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Le CESA s’efforce d’offrir une programmation adaptée aux tendances émergentes et aux menaces à la sécurité. C’est ce qu’illustre la programmation récente en matière d’État de droit, qui a devancé les priorités et les événements de l’Union africaine (UA) au cours de l’année écoulée et y a répondu. En août dernier, le CESA a réuni un groupe d’experts à Banjul, en Gambie, pour discuter de la réforme du secteur de la sécurité et de la gouvernance (RSS/G) au niveau national et formuler des recommandations à l’intention des pays confrontés aux conséquences des transitions gouvernementales et des guerres civiles. Quelques-uns de ces experts ont ensuite participé en novembre à une conférence de l’UA visant à analyser la mise en œuvre du cadre politique de l’UA pour la réforme du secteur de la sécurité. Ce guide, publié il y a une dizaine d’années, visait à fournir aux États membres de l’UA et aux communautés économiques régionales (CER) un cadre « pour la formulation, la conception, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des processus de réforme du secteur de la sécurité »1. Après la conférence de l’UA, le Dr Catherine Kelly, vice-doyenne chargée des affaires académiques et maître de conférences de justice et d’état de droit, a vu l’opportunité de réunir à nouveau les experts que le CESA avait rassemblés en août 2023 pour discuter du cadre de l’UA et examiner comment, si possible, il coïncidait avec leurs recommandations au niveau national. Cette réunion virtuelle a été renforcée par l’inclusion de participants aux programmes du CESA pour le Forum parlementaire de l’Afrique occidentale et de l’Afrique australe de 2024.
Le Dr Kelly s’est entretenu avec Victoria Sumner, de l’équipe chargée de l’engagement, pour discuter de la RSS/G, des enseignements tirés des événements et de la manière dont les anciens auditeurs du CESA peuvent tirer profit de ces discussions.
Pourriez-vous commencer par une brève présentation de la réforme du secteur de la sécurité et de la gouvernance ? Comment les individus, les institutions et les idées influencent-ils le domaine ?
« Il s’agit d’une approche stratégique visant à définir la manière dont les différentes institutions formelles et informelles de l’État et de la société dans différents pays travaillent ensemble, parfois de concert et parfois en tension, pour assurer le la surveillance des services fournis par l’État et du domaine de la défense et de la sécurité ».
Comment est née la réunion virtuelle sur l’État de droit en mars 2024 ?
CK : Cette réunion virtuelle sur l’État de droit visait à réunir les experts en la matière de la table ronde d’août 2023 en Gambie pour qu’ils se retrouvent huit mois plus tard et réfléchissent à la manière dont le travail qu’ils effectuent au niveau national dans leur pays pourrait s’inscrire dans les programmes plus larges de réforme du secteur de la sécurité et de justice transitionnelle au niveau de l’UA. Comme le CESA dispose d’un pouvoir de rassemblement unique, capable d’inviter des fonctionnaires civils et en uniforme, nous avons pensé qu’il serait intéressant de tirer parti de ce pouvoir, tout en invitant également des responsables de la sécurité et de la justice, pour avoir une discussion véritablement interdisciplinaire et interagence sur la RSS et le blanchiment d’argent.
Pourquoi avez-vous décidé d’inclure les participants aux programmes du Forum parlementaire de l’Afrique occidentale et de l’Afrique australe 2023 dans la réunion virtuelle ?
CK : Pour ces deux programmes, nous avons convié des parlementaires des commissions de défense et de sécurité, des collaborateurs parlementaires spécialisés dans ces domaines et des fonctionnaires de la défense et de la sécurité chargés d’assurer la liaison avec le pouvoir. L’objectif était de leur fournir une plate-forme de confiance leur permettant d’améliorer leur compréhension mutuelle des rôles et responsabilités de chacun, et d’analyser comment ils peuvent capitaliser sur les synergies et gérer les tensions dans leur travail, en particulier sur des questions telles que le professionnalisme et l’éthique, les budgets et la stratégie, et l’établissement de relations avec les communautés et les citoyens. Nous avons pensé qu’il serait vraiment intéressant de mettre en relation ces fonctionnaires qui se concentrent sur la surveillance législative du secteur de la sécurité avec les experts de la table ronde de Gambie, qui se concentrent sur l’influence de la justice militaire et civile sur le secteur de la sécurité.
Quels sont les enseignements tirés par les anciens auditeurs ayant pris part à la conférence de l’UA ?
CK : D’une part, ils ont discuté des aspects du paysage sécuritaire africain qui affectent actuellement la RSS/G, que les anciens auditeurs du CESA connaissent déjà très bien de par le travail qu’ils ont accompli tout au long de leur carrière professionnelle. Dans une perspective d’avenir, ils ont également discuté des orientations techniques et opérationnelles à développer pour que les praticiens puissent les appliquer dans différents contextes. Divers domaines se prêtant à l’innovation et à l’amélioration ont également été mentionnés : le renforcement de la surveillance interne et de la responsabilité du secteur de la sécurité, l’extension du renforcement des capacités au niveau national et la pérennisation des opportunités de renforcement des capacités, l’établissement de liens entre les processus nationaux de RSS/G et les processus mondiaux d’établissement de rapports et les efforts de RSS/G au niveau des CER, l’intégration plus cohérente du secteur de la justice dans les discussions sur la RSS/G, la « mise en réseau des réseaux » de responsables militaires, policiers, judiciaires et de surveillance indépendante afin de faciliter le travail en synergie, et la poursuite du changement de paradigme en cours, de la sécurité nationale et du régime à la sécurité humaine et citoyenne dans la sphère de la défense et de l’élaboration des politiques de sécurité. Chaque thème était sous-tendu par un accent sur les relations civilo-militaires et la prise de conscience que la réforme du secteur de la sécurité et les outils de gouvernance qui améliorent la prestation de services de sécurité et de défense aux citoyens sont essentiels pour que le secteur de la sécurité établisse une relation de confiance avec la population. Parfois, il peut être difficile d’utiliser la RSS/G comme un outil efficace pour améliorer la prestation par l’État de services de sécurité aux citoyens si les connaissances des civils sur le fonctionnement de l’armée ou de la police sont insuffisantes. Il peut également y avoir des lacunes dans l’autre sens. Les participants à la réunion se sont interrogés sur la manière de combler ces lacunes et d’améliorer la compréhension contextuelle des uns et des autres.
L’une des recommandations de la table ronde du CESA en Gambie qui a retenu l’attention est l’idée de « favoriser les réseaux de solidarité ». Le CESA est-il un lieu où ces réseaux peuvent être développés ?
CK : Lors de la table ronde sur la Gambie, les experts ont discuté de la façon dont les dirigeants de certaines institutions chargée de la surveillance dans divers pays peuvent avoir des expériences professionnelles quelque peu différentes s’ils poursuivent un programme de réforme, en particulier dans les cas où ils sont au tout début d’une telle réforme et se heurtent à une certaine résistance. Ils peuvent également être confrontés à des difficultés au moment où ils assument leurs fonctions et leurs responsabilités en tant que responsables d’institutions en charge de la surveillance. La situation politique intérieure n’est pas toujours propice à la création d’opportunités ou d’espaces leur permettant de s’engager de manière à faire avancer l’institution dans la direction pour laquelle elle a été conçue. L’idée sous-jacente aux « réseaux de solidarité » était que s’il existait un intérêt suffisant parmi les anciens auditeurs du CESA, nous pourrions mettre en relation des individus ayant exercé des fonctions législatives, judiciaires et de surveillance indépendante dans le domaine de la sécurité tout au long de leur carrière.Je pense que c’est une question que nous voulons poser à la communauté des anciens auditeurs à travers cet article : qui, dans notre communauté, a fait ce travail dans le passé ou le fait aujourd’hui ? Vous sentez-vous déjà suffisamment soutenu par vos réseaux locaux et mondiaux de pairs institutionnels, ou serait-il utile d’élargir vos discussions et vos connexions avec cette communauté épistémique et professionnelle par le biais du réseau du CESA ?
Comment les anciens auditeurs du CESA peuvent-ils s’impliquer ?
CK : Les anciens auditeurs qui s’intéressent à l’État de droit et à la gouvernance du secteur de la sécurité n’hésitent pas à me contacter, ainsi que d’autres membres de l’équipe du CESA, pour me faire part de leurs idées, de leurs actualités et de leurs expériences dans ces domaines. Ils peuvent également se renseigner sur les sujets récemment abordés dans le cadre des programmes du CESA. Il existe un document de synthèse du dernier forum parlementaire, par exemple. Pour comprendre ce dont les anciens experts ont discuté lors de la table ronde de Gambie sur le renforcement de l’État de droit pour améliorer la RSS/G après un conflit ou une transition, je leur suggère d’examiner les conclusions de la table ronde et de les lire en même temps que le cadre politique de l’UA en matière de RSS et la politique de l’UA en matière de justice transitionnelle, qui ont servi de documents de référence pour l’échange. Les lecteurs sont invités à consulter les programmes de formation (Forum des Parlementaires d’Afrique australe 2023, Renforcement de l’état de droit pour atténuer les dommages civils, Forum des parlementaires d’Afrique de l’Ouest 2023) et les documents de préparation de ces programmes. Y a-t-il des conversations que nous n’avons pas encore abordées et que nous devrions, selon vous, envisager de traiter lors d’un événement de la communauté des anciens ?
Quelle est la prochaine étape ?
CK : J’aimerais savoir ce que les anciens auditeurs souhaitent pour l’avenir de ce groupe. Qu’est-ce que les anciens auditeurs qui s’intéressent à l’État de droit et à la gouvernance du secteur de la sécurité souhaitent que nous fassions à l’avenir dans ce domaine ? Y a-t-il un intérêt à discuter de la gouvernance responsable et à approfondir les échanges sur les bonnes pratiques en matière de surveillance législative, judiciaire et indépendante du secteur de la sécurité par l’intermédiaire des anciens auditeurs du CESA ?