Revue de presse du 5 mars 2025

Reconfigurer le calcul politique du conflit au Soudan
La décision prise par le département d’État américain en janvier 2025, selon laquelle la force paramilitaire des Forces de soutien rapide (FSR) au Soudan était responsable d’un génocide, a été accueillie par les observateurs moins comme une révélation que comme un truisme…La déclaration de génocide accuse les FSR d’avoir exécuté des civils sans défense et des combattants non armés et d’avoir commis des actes de violence sexuelle à grande échelle…L’intérêt principal de la déclaration de génocide pourrait être d’accroître l’attention portée à ce conflit longtemps négligé, dans lequel on estime qu’environ 60 000 à 150 000 personnes ont péri. Mettre en lumière les acteurs régionaux qui soutiennent les combats pourrait ainsi modifier l’impasse politique régionale qui a permis au conflit de persister en l’absence d’un électorat national populaire…Les coûts politiques sont plus importants que les implications financières liées à la déclaration de génocide. Cette désignation compromet les efforts déployés pour renforcer la réputation de Hemedti en tant que futur dirigeant acceptable du Soudan. À plusieurs endroits hors du Soudan, la déclaration a eu pour effet immédiat de faire de Hemedti et des FSR des parias…[L]a déclaration de génocide pourrait servir de pivot pour redéfinir les paramètres du conflit au Soudan. Centre d’études stratégiques de l’Afrique

Soudan: une Constitution de transition signée à Nairobi entre les paramilitaires et leurs alliés
Une Constitution de transition au Soudan est née à Nairobi lundi 3 mars. Près de deux ans après le début de la guerre qui oppose les paramilitaires à l’armée, les Forces de soutien rapide et leurs alliés veulent installer rapidement un gouvernement parallèle dans les régions sous leur contrôle au Darfour et au Kordofan. Elles s’y sont engagées fin février. Au total, douze parties ont signé l’accord sur une Constitution de transition qui devrait gérer la prochaine période dans les régions du Darfour et du Kordofan, sous domination de cette alliance. Les choses se précipitent au Soudan. Les Forces de soutien rapide (FSR) et leurs alliés tentent d’arracher en politique ce qu’ils ont perdu face aux avancées militaires de l’armée, surtout dans la capitale Khartoum. Après la charte fondatrice du Soudan et le gouvernement parallèle qui est en passe d’être formé, une nouvelle Constitution pour le nouveau Soudan a été annoncée par les alliés de Nairobi dont Abdel Rahman Daglo, le numéro deux des FSR est à la tête. RFI

Montée de tensions au Soudan du Sud: un ministre et un général alliés du vice-président arrêtés
Le ministre du Pétrole et le n°2 de l’armée du Soudan du Sud, des proches du vice-président Riek Machar, ont été arrêtés par les forces loyales au président Salva Kiir, dans un contexte de tensions croissantes entre les deux camps qui menacent le fragile accord de paix dans le pays. Ce plan de partage de pouvoir, signé en 2018 mais dont de nombreuses modalités n’ont pas été mises en œuvre, a mis fin à une guerre civile entre les deux parties qui a fait près de 400.000 morts et quatre millions de déplacés entre 2013 et 2018. Ces dernières semaines, un regain de tensions a été observé notamment dans l’Etat du Haut-Nil (nord-est), où l’armée dit avoir été attaquée par un groupe armé lié au vice-président, ancien chef rebelle, faisant craindre la montée d’une « violence généralisée » à plusieurs organisations. Mercredi, le ministre du Pétrole Puot Kang Chol a été interpellé selon son porte-parole. Mardi, le général Gabriel Duop Lam, un autre allié de M. Machar et officiellement n°2 de l’armée régulière sud-soudanaise (SSPDF) avait déjà été arrêté par le n°1 de l’armée lui-même, selon le parti du vice-président, le SPLM-IO…Fin février, plusieurs organisations multilatérales et non-gouvernementales avaient averti d’une montée de tensions dans le nord du pays, s’inquiétant d’un risque de « violence généralisée ». Elles avaient appelé à la désescalade. AFP

Le Canada et l’Allemagne sanctionnent le Rwanda pour son implication dans la déstabilisation de la RDC
Le Canada et l’Allemagne ont imposé le 3 et le 4 mars des sanctions contre le Rwanda pour son implication dans la déstabilisation dans la partie orientale de la RDC…« En raison des actions du Rwanda dans l’Est de la RDC, le Gouvernement du Canada a pris les décisions suivantes : suspendre la délivrance de licences pour l’exportation de marchandises et de technologies contrôlées vers le Rwanda ; suspendre les nouvelles activités commerciales de gouvernement à gouvernement avec le Rwanda, ainsi que le soutien proactif aux activités de développement commercial du secteur privé, y compris les missions commerciales ; revoir la participation du gouvernement du Canada aux événements internationaux organisés au Rwanda, ainsi que les propositions rwandaises pour l’organisation de futurs événements », indique la déclaration…Après avoir constaté que les troupes rwandaises opèrent toujours dans l’Est de la RDC et soutiennent le M23, violant ainsi la souveraineté de la RDC, l’Allemagne a décidé de suspendre ses nouveaux engagements financiers et de réexaminer actuellement sa coopération bilatérale au développement avec le Rwanda, annonce le compte X du ministère des Affaires étrangères de l’Allemagne. Plus particulièrement, l’Allemagne suspend les nouveaux engagements financiers, la coopération avec le Gouvernement rwandais dans le domaine de la coopération au développement. Bien avant, le ministère des Affaires étrangères de l’Allemagne avait convoqué l’ambassadeur rwandais accrédité en Allemagne pour lui demander des explications au sujet du soutien de ce pays aux rebelles du M23. Radio Okapi

Londres refuse de payer à Kigali le solde de l’ex-accord sur les migrants
Le gouvernement britannique a indiqué mercredi qu’il ne paierait pas le solde réclamé par Kigali d’un accord qui visait à expulser des migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni vers le Rwanda mais qui a été abandonné l’an dernier…Kigali a cependant réclamé lundi à Londres le règlement du solde de l’accord, soit 50 millions de livres sterling, sur fond de tensions diplomatiques entre les deux pays. Le gouvernement conservateur de Boris Johnson avait annoncé en 2022 le projet très controversé d’expulser au Rwanda des migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni. Mais il ne s’est jamais concrétisé. A son arrivée au pouvoir en juillet 2024, le travailliste Keir Starmer a annoncé l’abandon de l’accord avec le Rwanda. Il s’agissait de « gaspillage de l’argent du contribuable », écrit le ministère de l’Intérieur dans son communiqué. Le Rwanda avait alors prévenu que l’accord ne prévoyait pas la restitution des fonds déjà versés par Londres à Kigali (240 millions de livres sterling). Il restait 50 millions de livres sterling à payer…Les relations entre Londres et Kigali sont actuellement tendues. Le Royaume-Uni a annoncé la semaine dernière la suspension de la majorité de ses aides financières au Rwanda, en réponse à l’offensive du groupe armé M23 allié aux forces rwandaises dans l’est de la République démocratique du Congo. AFP

Tchad : après les élections législatives et régionales, le parti du président Déby gagne les sénatoriales
Avec la victoire écrasante de son parti aux élections sénatoriales, le président Mahamat Idriss Déby Itno, propulsé au pouvoir par une junte à la suite de la mort de son père en avril 2021, puis légitimé par les urnes au printemps 2024, verrouille la gouvernance du Tchad au terme d’un grand chelem électoral. Après trois ans à la tête de la transition, celui qui va fêter ses 41 ans en avril a obtenu en mai 2024 un mandat présidentiel de cinq ans lors d’un scrutin boycotté par l’opposition et qualifié par des ONG internationales de « non libre, ni crédible ». Le parti fondé par son père, le Mouvement patriotique du salut (MPS), contrôle 124 des 188 sièges de députés et les présidences des 23 régions du pays depuis les élections de décembre, mais aussi le Sénat. Le MPS a, en effet, remporté par les urnes 43 des 46 sièges de sénateurs et prédomine sur la liste des 23 nominations directes relevant du chef de l’Etat qui a été publiée mardi 4 mars 2025…« Le Tchad n’a jamais connu des élections libres, transparentes et crédibles (…) le pouvoir est conquis par les armes et le sacrifice du sang puis, une fois conquis, devient un patrimoine à conserver », avec « des mascarades électorales pour donner un semblant de légitimité », estime le constitutionnaliste Ahmat Mahamat Hassan. Le Monde avec AFP

Tunisie : le procès pour « complot contre la sûreté de l’Etat » est reporté au 11 avril
Le procès de personnalités éminentes de l’opposition tunisienne accusées d’avoir comploté contre la sûreté de l’Etat, initialement prévu mardi au palais de justice de Tunis, a été reporté au 11 avril par le juge, qui a refusé de libérer les mis en cause dans l’attente de cette nouvelle audience. Des manifestants s’étaient rassemblés devant le tribunal pour leur apporter leur soutien, alors que l’opposition politique dénonce des accusations montées de toutes pièces et dit y voir une illustration de la dérive autoritaire du président Kaïs Saïed. Aux yeux de groupes de défense des droits civiques, ce procès met en évidence le contrôle total exercé par Kaïs Saïed sur le système judiciaire depuis que le chef de l’Etat a dissous le Parlement en 2021 et commencé à gouverner par décret, avant de dissoudre à son tour le Conseil supérieur de la magistrature – l’organisme chargé de nommer les juges. Quarante personnes, dont des hommes d’affaires et des journalistes, sont poursuivies dans le cadre de cette affaire. Plus de vingt d’entre elles ont fui à l’étranger. Plusieurs hommes politiques ont été arrêtés en 2023 dans le cadre d’une répression des principaux opposants à Kaïs Saïed. L’ancienne cheffe de cabinet de Kaïs Saïed, Nadia Akacha, et l’ancien responsable des services de renseignement, Kamel Guizani, figurent parmi les accusés. Le Monde avec AFP

Burundi: Reporters sans frontières appelle de nouveau à libérer la journaliste Sandra Muhoza
L’ONG Reporters sans frontières appelle de nouveau à la libération immédiate de Sandra Muhoza au Burundi. La journaliste de La Nova Burundi est emprisonnée depuis avril 2024. En décembre dernier, elle a été condamnée à un an et neuf mois de prison en première instance, notamment pour « atteinte à l’intégrité du territoire national », pour un message partagé dans un groupe Whatsapp privé. Son procès en appel devait s’ouvrir ce mardi 4 mars à Bujumbura. Il a finalement été reporté…Son arrestation est intervenue un an après celle de Floriane Irangabiye. La jeune journaliste avait été condamnée à dix ans de prison ferme officiellement pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’État » en janvier 2023, et finalement libérée en août 2024…Le Burundi figure à la 114e place, sur 180 pays, sur le classement 2023 de RSF sur la liberté de la presse. RFI

Sénégal : 65 personnes ont été tuées lors des violences politiques entre 2021 et 2024, selon un collectif
Un collectif réunissant des journalistes, des cartographes et des scientifiques des données a établi à 65 le nombre de morts (dont 51 par balles), tués par les forces de sécurité, lors des violences politiques au Sénégal entre mars 2021 et février 2024, en grande majorité des jeunes, selon un communiqué publié mardi. Les précédents chiffres fournis par des ONG faisaient état de dizaines de morts, sans plus de précisions. La ministre de la famille et des solidarités, Maïmouna Dièye, a, elle, avancé début février le chiffre de 79 morts pendant ces violences. A cette occasion, le gouvernement a annoncé son intention d’accorder 10 millions de francs CFA (quelque 15 000 euros) aux familles des victimes. Selon le collectif CartograFreeSenegal, qui indique avoir mené ce travail avec l’ONG Amnesty International, « 65 morts ont été recensés, dont 51 tués par balles (soit 81 % du total) ». « L’âge moyen des victimes est de 26 ans, la plus jeune ayant 14 ans et la plus âgée 53 ans. Près de la moitié des victimes étaient des ouvriers ou des mécaniciens et un quart étaient élèves ou étudiants », dit le collectif, une initiative citoyenne lancée en juin 2023. La contestation avait été menée par l’opposant d’alors et actuel premier ministre Ousmane Sonko contre le président Macky Sall (2021-2024). Les précédentes autorités n’ont pas donné le bilan de ces violences meurtrières…Le premier ministre a annoncé, le 27 décembre, que son gouvernement déposerait un projet pour abroger la loi d’amnistie couvrant ces violences, à l’initiative de l’ex-président Sall et avant le scrutin présidentiel ayant conduit fin mars à l’élection du président Bassirou Diomaye Faye. Le Monde avec AFP