l’extrémisme violent. Dans cet entretien, nous découvrons les idées de M. Lallali sur la situation actuelle du terrorisme en Afrique, les défis auxquels sont confrontés les États membres de l’UA et les initiatives stratégiques entreprises pour favoriser un continent plus sécurisé et plus résilient.
Selon vous, quelles sont les préoccupations en matière de sécurité les plus urgentes du continent africain ?
Idriss Mounir Lallali (IML) : Le continent africain est confronté à un ensemble complexe de défis sécuritaires, dont beaucoup sont interconnectés et exigent une réponse multidimensionnelle. L’Union africaine (UA), dans ses efforts de stabilisation de la région, a identifié plusieurs menaces majeures, notamment la criminalité transnationale organisée, l’extrémisme violent et les rébellions régionales. Ces défis ne sont pas isolés ; ils se nourrissent souvent les uns des autres, exacerbant l’instabilité transfrontalière et créant un environnement propice à la propagation de violence. Parmi ceux-ci, le terrorisme est apparu comme le problème le plus pressant, les groupes exploitant la faible gouvernance, la pauvreté et les troubles sociaux pour étendre leur influence. La montée du terrorisme ne se limite pas à une seule région ; elle a pris une dimension transcontinentale, les réseaux terroristes s’étendant de l’Afrique de l’Est à l’Afrique de l’Ouest et maintenant à l’Afrique australe.
Cette expansion géographique des groupes terroristes est particulièrement alarmante, car elle témoigne d’une sophistication et d’une adaptabilité croissantes de ces organisations. Leur capacité à franchir les frontières et à s’implanter dans de nouvelles régions souligne l’urgence d’une stratégie antiterroriste coordonnée et globale. L’UA, les organismes régionaux et les partenaires internationaux doivent donner la priorité à l’élaboration de mesures antiterroristes solides qui ne se contentent pas de répondre aux menaces immédiates, mais qui s’attaquent également aux causes profondes du terrorisme, telles que les disparités socio-économiques et la privation des droits politiques. Le renforcement de la collaboration entre les États membres et avec les partenaires extérieurs est essentiel pour freiner la propagation du terrorisme et garantir la sécurité et la stabilité à long terme sur l’ensemble du continent.
Avez-vous travaillé sur des projets que vous aimeriez que nous soulignions ?
IML : Tout à fait. Nous nous sommes fortement impliqués dans l’aide apportée aux États membres de l’UA pour l’élaboration de stratégies et de plans d’action de lutte contre le terrorisme. En outre, nous aidons les communautés économiques régionales à renforcer leurs capacités de lutte contre le terrorisme. L’une de nos principales initiatives consiste à établir un recueil des meilleures pratiques. Cette ressource est conçue pour inspirer et guider nos États membres en présentant des stratégies réussies, en particulier celles mises en œuvre en Afrique, leur permettant ainsi d’adapter et d’affiner leurs approches.
En outre, nous établissons des partenariats cruciaux de part et d’autre de l’Atlantique, en travaillant en étroite collaboration avec les fournisseurs d’assistance technique et les donateurs. Notre objectif est de veiller à ce que les priorités du continent soient respectées de manière efficace, efficiente et coordonnée. Cette approche collaborative est essentielle pour répondre aux besoins de renforcement des capacités et atteindre nos objectifs.
Quels conseils donneriez-vous aux futurs responsables du secteur de la sécurité ?
IML : Il est essentiel que les nouveaux responsables de la sécurité reconnaissent l’impact profond qu’ils ont sur la vie quotidienne des populations qu’ils servent. La sécurité doit être considérée comme un service public, et non comme une simple application ou un simple contrôle. Les citoyens considèrent les agents de sécurité comme des pourvoyeurs de sécurité et de protection. Il est donc important que les agents adoptent une approche plus réactive, en tenant compte des besoins et des attentes spécifiques du public.
Une approche ascendante, dans laquelle les programmes de sécurité reflètent les priorités et les contributions des citoyens, est cruciale. Cette approche garantit que la sécurité est perçue comme un service plutôt que comme une forme d’oppression ; ce qui favorise la confiance et la coopération entre le public et les agences de sécurité.
Y a-t-il quelque chose que vous pensez que le CESA devrait fournir ?
IML : Je pense que le CESA devrait poursuivre son travail inestimable en encourageant l’interaction entre les praticiens africains et occidentaux. Il est essentiel de jeter des ponts entre ces groupes pour une compréhension mutuelle et une coordination efficace des actions. En continuant à offrir des possibilités de dialogue et de collaboration, le CESA joue un rôle essentiel dans le renforcement des capacités des praticiens africains de la sécurité, tout en favorisant des partenariats internationaux plus solides.