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Dans cette entrevue, nous plongeons au cœur des enjeux sécuritaires maritimes en Afrique en compagnie de M. Hassani Ahamada Soilihi, Juriste en Droit International Maritime et Expert en Sécurité Maritime à la Commission de l’océan Indien (COI)-base à Maurice. Avec une expérience approfondie dans le domaine de la sécurité, M. Hassani partage ses perspectives éclairantes sur les défis régionaux, les projets engageants qu’il a dirigés, et son engagement continu envers la collaboration internationale. L’échange – qui s’est déroulée en marge du récent programme maritime du CESA en Tanzanie -souligne également le rôle essentiel du Centre d’Études Stratégiques de l’Afrique (CESA) dans le renforcement des capacités et la promotion de la diversité de pensée au sein du secteur maritime.
Selon vous, quelles sont les préoccupations en matière de sécurité les plus urgentes pour le continent africain, à la fois aujourd’hui et à l’avenir ?
Ahamada Soilihi Hassani (ASH) : Merci infiniment. J’aimerais développer les échanges que nous avons eus dans le cadre de ce programme du CESA. Bien que les menaces régionales soient largement similaires, il est intéressant de noter que les priorités varient en fonction des pays insulaires et continentaux. Les défis maritimes auxquels nous faisons face, tels que la pêche illégale, les crimes transnationaux et la pollution, transcendent les frontières et impactent l’ensemble de la région de manière considérable.
En observant de près les discussions avec les représentants des pays insulaires, nous constatons des nuances importantes par rapport à celles des pays continentaux. Ces différences soulignent la nécessité de développer des approches adaptées à chaque contexte, tout en maintenant une vision commune pour relever les défis partagés. Les échanges ont révélé des dynamiques distinctes, mettant en lumière des aspects uniques des menaces maritimes qui exigent une attention particulière.
Il est indéniable que les populations les plus touchées nécessitent une collaboration urgente pour faire face à ces menaces. Une approche concertée et coordonnée, impliquant une coopération renforcée entre nos nations, est essentielle pour élaborer des solutions efficaces et durables. En unissant nos forces, nous pourrons mieux répondre aux défis complexes et variés qui touchent nos régions respectives, assurant ainsi la sécurité et la durabilité de nos espaces maritimes communs.
Avez-vous participé à des projets que vous souhaiteriez mettre en avant ?
ASH : Je suis impliqué dans divers projets, mais depuis près de 12 ans, je me consacre particulièrement sur des projets relatifs à la sécurité et sureté maritime. Ces projets ont joué un rôle essentiel dans la sensibilisation des États et au niveau international. Ils nous ont également permis de convaincre nos partenaires régionaux et internationaux de notre engagement. Cette démarche remonte à l’émergence de la piraterie en 2009, à travers un projet mis en œuvre en collaboration avec la COI et les organisations de l’Afrique.
Nous avons travaillé en étroite collaboration avec des organisations telles que l’IGAD, l’EAC, le COMESA et la COI. Grâce à ces partenariats, nous avons pu mettre en place des mécanismes efficaces pour faire face aux défis sécuritaires. Un exemple concret est l’initiative du COMESA, qui a instauré un mécanisme de lutte contre le blanchiment d’argent. De plus, nous avons développé des programmes comme celui du EAC qui a facilité la formation des pays en matière de droit pour juger les jeunes pirates appréhendés. La COI avec les pays ont aussi mis en place un mécanisme régional de sécurité maritime dénommé l’Architecture de Securite Maritime Régional. Cela s’est concrétisé par la mise en place de centres nationaux et régionaux 1 2, facilitant une collaboration étroite avec le Code de conduite de Djibouti. Il faut noter que la convention de 2009 contre la piraterie a été renforcée en 2017 par les amendements de Djeddah, prenant en compte tous les crimes maritimes.
Au niveau national, nous soutenons les pays dans l’organisation de leurs efforts, avec le lancement de stratégies de sécurité maritime en cours de finalisation. Les centres nationaux, étant multi-institutionnels, rassemblent différentes entités pour une collaboration plus efficace, agissant comme une direction unifiée pour l’Action de l’État en mer.
En outre, la collaboration entre les pays de la région est cruciale. Grâce aux officiers de liaison présents dans les centres régionaux, nous avons établi un dialogue essentiel avec tous les membres, surmontant ainsi les défis d’identification d’interlocuteurs pertinents. Cette coopération renforcée contribue grandement à une maitrise du domaine maritime, à la stabilité et à la sécurité maritime dans la région.
En quoi le CESA peut contribuer davantage à vous soutenir ?
ASH : Personnellement, c’est ma quatrième participation à un programme du CESA. En 2010, j’étais ici à Dar es Salaam en tant que participant. Plus tard, j’ai été invité en tant que paneliste à un séminaire sur la sécurité maritime au Cameroun. Le CESA nous a également donné l’opportunité d’organiser une conférence similaire aux Seychelles en 2018, où j’étais basé à l’époque. Cette conférence visait à comparer nos efforts avec d’autres initiatives que nous menions en l’occurrence dans le golfe de guinée et au sud-ouest de l’océan Indien.
Et aujourd’hui, nous sommes réunis encore une fois pour cette nouvelle conférence. Quels avantages le CESA peut-il nous apporter ? Il offre une multitude d’opportunités, en particulier le renforcement des capacités, les leçons tirées, mais surtout les échanges d’expériences. Grâce à leurs formations, le CESA peut nous guider vers des partenaires internationaux. J’ai discuté de cela avec le Dr. Malaquias, le doyen, qui nous a encouragés à formaliser nos efforts et à saisir les opportunités offertes par le CESA.
Quelle est votre opinion sur l’engagement du Centre d’Études Stratégiques de l’Afrique à promouvoir la diversité de pensée parmi ses participants, en cherchant à atteint un objectif de 30 % de participation féminine à ses programmes ? En quoi cette initiative a-t-elle modifié la dynamique du programme selon vous ?
ASH : En effet, un changement notable s’est opéré au fil du temps. L’évolution que j’ai pu observer depuis mes premières participations est des plus significatives. La présence croissante de femmes s’intéressant au domaine maritime témoigne clairement des améliorations apportées par la politique du CESA.
Cette transformation reflète non seulement une ouverture accrue des opportunités pour les femmes dans le secteur maritime, mais également une reconnaissance de leurs compétences et de leur valeur au sein du secteur de la sécurité.
Il est encourageant de constater que les efforts déployés pour favoriser la participation féminine dans le secteur maritime portent leurs fruits, créant ainsi un environnement plus inclusif et équitable. Cela démontre la capacité du CESA à évoluer avec les besoins changeants de la société et à promouvoir une culture organisationnelle qui valorise la diversité et l’inclusion.
Il est essentiel de poursuivre ces initiatives afin de renforcer davantage la diversité et l’équité au sein de l’organisation, créant ainsi un environnement propice à la collaboration et à l’innovation.
Quel est votre dernier mot ?
ASH : De là où nous sommes partis, je reste optimiste que les choses vont beaucoup évoluer. Il y a une forte volonté politique et un engagement fort de la communauté internationale sur les questions de sécurité et sureté maritime. L’appuie permanent et conséquent du CESA en est une preuve tangible. Néanmoins, les menaces augmentent et il y a donc lieu à renforcer la coopération et la collaboration, car seul un État n’est en mesure d’y faire face. Ce n’est qu’en réunissant nos efforts que nous pourrons lutter contre les crimes maritimes quelques soient leurs formes. Je vous remercie.