English | Français | Português
Le mois de juin 2023 a marqué le10e anniversaire du code de conduite relatif à la prévention et à la répression de la piraterie, des vols à main armée contre les navires et des activités maritimes illicites en Afrique de l’Ouest et du Centre (code de conduite de Yaoundé). Signé à Yaoundé, au Cameroun, par les représentants de 25 gouvernements d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, ce code de conduite a créé une architecture de sécurité zonale s’étendant du Sénégal à l’Angola. L’objectif était que les États membres signataires – qui sont membres de deux communautés économiques régionales (CERs) différentes, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) – partagent une image opérationnelle commune des menaces et des défis dans le domaine maritime du golfe de Guinée et, surtout, répondent collectivement à ces menaces sans être gênés par les frontières entre les CER et les eaux territoriales souveraines des États.
Le code de conduite de Yaoundé est l’un des nombreux protocoles de sécurité maritime à avoir vu le jour en Afrique au cours des deux premières décennies duXXIe siècle, dans un contexte où les États africains et les partenaires internationaux accordaient une attention accrue au domaine maritime après une recrudescence des actes de piraterie au large de la Corne de l’Afrique au milieu des années 2000. Le code de conduite de Yaoundé fait suite à une stratégie régionale de sécurité maritime adoptée par la CEEAC en 2008, à un code de conduite maritime régional pour l’Afrique de l’Est (code de conduite de Djibouti) en 2009, à une stratégie maritime adoptée par la Communauté de développement de l’Afrique australe (CDAA) en 2011 et à une stratégie maritime à l’échelle continentale adoptée par l’Union africaine (UA) en 2012. Une caractéristique importante du code de conduite de Yaoundé de 2013 est qu’il a élargi l’ouverture de la sécurité au-delà de la piraterie (le point central du code de conduite de Djibouti) à un ensemble de défis, y compris les vols à main armée et la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (un point central élargi également adopté par la stratégie de l’UA).
Les anciens auditeurs et les professeurs du CESA ont joué un rôle clé dans l’émergence puis la mise en œuvre du Code de conduite de Yaoundé de 2013. Lorsqu’un État membre de la CEEAC a été confronté à la montée de la criminalité dans les eaux au large de ses côtes par des ressortissants d’un État membre de la CEDEAO, il s’est adressé aux États-Unis pour obtenir des conseils. Lorsqu’il a été consulté, le CESA a proposé que cette question ne soit pas traitée comme un problème bilatéral entre deux pays, mais comme une occasion de dialogue entre les deux CERs. C’est ainsi qu’a débuté une série de réunions et de consultations qui ont abouti au code de conduite de Yaoundé et qui se sont poursuivies après son adoption afin de rendre opérationnels les éléments clés du protocole. Le Dr Assis Malaquias, doyen académique du CESA, rappelle qu’un « noyau dur » d’anciens auditeurs etait au centre des négociations, dont, entre autres, Adeniyi Adejimi (Jimi) Osinowo du Nigeria, aujourd’hui contre-amiral à la retraite ; Oumar Wade du Sénégal, aujourd’hui contre-amiral et chef d’état-major de la marine sénégalaise ; Ali Kamal-Deen du Ghana, aujourd’hui directeur exécutif du Centre pour le droit maritime et la sécurité en Afrique ; Abdourahmane Dieng du Sénégal, aujourd’hui chef de la division de la sécurité régionale de la CEDEAO ; Charles Bamele de Côte d’Ivoire, aujourd’hui directeur de la coordination opérationnelle du Comité interministériel d’action contre la criminalité transnationale organisée (CIAS) ;; et M. Abroulaye Fofana, de Côte d’Ivoire, actuellement secrétaire permanent du Comité interministériel ivoirien pour l’action de l’État en mer.
Dix ans après l’adoption du code de conduite de Yaoundé, nombreux sont ceux qui ont réfléchi à ses réalisations et au travail qu’il reste à accomplir, notamment les responsables africains, les universitaires, les partenaires internationaux, la Commission de consolidation de la paix des Nations unies, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, le Conseil de sécurité des Nations unies et le doyen du CESA. Selon le Dr Malaquias, le succès et la longévité de l’architecture de Yaoundé n’étaient pas acquis d’avance. Il y a eu de nombreux défis (linguistiques, politiques, etc.), des obstacles liés aux différents types de formation et d’équipement, et des questions sur la capacité des États africains à financer l’architecture.
Aujourd’hui, cependant, non seulement l’architecture existe, mais elle est devenue un modèle de coopération maritime au niveau régional. Les pays du Golfe de Guinée travaillent ensemble pour relever leurs défis communs et il existe une « culture de la collaboration ». La création d’un climat de confiance entre les participants est la plus grande réussite du code de conduite. Un autre enseignement important est qu’une petite communauté de praticiens motivés peut avoir un impact.
Malgré ces succès, le travail de mise en commun de la souveraineté et de renforcement des capacités pour faire face aux défis de la sécurité maritime dans le Golfe de Guinée n’est pas terminé. L’architecture de Yaoundé fonctionne, mais pas de manière optimale ou égale dans toutes les zones. L’interopérabilité n’est pas totale et des problèmes de coordination et d’échange d’informations subsistent. Au niveau national, tous les signataires n’ont pas mis en place de stratégies maritimes nationales ou d’autorités maritimes nationales, ni ne les ont dotées de ressources suffisantes. Si l’objectif ultime est de disposer d’une série de stratégies maritimes à plusieurs niveaux, en cascade, s’étendant du niveau continental au niveau régional, au niveau sous-régional et au niveau national, il y a encore du travail à faire. Il s’agit là d’un domaine riche en possibilités de contribution pour les anciens auditeurs et les professeurs du CESA.